Éric Corbeyran : Tout remonte à ma première rencontre avec mon éditeur, Jacques Glénat, en 2007. Je participais à une grosse réunion sur un scénario de science-fiction et Jacques Glénat me glisse : « t’habites à Bordeaux ? Tu ne voudrais pas faire de la BD sur le vin ? » Tout est venu de là. Il s’est rendu compte que je n’y connaissais rien et m’a fait rencontrer des experts pour me former. Je partais des bases en ne connaissant que les couleurs des vins et aucun cépage.
Mais une fois que le virus a été inoculé, c’est devenu une peste. Je me suis pris de passion. J’ai d’emblée été fasciné par le vin : il est lié à la vie, aux plaisirs… D’abord j’ai découvert des gens, ensuite je me suis cultivé pour connaître le sujet. Mon premier bouquin sur le vin, Château Bordeaux, est paru en 2011. Le neuvième tome va sortir, j’ai écrit des scénarios sur la Bourgogne (Clos de Bourgogne), l’Espagne (Bodegas)…
Dans les premiers tomes de la série Vinifera (sur les vignobles de Pompéi et les moines en Bourgogne), l’approche historique apporte aux albums une tournure plus sérieuse. Est-ce une pression supplémentaire ?
L’approche est plus technique, mais je bénéficie du conseil d’historiens et de techniciens. En la matière, mes consultants sont les journalistes Antoine Lebègue et Jérôme Baudouin de la Revue du Vin de France [qui coédite la série]. L’approche est moins marrante pour moi, mais j’évite de dire des bêtises !
Il y aura 30 albums en cinq ans, j’ai déjà fini d’écrire 11 scénarios. Chaque sujet historique est proposé par Jacques Glénat. On s’entend ensuite sur ce que l’on retient. Pour qu’au-delà de l’intérêt et de la masse d’infos, il y ait du plaisir de lecture. Ce serait ennuyeux de faire une leçon d’histoire, ce qui m’intéresse ce sont les anecdotes, les petites fractions de vie.
Vous être autant un vulgarisateur des civilisations du vin qu’un transmetteur de votre passion…
C’est le rôle de passeur qui m’intéresse dans mon métier. Le principe est de prendre du plaisir pour transmettre. Être scénariste, c’est porter la parole de ceux qui font le vin à ceux qui sont intéressés par son apprentissage. Quand j’ai démarré Châteaux Bordeaux, je ne savais rien. J’ai appris à ma hauteur et essaie de livrer ces connaissances au niveau où je les ai comprises.
Cela fait 10 ans que je travaille ces sujets. Avec mes petits moyens, j’essaie de donner envie aux gens d’apprendre quelque chose sur le vin, pour qu’il le comprenne mieux et puisse l’apprécier davantage. Avec mon métier de raconteur d’histoires, mes BD sont le haut-parleur des vignerons.
Notamment signées par vous, les bandes-dessinées sur le vin semblent se multiplier. Cette tendance est-elle à relier avec le succès des Ignorants, l’album d’Étienne Davodeau (paru en 2011 chez Futuropolis) ?
Il est vrai que Les Ignorants ont été un succès… Mais Étienne Davodeau n’en a fait qu’un, moi j’ai vendu plus de Châteaux Bordeaux grâce à mes neuf tomes (rires) ! En BD, je n’aime pas que l’on me donne des leçons, je suis l’écho de tout le vignoble. Il y a d’autres problématiques à prendre en compte quand on écoute plus d’un vigneron.
Pour autant, on ne peut pas parler de tout et plaire à tout le monde. Des lecteurs me reprochent de ne pas parler assez du bio… On va faire une deuxième saison de Châteaux Bordeaux, qui va aborder les sujets qui font mal : les phytos, les travailleurs… Mais ce n’est pas mon genre de dire que telle pratique est mauvaise : les vignerons le savent très bien, il faut leur donner le temps de se retourner pour s’améliorer.
Un aperçu du foisonnement de BD parues sur le vin cette rentrée.
« Éric est mon scénariste préféré, il a beaucoup d’imagination, il est très prolifique, c’est l’un des seuls auteurs qui livre à l’heure son travail, voire en avance » s’exclame Jacques Glénat. Passionné de vin, l’éditeur de Titeuf et autres petits mickeys développe son offre œnophile. Persuadé que « par la BD, on permet d’apprendre des choses », il reconnaît que « dans toutes ces histoires il y a de l’amour, de la haine, du sexe et de la violence ». Pour les lecteurs attentifs des premiers tomes de Vinifera, il dévoile un fil rouge à repérer : « une belle rousse apparaît fugacement dans chaque épisode. Elle inspire de nouvelles idées aux hommes. C’est la muse du vin. »