ace à une crise sanitaire mondiale inédite, les analystes s’empressent de rassurer en tirant des parallèles avec de précédentes périodes difficiles et d’avancer des projections sur les tendances à venir. « Dans les deux dernières décennies, le 11 septembre [2001] et la grande récession [de 2008] ont démontré des dynamiques vitales qui joueront à nouveau : la résilience de la filière face aux tempêtes et le passage de la consommation de l’extérieur au domicile » estime le site américain Wine Business.
Si « les gens n’arrêtent pas de boire du vin pendant les temps d’incertitude économique, ils achètent moins et regardent avec plus d’attention les rayons pour trouver les petits prix » précise Mike Veseth sur son blog Wine Economist. L’économiste américain soulignant qu’avant toute projection, il faut rappeler que « le vin, après tout, reste un bien facultatif pour la plupart des consommateurs. Je n’ai pas entendu parler de quiconque remplissant ses caddies de vin de la manière qu’ils ont pu le faire avec des rouleaux de papier toilette, bien que j’ai vu des reportages sur des gens stockant en anticipation d’une période de quarantaine. »
Alors que la situation de confinement rend les prédictions situations commerciales (et logistiques) hautement incertaines, la sortie de la crise sanitaire laisse également ouvert le champ de tous les possibles. Apparu fin décembre 2019 en Chine, le coronavirus commence tout juste à relâcher son emprise sur l’Empire du milieu. Désormais, les files de consommateurs se sont déplacées des supermarchés dévalisés vers les restaurants réouvrant leurs portes. Loin d’être revenue à la normale, la consommation de vin reste marquée par les dernières semaines perturbées (de l’annulation des festivités du nouvel an à l’accumulation des containers dans les ports*), « la situation actuelle de crise apporte aussi une opportunité à la filière vin de repenser ses stratégies » estime dans une récente note de la banque néerlandaise Rabobank l’analyste Stacie Wan.


Pour l’experte, « le sentiment des consommateurs définira les scénarii post-virus », qu'il s’agisse d’un premier scénario de frugalité, un serrage de vis sur le superflu, ou d’un deuxième scénario de forte consommation, un rebond de compensation. Dans le premier cas, « une fois que le virus a disparu, son impact psychologique va probablement affaiblir la confiance des consommateurs dans l’économie chinoise. En conséquence, de nombreux consommateurs pourraient donner la priorité aux seuls achats de première nécessité et reporter ou réduire leurs dépenses dans des biens de plaisir. » Pour le second scénario, « la plupart des consommateurs chinois, qui ont été coincés à la maison pendant des semaines à cause de l’épidémie de coronavirus, ont un fort désir de socialisation. Reportée à cause du virus, la demande pour des rassemblements privés et des banquets professionnels ou de mariage vont rapidement conduire à une augmentation de la consommation de vin ».
Dans tous les cas, cette crise sanitaire d’ampleur va conduire à une « accélération de la diversification des canaux de distribution » estime Stacie Wan. Avec le confinement, les achats de vin se sont reportés sur les plateformes en ligne alors que l’activité en boutiques a été fortement ralentie : « nous croyons que les entreprises du vin vont repenser leur stratégie de distribution, ce qui pourrait conduire à un développement plus conséquent du modèle multicanal et à de nouveaux modèles de ventes (machine en libre-service, plateformes commerciales communautaires, applications en ligne…) » esquisse la Rabobank.


« La Chine a été frappée en premier par le coronavirus, son expérience pourrait donner des pistes de compréhension à ce qui arrivera ensuite à d’autres régions » souligne Mike Veseth. L’économiste concluant que « tout le monde espère que la pandémie de coronavirus va s’évanouir dans quelques semaines ou mois. Même si nous sommes chanceux et que cette chronologie tient bon, beaucoup de dégât économique aura été fait et nous verrons si les consommateurs reviennent à leurs comportements précédents ou si les choses ont réellement changé. »
* : « Le manque de main d’œuvre et les interruptions logistiques ont conduit à une accumulation de containers de vins importés dans les ports et à une chute des importations en janvier et février 2020 » souligne la Rabobank, qui précise que le blocage des containers frigorifiques (reefers) implique un surcoût pour les importateurs (allant de 1 000 à 1 250 dollars par reefer, soit 940 à 1 170 euros).