olitiquement et économiquement, la semaine s’annonce décisive pour le plan d’urgence du vignoble face à la crise du coronavirus. Mi-figue mi-raisin depuis les premières annonces gouvernementales, ce lundi 11 mai, la filière vin échanger avec les ministres de l’Agriculture et de l’Economie ce vendredi 29 mai afin d’acter leurs mesures d’aides. Les négociations devant permettre de finaliser le plan sectoriel, la date butoir est contraint avec la tenue ce mercredi 3 juin du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer qui ouvrira les campagnes de distillation de crise et de stockage privé.
Dans ce délai contraint, tout l’enjeu pour la filière vin est d’obtenir un volant budgétaire favorable à sa relance. Si les premiers échanges techniques permettent d’envisager de premiers paiements de la distillation de crise avant le 15 octobre (en passant par les distillateurs), il s’avère que l’exécutif envisage des aides à la distillation de 40 €/hl pour les vins sans indication géographiques (VSIG) et de 70 €/hl pour les vins d’appellation et d’indication géographique protégée (AOP et IGP). Des montants bien éloignés des demandes posées par l'Association Générale de la Production Viticole (AGPV) : 65 €/hl pour les VSIG et de 80 €/hl pour les AOP/IGP. S’appuyant sur le relevé de transactions à très bas prix (dans les vignobles alsaciens et charentais), cette proposition gouvernementale suscite le rejet en bloc des représentants du vignoble.


« On peut trouver ici et là des prix de contrats se trouvant en dessous des prix demandés pour la distillation. Mais 99,5 % des cotation sont au-dessus de ces prix. La question est de savoir si le prix du marché est fait par 99,5 % ou 0,5 % des volumes… » explique Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France (VIF). Si le juste prix de la distillation est capital, le vigneron du Ventoux souligne que l’enjeu du volume envoyé en chaudières reste également décisif.
« Si les engagements de distillations sont de 3 ou 3,5 millions hl, il faut pouvoir sortir du marché tout ce qui doit être retiré. Il faut un volume financier suffisant pour atteindre la pleine efficacité des aides au secteur, comme avec les plans pour le tourisme, la culture, la restauration, AirFrance… » souligne Jean-Marie Fabre, qui milite pour la possibilité de réabonder l’enveloppe de distillation à la hauteur du besoin.
« Nous attendons les retours des ministères sur la pierre d'achoppement des prix » complète Anne Haller, la directrice des Vignerons Coopérateurs de France (CCVF), qui souligne que les estimations de 3 à 3,5 millions hl sont à prendre avec précaution. « Il ne s'agit que de résultats d'enquêtes qui donnent une visibilité théorique, seules les souscriptions des entreprises seront réellement valables, quand le dispositif sera connu et ouvert » prévient Anne Haller.
Afin de maintenir les prix aidés avec une enveloppe fixée, le plan de distillation fera appel à un stabilisateur de volumes : en cas de dépassement des capacités de financement, une réfaction des quantités distillables se fera au prorata des demandes totales. « Il ne faudra pas jouer sur le stabilisateur en se disant qu'il faut doubler sa demande pour espérer distiller le volume souhaité. La surdéclaration des engagements n'est pas anodine. Des pénalités sont prévues en cas de non-livraison » alerte Anne Haller.
En pleines négociations, les autres outils du plan d'aide restent en suspens. Pour définir les modalités de stockage privé, l’AGPV a finalisé un appel à projet ce 25 mai (proposant une période de garde et des compensations financières). La question des exonérations de charges sociales reste également posée, attendant a priori un arbitrage de Bercy. Pour le vignoble, tout l’enjeu de ces curseurs reste de transformer ces mesures d’urgence en un plan à la mesure de la relance.