Les utilisateurs sont victimes des différences flagrantes de rétention et d’impacts organoleptiques entre les plaques des fabricants, même sur des segments de filtration identiques. » A la fin de leurs essais comparatifs portant sur une cinquantaine de plaques filtrantes, la Chambre d’agriculture de la Gironde, l’IFV et Hervé Romat, un expert en filtration, ont décidé de tirer la sonnette d’alarme. (1)
Ils ont de quoi, tant ils ont obtenu des résultats disparates. Dès leur premier essai, ils sont allés de surprise en surprise. Les experts ont commencé par un vin blanc affichant une turbidité de 9 NTU et un coefficient de colmatage de 99. Ils l’ont filtré sur six plaques dégrossissantes censées retenir les particules comprises entre 3 et 6 µm : trois plaques Begerow (Beco K1, Becopad 580 et Europor K1), une Pall (K200), une Beaulieu Filtration (NCA B-100) et une Filtrox (AF 41H).
La première surprise est venue des débits de filtration qui sont allés de 4,6 litres par plaque et par heure pour la K200 à 72 l/heure pour la Beco K1, soit un écart de 1 à 15 ! Puis les plaques ont eu des effets très aléatoires sur la turbidité et la filtrabilité. Les plaques AF 41 H ont affiché les meilleures performances, en abaissant la turbidité du vin à 0,43 NTU et son coefficient de colmatage à 11, tandis qu’à l’inverse le vin filtré par les Europor K1 présentait encore une turbidité de 3,2 et un coefficient de colmatage de 65. Pour couronner le tout, certaines plaques ont abimé le vin. Les Europor K1 ont eu un effet négatif sur la fin de bouche, tandis que les plaques NCA B-100 ont affecté ses arômes.
Cette variabilité s’est répétée sur tous les segments de filtration, sans qu’aucun fabricant ne sorte du lot. Les expérimentateurs ont connu tous les cas de figure : des plaques plus lâches qu’elles n’auraient dû l’être, d’autres plus serrées. Lors des filtrations dites « stériles » des plaques ont retenu les bactéries mais pas les levures alors qu’elles sont plus grosses !
A ce stade, seule la plaque Seitz EKS de Pall a permis d’obtenir un vin réellement pauvre en germes, avec moins de 1 UFC/100 ml. « Cela est d’autant plus surprenant que la taille des levures se situe entre 1,5 et 4 μm, alors que les plaques annonçaient pouvoir retenir les particules de 0,4 à 0,1 μm ! Le diamètre de rétention annoncé par les fabricants est ici très abusif », tempète Hervé Romat. Dans ce cas, difficile d’embouteiller sans une filtration complémentaire sur membranes.
Côté dégustation, les filtrations ont globalement eu moins d’impacts négatifs sur les vins rouges que sur les vins blancs.
(1) Etude parue dans la revue des œnologues n°165