Une phase de concertation avec les différentes instances concernées s’est soldée par une série de propositions de mesures extraordinaires pour aider le secteur du vin en Espagne à surmonter les conséquences du Covid-19 sur la commercialisation du vin. Dans le cadre de discussions entamées ce 8 mai avec les Communautés autonomes, le ministre de l’Agriculture propose d’autoriser la distillation de 2 millions hl de vin, toutes catégories confondues, soutenue par une aide de 25 € l’hectolitre de vin distillé. L’alcool obtenu serait destiné exclusivement à des usages industriels et énergétiques, sur une base minimum de 10 hectolitres par contrat.
Pour ce qui est de l’aide au stockage, elle serait fixée à 0,02 € l’hectolitre de vin par jour de stockage, au bénéfice des entreprises productrices de vins (bodegas). Cette aide porterait sur environ 1,5 millions hl de vin AOP en vrac pour une durée de 6, 9 ou 12 mois, à déterminer par le requérant. Le volume minimum concerné serait de 50 hl par demande. Au titre de ces deux mesures, le financement nécessaire est estimé à 57,42 millions €, dont 50 millions € pour la seule distillation. Afin de limiter l’offre, le ministre propose également que les raisins destinés à la vinification proviennent de parcelles dont les rendements ne dépassent jamais 20 000 kg/ha pour les rouges et 25 000 kg/ha pour les blancs. En cas de non-respect de ce critère, les raisins doivent servir uniquement à la distillation (à usage industriel ou énergétique) ou à la production de moûts ou de vinaigre. Enfin, il est proposé d’augmenter les prestations viniques, en fonction des stocks et des prévisions de production au 15 août.
D’ores et déjà, des voix s’élèvent pour affirmer que si ces mesures sont nécessaires, elles sont aussi insuffisantes. Dans la presse locale, Rafael Torres, président de la cave coopérative Virgen de las Vinas de Tomelloso dans la province de Ciudad Real, qui produit plus de 2 Mhl par an, réclame un volume de distillation supérieur à 2 millions hl à un prix revalorisé, invoquant non seulement les excédents actuels mais aussi la perspective d’une « bonne récolte » si « rien ne se passe » d’ici les vendanges. Il estime également que les dispositions de stockage ne font que retarder le problème car ce vin reviendra tôt ou tard sur le marché.
Au-delà de ces mesures extraordinaires, certaines institutions commencent à demander que cette période exceptionnelle soit l’occasion de revoir le modèle du secteur vitivinicole. C’est le cas du ministre régional de l’Agriculture de Castilla la Mancha, Francisco Martinez Arroyo qui, par voie de presse, a appelé de ses vœux « un changement radical » au sein du secteur. Pour ce dernier, la réduction des rendements, l’augmentation de la production des sous-produits et l’aide aux vignobles non irrigués doivent favoriser une viticulture de qualité. De leur côté, certaines instances professionnelles déplorent l’absence de la vendange en vert parmi les mesures proposées par le ministère de l’Agriculture.
L’Union des syndicats de Castilla la Mancha estime que la vendange en vert serait préférable à une réduction sans aide des rendements ou à la production de vin destiné à être distillé ou stocké. L’Asaja de Castilla la Mancha pour sa part prône la distillation de 4 à 6 millions hl à destination de l’alcool de bouche. L’organisme dénonce dans le même temps de mauvaises pratiques commerciales, affirmant que plusieurs acheteurs ont l’intention de renégocier les contrats pour faire baisser les prix. D’où l’intérêt de mettre en œuvre rapidement ces mesures exceptionnelles.