i la saisonnalité du coronavirus anime toujours les débats médicaux, il est certain que les mesures de reconfinement national annoncées ce 28 octobre par le président de la République vont impacter la principale saison de vente de vins. En témoigne Jean-Louis Bergès, le directeur général de la cave de Jaillance (80 % de l’appellation Clairette de Die).
« On ne connaît pas les conséquences du reconfinement, mais on peut les anticiper. Avec un reconfinement sévère de 4 semaines [potentiellement reconductible], il y aura les mêmes conséquences que le confinement du printemps : -30 % de ventes. Elles seront d’autant plus aggravées qu’elles ne toucheront pas de petits mois [commercialement parlant], mais les plus gros mois [d’activité] » explique Jean-Louis Bergès, soulignant que la cave coopérative de Die réalise 40 % de son chiffre d’affaires en France et à l’export sur les mois de novembre et de décembre.


Si le rebond commercial de l’été a permis de rattraper une partie de la perte d’activité liée au confinement du printemps, les annonces de couvre-feu ont entraîné une chute directe des commandes rapporte Jean-Louis Bergès. Enregistrant à la fin septembre une baisse de 12 % des ventes sur les neuf premiers mois de 2020 d’activité, Jaillance pourrait enregistrer un repli d’au moins 20 % de ses ventes sur l’année. « Tous nos confrères sont concernés. Aujourd’hui, personne n’a la trésorerie dans la filière pour une perte de 30 % de chiffre d’affaires » prévient Jean-Louis Bergès
Dans la filière vitivinicole, « nous finançons le stock. Nous gérons une trésorerie négative la plus grande partie de l’année pour la rétablir en fin d’année, en vendant et gagnant de l’argent » rappelle Jean-Louis Bergès, qui se prépare à des mois difficiles. Ne prévoyant pas de mesures de restriction des paiements aux 220 adhérents de la cave, Jaillance a souscrit ce printemps à un Prêt Garanti par l’Etat.


« Le PGE fait gagner du temps, mais ne résout pas les problèmes structurels. On flirte ici entre une situation délicate et alarmante » estime la députée de la Drôme, Célia de Lavergne, qui a défendu, en vain, un amendement de réduction des droits de circulation pour la Clairette de Die (afin d’aider à dégager des fonds pour la communication).
Jean-Louis Bergès attend pour sa part des annonces du gouvernement concernant les modalités de remboursement des PGE, et notamment l’étalement des paiements. Ayant fait appel à la distillation de crise (pour 10 000 hectolitres de la récolte 2019 en cuve), Jaillance a généré de la trésorerie tout en réduisant ses stocks. Des stocks qui seront d’ailleurs réduits par la réduction de récolte adoptée par l’appellation et amplifiée par la cave coopérative.
« Le syndicat AOC a voté une baisse des rendements, à 50 hl/ha, soit -20 % par rapport aux 60 hl/ha du cahier des charges » indique Franck Monge, le président de l’organisme de défense et de gestion de la Clairette de Die et des vins du Diois. Allant plus loin, Jaillance s’impose pour sa part un rendement à 45 hl/ha. « Même si nous sommes majoritaires dans l’AOC, chaque entreprise a ses propres contraintes et nous ne souhaitions pas imposer ce rendement aux autres » conclut Jean-Louis Bergès.
Avec 220 adhérents pour 1 190 hectares de vignes à Die et un site de négoce à Bordeaux (la maison Brouette), Jaillance produit 9 millions cols de vins effervescents à Die et Bordeaux. Son chiffre d’affaires s’élève à 34 millions d’euros en 2019, sans compter son activité dans la Loire, où le chiffre d’affaires avoisine 5 millions €. Dont 4 millions € de prestation de services pour les crémants Loire, qui devrait accuser une baisse conséquente en 2020 avec la crise viticole touchant le vignoble ligérien.