attant normalement son plein mi-mai, la campagne des primeurs de Bordeaux débute timidement après la fin du confinement, et l’annulation de la semaine des primeurs, avec la mise en vente par la place de premières propriétés médocaines (comme le châteaux d’Arsac, voir encadré). Figurant parmi ces pionniers de cette incertaine campagne, le Clos Manou 2019 est en vente depuis ce 20 mai avec un prix de sortie de 12,30 euros HT au négoce. Alors que les courtiers et négociants plaident pour une baisse globale de 10 à 20 % des prix pour s’adapter à la crise du coronavirus, « nos tarifs n’ont pas changé par rapport à 2018. Notre domaine est petit et nos coûts de production sont élevés, avec 13 salariés fixes faisant beaucoup de travail à la main sur du 10 000 pieds/hectare. Nos prix sont assez stables et peu fluctuants, ce qui est apprécié par notre distribution » souligne Stéphane Dief, le co-propriétaire du Clos Manou (18 hectares en AOC Médoc).
Ayant envoyé à ses 25 négociants bordelais des échantillons pendant le confinement, Stéphane Dief reste à leur écoute pour s’adapter à cette période complexe. Commercialisant 70 % de ses 120 000 cols en primeur, le vigneron médocain indique être prêt à faciliter ou étaler les paiements pour ses primeurs 2019. « On ne met pas de pression sur des allocations. Si un négociant en prend moins ou n’en prend pas, nous ne lui en tiendrons pas rigueur. Nous vendons en primeur au négoce depuis quinze ans, s’il n’y a pas de ventes, nous aurons un trou de trésorerie dès juillet » anticipe Stéphane Dief.


Ayant de premières commandes de négociants, le clos Manou se débrouille pour commercialiser son millésime 2019 avec peu de notes de critiques. « Nous aimons avoir des notes, c’est ce qui a fait notre renommée, mais nous ne courons pas après. Nous n’avons pas souhaité envoyer des échantillons à l’étranger (Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni…) » explique Stéphane Dief. Normalement calé sur le rythme de publication des notes de dégustation, ce début de campagne des primeurs 2019 va se faire sans ce filet.
« On ne pouvait pas augmenter les prix, on serait allé droit dans le mur. Notre consommateur final a vu son niveau de vie baisser, on ne pouvait prendre le risque de ne pas vendre notre récolte quand rien ne nous dit que la situation va s'améliorer » analyse Philippe Raoux, le propriétaire du château d'Arsac (108 hectares de vignes, pour moitié en appellation Margaux). Sortant ce 26 mai son millésime 2019 avec un prix inférieur de 20 % aux précédents primeurs, le domaine fait le choix de s'adapter aux conditions la crise du coronavirus sans valoriser son nouveau classement en cru bourgeois exceptionnel. « C'est une baisse conséquente de prix, mais pour vendre des vins dans cette période de difficultés, il faut courber l'échine et faire abstraction de son amour propre » note Philippe Raoux, qui compte bien réussir à commercialiser ses 280 000 cols d'AOC Margaux en primeur d'après les premiers retours positifs de la place de Bordeaux.