l peut paraître particulièrement hasardeux, pour ne pas dire insensé, de tenter de prédire l’évolution du marché mondial du vin par temps de pandémie. Et pourtant, plus que jamais, déceler les orientations futures du marché s’avère primordial, que ce soit pour prendre les bonnes décisions ou saisir de nouvelles opportunités. Première prédiction : la consommation mondiale de vin va régresser en volume en 2020. « Nous pensons que cette prédiction va se confirmer », affirme Richard Halstead, le directeur de Wine Intelligence. Néanmoins, bonne surprise, la pandémie a bien moins impacté le vin que des produits comparables, comme le café à emporter ou les produits de luxe, note l’agence. « Sur certains marchés, notamment les Etats-Unis et certains pays européens, le vin a tiré profit du fait que les gens ont dépensé moins sur les sorties, les vacances et d’autres activités de loisirs », pose-t-il. Considéré comme le « remontant » par excellence lors du confinement dans plusieurs pays, le vin s’est néanmoins consommé différemment et ces changements d’habitudes se sont reflétés, par exemple, dans les innovations en matière packaging. Le succès des bag-in-box est désormais bien connu – leur part est passée à 60% en mars et avril en Suède par exemple – mais Wine Intelligence pointe aussi la montée en puissance des marques connues – rassurantes et faciles à identifier dans la précipitation – de même que les packagings à fort impact visuel, indispensables vu la réduction du temps passé en magasin.
L’analyste avait prévu que les entreprises investiraient davantage cette année dans des packagings attrayants et de nouveaux formats de conditionnement comme les canettes, notamment pour des questions de recyclage et de réduction du bilan carbone, mais aussi pour coller au plus près des nouvelles occasions de consommation et de la tendance à boire moins mais mieux. Au final, l’innovation a favorisé des formats plus pratiques par temps de confinement, comme les BIB, et plus adaptés aux occasions extérieures qui ont remplacé les sorties au restaurant et au bar. « Nous pensons que les tendances à long terme visant la réduction de carbone et les progrès environnementaux resteront importantes, d'autant plus que les deux sont plus susceptibles d'être taxés par les gouvernements qui tentent de récupérer le coût du soutien à l'économie lié au coronavirus », estime Richard Halstead. Et celui-ci d’aller même jusqu’à affirmer que les allégations environnementales risquent d’être passées davantage au crible à l’avenir, « une fois que le temps d’antenne accordé actuellement au virus et aux vaccins diminue ». La définition plus stricte du vin naturel en France est citée comme l’expression d’une volonté de mieux encadrer les mentions à caractère environnemental et sanitaire.
Enfin, quant au profil des produits eux-mêmes, Wine Intelligence prévoit toujours la multiplication des vins au cannabis, même si cette révolution ne se fera pas du jour au lendemain. « Il a fallu sept ans pour que la catégorie des « hard seltzer » se démocratise et la catégorie du vin au cannabis pourrait mettre autant de temps (voire plus) ». A contrario, certains styles de vins traditionnels exercent déjà un attrait sur la nouvelle génération de consommateurs. Pour les assemblages rouges au bon rapport qualité prix et profil tannique moins marqué, de même que les vins blancs frais et légers l’avenir semble plutôt radieux. Idem pour les rosés premium frais, mais pas forcément ceux de Provence, victimes de leur succès.