Moulon, en Gironde, Sébastien Verouil n’a pas une minute à lui. Pour cultiver ses 22 hectares de vigne, en bio, il ne sollicite que deux travailleurs à façon. Lorsqu’il descend de son tracteur, il enfile régulièrement sa vareuse et part s’assurer que les abeilles de ses quinze ruches sont en bonne santé. Sa journée n’est pas terminée lorsqu’il rentre chez lui. En tant que trésorier du Groupement de Défense Sanitaire Apicole (GDSA), il reçoit des dizaines de mails d’apprentis apiculteurs. Malgré tout, ce passionné ne se sent pas débordé. Il nous a donné les clés du succès.
Vous considérez-vous d’abord comme un vigneron ou un apiculteur ?Sébastien Verouil : J’entretiens une quinzaine de ruches depuis 20 ans, j’adore cela, mais c’est la vigne qui me fait vivre. J’ai rejoint ma mère sur l’exploitation en 2004. A l’époque, nous n’avions qu’1,5 hectare et j’étais directeur régional dans l’informatique. J’ai quitté mon poste en 2015, racheté de la vigne et suis passé à temps plein sur la propriété.
Aujourd’hui j’ai 22 ha et je livre un peu plus de la moitié de ma récolte à la coopérative Louis Vallon. Je vinifie le reste et vends mon vin aux particuliers. Souvent je leur offre un pot de miel, ils adorent.
Produire du miel demande beaucoup de temps ?En fait, c’est un peu comme s’occuper d’animaux de compagnie. Je vais voir mes ruches régulièrement pour m’assurer que tout va bien. En ce moment c’est la récolte du miel. J’y consacre 30 minutes une à deux fois par semaine. J’ajoute des hausses, je vérifie que les abeilles montent bien dans les cadres, et j’extrais le miel. La fin de l’été et le début de l’automne sont plus calmes, ce qui me permet de me consacrer pleinement aux vendanges.
En fonction des stocks qu’elles ont constitués et des températures de l’année, il faut ensuite nourrir les abeilles pour les aider à passer l’hiver. C’est aussi à cette période qu’entreprends des réparations sur les ruches. A partir de mars, il faut surveiller les pontes, et garder un œil sur les réserves et l’état de santé des abeilles.
Cela dépend de vos pratiques actuelles. Si vous souhaitez garder vos ruches longtemps, il ne faut pas tondre au moment de la floraison, ne pas utiliser de CMR, choisir des insecticides qui bénéficient de la mention abeille. Il est aussi préférable de traiter le soir ou la nuit, quand les colonies sont dans leur ruche. Cela implique une bonne communication avec ses voisins. Enfin, cela va de soi, il faut favoriser la biodiversité en plantant des arbres ou des haies.
Les abeilles tombent-elles facilement malades ?Elles peuvent attraper la diarrhée, la « nosémose » si elles sont mal nourries ou si la ruche est mal exposée. Mais elles ont surtout de nombreux prédateurs. Le principal est un acarien originaire d’Asie, le varroa, arrivé en France dans les années 80. Il pond ses œufs dans le couvain et provoque des malformations chez les abeilles. Elles naissent avec des pates ou des ailes en moins. Au sein du GDSA, nous nous battons aussi contre le frelon asiatique. Il a été signalé pour la première fois en France en 2005, dans le Gers. Depuis, il a envahi tout le Sud et l’Ouest. Les régions septentrionales sont encore plus ou moins épargnées. On peut également citer la teigne européenne, une espèce de papillon de nuit, qui pond jusqu’à 1000 œufs et peut rapidement envahir toute la ruche.
Que dois-je acheter pour me lancer ?Il vous faut bien sûr une ruche, avec ses hausses et ses cadres. Il faut également acheter le nécessaire pour aller la visiter, une combinaison, des gants, une pince pour attraper les cadres, un lève-cadres, un enfumoir... Lors de la récolte du miel, vous aurez besoin d’un extracteur. Il peut être manuel, moins cher, ou électrique. Et il vous faut des seaux et beaucoup de pots.
Combien cela va-t-il me coûter ?Au minimum 250€ pour une ruche et un essaim sur cinq cadres. Ajoutez-y vos équipements de sécurité et tout le matériel de récolte et de conditionnement et vous vous rapprocherez des 1000€. On trouve peu de matériel d’occasion mais vous pouvez faire baisser la facture en montant vous-même vos ruches et vos cadres, ou en cousant votre vareuse. Tout dépend de vos talents manuels et du temps que vous souhaitez consacrer à cette activité.
Et au quotidien, quelles seront mes dépenses ?Elles seront assez faibles car les produits contre les nuisibles ne sont pas vendus chers. Si vous adhérez au GDSA, en l’échange d’une cotisation annuelle de 12€, vous pourrez traiter 5 ruches pour 11€ contre le varroa. Dix pièges sélectifs à frelons coûtent 27€. Un litre d’appât vaut 22€, mais il ne faut qu’1cl par piège. Vous pouvez aussi créer vos propres pièges avec une bouteille et de la bière ou de la limonade.
Combien de miel vais-je récolter ?Avec 15 ruches, je récolte autour de 250 kgs de miel par an. Je suis loin d’avoir optimisé ma production. Par exemple, je laisse la reine se renouveler de manière naturelle, tous les 5 ans en moyenne, alors que les apiculteurs professionnels la remplacent dès qu’elle commence à moins produire.
Comment puis-je être sûr d’avoir du miel de tilleul ou de châtaigner ?Si vous laissez faire vos abeilles, elles produiront un miel composé d’un mélange de fleurs. Pour avoir du miel de tilleul, il faut poser une hausse et des cadres dès l’ouverture de la fleur, à retirer à la fin de la floraison. Consultez un calendrier apicole. En ce moment nous sommes en pleine floraison de tilleul. Celle des arbres fruitiers et des acacias est terminée. Dans les semaines à venir, ce sera au tour des lavandes et des châtaigners.
Dois-je effectuer des démarches auprès de l’Administration ?Plusieurs, même en tant qu’amateur. Dès l’acquisition de votre première ruche, vous devez obtenir un numéro d’agrément auprès de la Direction générale de l’alimentation. Il vous permettra d’assurer votre ruche, une démarche obligatoire, l’abeille étant un animal potentiellement dangereux. D’ailleurs, pensez à consulter les arrêtés préfectoraux ou communaux qui fixent des distances minimales entre les ruches et les maisons. Tous les ans, vous devrez en plus déclarer vos colonies sur le site du Ministère de l’agriculture et sur celui des impôts.
Si vous vendez votre miel, même en petite quantité, vous devrez aussi faire modifier le statut de votre exploitation agricole pour y faire apparaitre l’activité d’élevage, et tenir un registre.
Est-il nécessaire de se former ?Selon moi c’est indispensable. Il y a plein d’astuces à connaître. Par exemple, savez-vous que vous devez orienter l’ouverture de votre ruche vers le sud-est ? Si vous la mettez au nord, vos abeilles seront peu productives ou déserteront. Savez-vous que l’herbe haute devant la ruche constitue une bonne barrière contre le frelon asiatique ? Sur internet, vous trouverez peu de sites techniques. Et il n’existe pas de Bulletin de Santé comme en viticulture.
Le mieux est de suivre une formation dans un rucher école. Vous pouvez vous renseigner auprès d’un syndicat apicole. Cette formation concilie théorie et pratique, et elle est facile à suivre car les cours sont en général organisés le samedi matin, de mars à juillet.