Dans le Beaujolais, l’entreprise B3M n’a de cesse d’améliorer sa rogneuse PR3 Hydro automotrice, compacte, légère et passe-partout. Elle se vend désormais en dehors de ce vignoble.
C
e petit enjambeur à trois roues équipé de trois lamiers à couteaux et d’un marchepied pour le chauffeur, c'est le PR3 Hydro, une rogneuse automotrice originale et originaire du Beaujolais. "On a déposé le brevet en 2008 car il n’existait pas de machine équivalente. Et on y apporte régulièrement des améliorations. » David Ducruix commente sobrement les étapes qui l’ont conduit à maintenir le succès de la PR3 Hydro. Cogérant de l’entreprise de mécanique B3M, installée à Saint-Didier-sur-Beaujeu Rhône, il en fabrique quatre à cinq par an pour les vignerons du Beaujolais.
Mais depuis deux campagnes, les demandes affluent d’autres régions, comme la Bourgogne et le Jura. « C’est une machine efficace et adaptée à nos vignes, observe Lucien Grandjean, l’un des utilisateurs de l’outil, viticulteur à Régnié-Durette, dans le Rhône. On l’a achetée en Cuma et je passe avec elle dans presque toute ma surface, soit 8 ha. Sa prise en main est très rapide. En quinze minutes, on se sent à l’aise. C’est une machine agile et réactive, qui grimpe très bien. Comme il est facile de la transporter dans une camionnette, elle ne nous fait pas perdre de temps, alors que toutes nos parcelles sont éparpillées. »

Un outil accessible
La PR3 Hydro est dotée d’un moteur essence Kohler de 14 ch à démarrage électrique qui alimente une transmission hydrostatique. Chacune des trois roues dispose de son moteur. La hauteur de passage sous poutre est au maximum de 1,40 m. Celle du rognage est préréglée manuellement puis s’affine au vérin si l’on rencontre des piquets plus hauts.
Le succès de cette rogneuse automotrice – environ 120 exemplaires tournent, en comptant les premiers modèles – tient avant tout au bouche-à -oreille et aux démonstrations qui ont eu lieu localement. David Ducruix n’est en effet pas un adepte des salons ni de la publicité. « Mon père et moi avons racheté une entreprise de mécanique agricole, motoculture et serrurerie à Saint-Didier-sur-Beaujeu, en 2006, relate le cogérant. C’est ainsi que nous avons été amenés à reprendre la fabrication de cette rogneuse. » Avant de préciser : « Au départ, il s’agit d’un motoculteur qui a été transformé. Nous avons ensuite apporté une correction de dévers et l’avancement hydrostatique. C’est à ce moment-là que nous avons déposé le brevet. Puis nous avons continué à apporter des modifications au châssis, afin de mieux intégrer les composants, et à améliorer la finition avec des arrondis. En 2011, nous sommes passés au moteur Kohler, les délais de livraison de Honda étant devenus trop longs à la suite du tsunami. Nous avons aussi épaissi les voiles des jantes car il y a eu de la casse. Mon but reste de proposer un produit accessible et très maniable, comme vous allez le voir sur le terrain. »

A l'épreuve du dévers
Joignant l’acte à la parole, David nous emmène chez Lucien Grandjean pour une démonstration. Il démarre l’enjambeur à l’aide d’une commande électrique. En quelques instants, le voilà chargé dans le fourgon, un Boxer. « Il faut un véhicule d’au minimum 135 cm de largeur utile pour le loger, décrit David. Ici, entre les roues arrière, on a suffisamment d’espace. »
Sur place, le déchargement est tout aussi rapide. À peine arrivés, il est temps de s’élancer. La première parcelle est palissée, sans trop de pente. Dans ces rangées rectilignes, David n’a aucun mal à avancer ni à manÅ“uvrer. Puis il s’engage dans une autre parcelle, bien plus pentue, en dévers, plantée de pieds en gobelet dont il est plus difficile de deviner l’alignement. La mission est périlleuse mais David s’en sort bien, quitte à descendre parfois du marchepied articulé quand la pente est trop forte. « Je n’avais pas encore osé essayer la rogneuse dans cette parcelle, admet Lucien, au grand désarroi de mon épouse ! » plaisante-t-il.
Côté performances
La machine avance à 4, voire 4,5 km/h au maximum. C’est la vitesse qu’atteint David dans la première parcelle, posé sur le marchepied de la rogneuse. En forte pente, le pilotage se fait plus délicat. David est forcé de ralentir, à la vitesse d’un homme qui marche.
La rogneuse offre environ 3 heures d’autonomie. « On arpente 4 ha dans la journée si les vignes sont accessibles et proches. Une fonction aide à être plus productif : le débrayage de la roue avant droite pour faire des demi-tours très serrés. On tourne alors sur place ! assure David. C’est bien adapté aux tournières du Beaujolais, qui sont très courtes. Enfin, côté sécurité, les couteaux ne tournent que quand la machine avance, et pas quand elle recule. Et il y a un interrupteur pour les arrêter. »
Pour ce qui est des réglages, la plupart sont manuels et mécaniques, excepté l’affinage de la hauteur de rognage, qui est hydraulique. La correction de dévers s’actionne manuellement grâce à deux leviers placés devant le poste de conduite. Enfin, une marche forcée peut être activée pour entrer dans le rang, ce qui est utile en descente car il faut un minimum de vitesse pour faire tourner les couteaux.
Hors des frontières
Il y a deux ans de cela, David a vendu un autre châssis dans le Jura. Plus grand que celui utilisé dans le Beaujolais, il mesure 1,5 m de largeur hors tout pour 1,5 m de hauteur sous poutre. Il reçoit deux panneaux de cinq couteaux, alors que le modèle standard est équipé de panneaux à quatre couteaux. Ce nouveau châssis sera bientôt suivi d’un second. Et trois modèles arpentent les vignes de Bourgogne, dont un depuis l’an dernier. « Je reçois des appels téléphoniques. Il y a de la demande en Bourgogne pour la rogneuse », affirme David.
La fabrication de cet automoteur aide l’entreprise à passer la saison morte. « Il faut un mois et demi pour produire une unité. Nous ne sous-traitons que la fabrication des réservoirs », précise-t-il.
L’artisan vend ses machines 21 000 € HT pièce. Il propose deux autres outils pour son châssis : une tondeuse pour l’interrang, et une rampe de désherbage chimique sous brosse intercep. Mais leurs ventes restent anecdotiques, l’usage étant presque exclusivement le rognage.