Il est très important d'anticiper la phase de la conversion d'un point de vue technique et économique, avec un besoin en fonds de roulement suffisant pour passer la période », a indiqué Anne-Claire Durel, conseillère au CerFrance Gard, lors d'une conférence du Sitevi 2019.
Pour parvenir à ce constat, cette dernière a conduit une étude économique sur les écarts de coûts de production entre des raisins produits en viticultures « conventionnelle » et bio, en Languedoc-Roussillon, à partir de données issues de l'Observatoire viticole régional du Cer France Midi Méditerranée.


Concernant les charges d'abord, la conduite en bio implique un surcoût moyen total compris entre +800€ et +1000€/ha, en tenant compte des frais de certification. Le principal écart provient de la main d'oeuvre, avec en moyenne +30 heures par hectare et par an estimées pour les exploitations en bio, soit un coût de +400€/ha ; l'entretien du sol génère à lui-seul environ 20h de travail supplémentaires.
Autre poste qui grimpe : les charges de mécanisation, avec les amortissements du matériel du travail du sol (interceps) et la consommation supplémentaire du GNR.
Concernant les intrants enfin, petite surprise, l'économie liée au passage en bio est quasi-nulle. « Pour le poste intrants, il ne faut pas s'attendre à une économie importante en passant au bio », prévient Anne-Claire Durel. Les économies réalisées sur les phytosanitaires sont à peine supérieures au surplus des dépenses d'engrais. A ce sujet, cette dernière préconise de « surveiller ce poste pour éviter une envolée des coûts ».
Il faut ensuite ajouter à ces hausses de charges la perte de rendements liée au passage en bio. Etudiée sur deux secteurs, en IGP Oc et en AOP Corbières, et sur deux millésimes, la conseillère l'a estimée en moyenne à environ -20%. « Mais on voit de tout ; elle peut aussi bien être de 0%... la baisse de rendement n'est pas systématiquement catastrophique, précise celle-ci. Elle est très variable selon les exploitations, les millésimes et dans le temps ».
Côté produits, la conseillère a opté pour une valorisation du vin au même prix qu'en conventionnel pendant la période de la conversion, donc sans revalorisation.
« Le surcoût peut donc aller très vite », prévient la conseillère. Ainsi par exemple, une exploitation de 20 ha en IGP, qui perd 15hl/ha sur les 80 hl/ha de rendement habituel, et dont le vin est valorisé en cave coopérative à 65€/hl, implique une perte de produit de 975€/ha/an, soit 58500€ sur 3 ans.
Si l'on intègre la hausse des charges, d'environ 1000€/ha/an, soit 60000€ pour la totalité de l'exploitation sur 3 ans, mais à laquelle on déduit l'aide à la conversion (350€/ha/an), soit 21000€ sur 3 ans, il reste un différentiel de 97500€ à financer sur la période, soit quasiment 100000€ !