e verre est à moitié plein. Quitte à passer pour un peine-à-jouir, le vignoble français n'accueille pas avec un air béat le vote, ce 27 novembre par la Commission Européenne, de la réhomologation communautaire du cuivre. Au contraire, le compromis tout juste voté suscite les soupirs de déception et non de satisfaction dans le vignoble hexagonal. Dès le premier février 2019, les agriculteurs européens en général, et les vignerons français en particulier, verront leur utilisation du cuivre métal plafonnée à 28 kilos par hectares sur sept ans). Soit une dose annuelle de 4 kg par hectare et par an, avec un lissage sur sept ans et sans limite maximale annuelle, quand la limite actuelle était de 6 kg/ha/an sur une moyenne quinquennale pour les seuls bio. Le texte européen détaillé est désormais attendu pour détailler le dispositif, alors que la question des modalités, et organismes, de contrôle se posent pour l'ensemble de la filière.
Saluant dans un communiqué « une décision équilibrée et pragmatique pour les producteurs, la protection de l’environnement et de la santé des consommateurs », le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, se « félicite de cette décision, qui est conforme aux demandes de la France, notamment sur la définition de seuils sur une échelle pluri-annuelle ». Si elle peut toujours sembler un moindre mal à l'interdiction pure et simple, un temps évoquée à Bruxelles, ou que les 4 kg/ha.an sans lissage sur cinq ans, proposée par le rapport* de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), cette dose ne satisfait pas les représentants du vignoble français.
« D’après nos statistiques, on va laisser 20 % des vignerons français bio sur le carreau. Sur les cinq dernières années, un vigneron bio sur cinq dépassait les 4 kg/ha/an. On est mal… » résume Thomas Montagne, le président des Vignerons Indépendants de France (VIF) et de la Confédération Européenne des Vignerons Indépendants (CEVI). Jusqu’au dernier moment, le vigneron provençal a défendu le maintien des 6 kg/ha/an, pensant notamment aux vignobles de Champagne, de la région Atlantique… Et aux risques de coup de frein dans les conversions à la bio.


« C'est une très mauvaise décision. La pression mildiou du millésime 2018 a montré que ce système ne pourra pas fonctionner » tranche Bernard Farges, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins AOC (CNAOC) et de la Fédération Européenne des Vins d'Origine (EFOW). Le viticulteur bordelais n'ayant jamais cru à la possibilité d'une non-homologation, il regrette la perte du statu quo : « les 6 kg/ha/an étaient un très bon dispositif qu'il fallait garder tant qu'il n'y avait pas d'alternatives viables et sérieuses ».
Cette dose « n’est pas forcément ce que l’on souhaitait, mais tout le monde a fini par comprendre que l’on ne peut pas sortir des produits chimiques en interdisant les alternatives. Même si le cuivre n’est pas la panacée » analyse Sylvie Dulong, la secrétaire nationale pour la viticulture de la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) et membre du bureau de la Fédération Internationale des Mouvements de l’Agriculture Biologique (IFOAM Europe).
La vigneronne bordelaise se félicite que l’État français prépare un plan national sur le cuivre, conformément aux propositions de la FNAB. Devant être annoncée début 2019, cette feuille de route doit être portée par les ministères de l’Agriculture, de l’Économie, de l’Environnement et de la Santé. « Il faut que la viticulture soit présente dans ce plan national » conclut Thomas Montagne. En espérant que les résultats de ce groupe de travail français permettent d'ouvrir de nouvelles voies et d'éviter les impasses, voire contournements, qui s'annoncent. Il ne reste plus que cette piste pour voir le verre à moitié plein.
* : Remis en cause par les experts, les modèles de calcul de l’impact environnemental du cuivre doivent être révisés par l’EFSA pour la prochaine réhomologation, en 2025.
Le cuivre étant un sujet particulièrement polémique, l'insatisfaction de la filière viticole sur cette nouvelle dose n'est pas partagée par tous. Ainsi, Régis Marty, ingénieur technico-commercial pour BASF dans le Languedoc Roussillon estime sur Twitter que « Ia dose de 4 kg sur 7 ans est un compromis bénéfices/risques avec des arguments scientifiques à l'appui. Le bio devant apporter un bénéfice environnemental, santé... Cela obligera ceux qui ne se reposaient que sur le cuivre à faire évoluer leurs pratiques. » D'autres internautes raillant la « déception de ne plus pouvoir utiliser un produit mortel ».