Quand on est vigneron, il est toujours intéressant d’avoir une autre activité que la viticulture. La monoculture n’a jamais été une situation stable… » estime Louis Fabre, à la tête des domaines familiaux bio. Réunissant cinq propriétés viticoles, le vigneron languedocien mise sur la diversification en exploitant historiquement une centaine d’hectares de céréales sur la commune audoise de Cruscades (en partie pour régénérer les sols). Louis Fabre parie également sur l’innovation en cultivant depuis l’an dernier du houblon sur son domaine de la Grande Courtade, à Béziers, dont les fleurs aromatisent les bières de la brasserie artisanale Alaryk.
Ayant fourni du malt à son voisin brasseur en 2017, la famille Fabre a profité de la mise en place de serres photovoltaïques sur l’un de ses terrains* pour s’essayer à une nouvelle culture : le houblon. « Ce n’est pas encore rentable. Cela va nécessiter des mises au point : on apprend ! » reconnaît Louis Fabre, qui ne perd pas son enthousiasme. Avec 10 kilos pour 600 mètres carrés sous serre, il est vrai que le rendement est faible pour la première récolte 2018. Mais le vigneron a l’objectif de doubler sa production dès 2019, notamment en améliorant la récolte des inflorescences en la mécanisant. Se déroulant pile pendant les vendanges, la récolte des fleurs de houblon est particulièrement gourmande en main d’œuvre. Ayant nécessité pour la famille Fabre de mobiliser une personne à temps plein pendant trois semaines.


« La fleur de houblon a une odeur forte, violente. Les vignerons préféreront toujours l’odeur délicate de la fleur de vigne ! » s’amuse Louis Fabre. Qui souligne les ressemblances entre les deux lianes, si ce n’est que le houblon n’a pas d’organes végétatifs pérennes (ses tiges et feuilles séchant chaque année) et que sa culture nécessite un palissage haut et une protection contre la pluie et le vent (les fleurs étant particulièrement fragiles).
La première récolte de houblon de la famille Fabre va être mise à l’honneur d’une cuvée aussi spéciale que limitée : Vendémiaire (vendue 4,50 euros la boutteille). La brasserie Alaryk va produire 60 hectolitres de bière de fermentation haute (une « ale »), selon une recette où sont ajoutés 10 % de jus de raisin de carignan, afin d’en appuyer la lignée viticole (sans alcool, ce jus est ajouté avant la pasteurisation du malt). Cette cuvée Vendémiaire doit être commercialisée courant février, notamment dans le réseau des cavistes clients des domaines Fabre.


Ce qui permet au vigneron de diversifier l’offre de son portefeuille, tout en mutualisant/réduisant ses coûts d’expédition. « Nos clients cavistes ne vendaient traditionnellement que du vin, ils sont désormais intéressés par la mode des bières artisanales. Les ventes de bières ne nous réduisent pas celles de vins. C’est complémentaire » souligne Louis Fabre. Quand on est commerçant, il également intéressant de diversifier son offre.
* : Ayant cédé des terrains à l’entreprise Enerimmo, pour y construire vingt serres surplombées de panneaux photovoltaïques déportés, la famille Fabre a pris, en contrepartie, la location à titre gratuit, en fermage, d’une première serre en 2018. L’exploitation d’une deuxième serre est prévue en 2019.
« On trouve du houblon sauvage dans le vignoble. En particulier dans les haies de cyprès, où cette liane est à l’abri du vent » souligne Louis Fabre. Dans sa première serre de houblon, le vigneron a ainsi planté à l’essai une variété issue de son vignoble. Afin de la comparer à des variétés commerciales (cascade, gold…).