uels sont les facteurs qui jouent sur l’expression des maladies du bois ? Telle est la question sur laquelle s’est penchée Céline Abidon, de l’IFV pôle Alsace. La technicienne suit 90 parcelles dans le cadre de l’observatoire régional des maladies du bois mis en place en 2003. Ces parcelles sont conduites par 30 viticulteurs. Chacun d’entre eux a mis à disposition une parcelle de riesling, une de gewurztraminer et une autre d’auxerrois. « Ces parcelles sont réparties sur l’ensemble du vignoble alsacien, dans différentes situations pédoclimatiques, avec beaucoup de facteurs qui peuvent varier. Chaque année, on y note l’expression des maladies du bois sur 300 ceps. », explique Céline Abidon.
En 2011, son prédécesseur Philippe Kuntzmann avait déjà noté que plus les viticulteurs récoltaient tard et/ou avec une mention « vendanges tardives » ou « grains nobles », plus ils avaient de symptômes. Le manque de réserve favoriserait-il l’expression des maladies du bois ? C’est l’hypothèse que le technicien avait émis à l’époque mais qui n’a pas pu être éprouvée. Lorsqu’elle a repris la gestion de l’observatoire en 2016, Céline Abidon s’est penchée aussi sur les pratiques. « Lorsqu’on regarde les données, on se rend compte que ce sont souvent les mêmes parcelles qui sont les plus fortement touchées, et à l’inverse toujours les mêmes qui sont les moins touchées ». Elle a donc lancé une étude dans le cadre du projet Euréka *. Avec l’aide de Solène Malblanc, une étudiante de l’Esa d’Angers, spécialisée dans les statistiques, elle a recensé chez les 30 viticulteurs, toutes les pratiques que ceux-ci ont mis en place depuis la création de l’observatoire. Elle a ainsi créé une gigantesque base de données qui a délivré cette année, ses premiers résultats.
Sans surprise, c’est le cépage qui a le plus fort impact : le gewurztraminer étant très sensible, le riesling sensible. Autre facteur : la nature du sol. « Il y a moins de maladies du bois dans les sols lourds, et davantage dans les sols loessiques », détaille Céline Abidon. A cela s’ajoute la contrainte hydrique, les parcelles sujettes au stress hydrique sont les plus attaquées. Plus surprenant : l’étude met en avant l’impact de la distance entre les rangs, les vignes étroites ayant davantage de symptômes, mais les vignes très écartées également. « On ne voit pas d’explication technique. Peut-être s’agit-il d’un biais statistique. C’est un résultat qu’il faut approfondir », indique Céline Abidon.
Les variables temporelles qui évoluent dans le temps (type de taille, travaux en vert, fertilisation…) sont encore en cours de traitement. Mais les viticulteurs font déjà quelques constats. L’un d’entre eux s’est aperçu que les années de forte récolte étaient suivies d’une année à forte expression. « C’est une piste que l’on va creuser car cela permet de refaire le lien avec les réserves qu’avait déjà soulevé Philippe Kunztmann », précise Céline Abidon.
Un autre viticulteur a recepé 100 % des pieds de sa parcelle en 2007. « Dès lors, les symptômes ont fortement diminué et l’effet persiste encore aujourd’hui. A voir si cela se confirme. Si tel est le cas, cela prouvera que cette technique est clairement rentable. », note Céline Abidon. A suivre.
* Le projet Euréka est porté par le plan national de dépérissement du vignoble. Il vise à développer des moyens de lutte curative et préventive contre les maladies du bois. Il est piloté par l’Université de Haute Alsace.