Marianic Dumigron : Avant le gel, tous les situations n’étaient déjà pas brillantes. On s’attend à ce que cela s’aggrave, ce qui pourrait devenir dramatique sur l’année. C’est une bombe à retardement, cela risque d’être gravissime.
Les caves particulières vont s’en rendre compte de suite, mais les viticulteurs en cave coopérative vont voir la baisse de revenus répercutée sur trois ans. Ce sera plus lent et insidieux pour eux, leurs revenus diminueront moins, mais plus longtemps. Et ils ne vont pas pouvoir avoir accès aux minimums sociaux.
D’après nos informations, le Conseil Général se prépare à de nombreuses sollicitations viticoles du Revenu de Solidarité Active en 2018. Car les agriculteurs peuvent avoir accès au RSA, mais c’est un droit peu sollicité. Parce que les gens n’en ont pas connaissance, ou parce qu’ils sont gênés ou trouvent les dossiers compliqués. Nous pouvons les aider sur ce point.
L’association AME Paysan Gascogne a-t-elle déjà été sollicitée par des domaines gelés ?
Nous avons de premiers contacts avec des vignerons touchés. Les plus prévoyants anticipent. Et ils ont raison ! Il vaut toujours mieux intervenir en préventif qu’en palliatif. Il ne faut pas attendre d’être mis en déchéance de prêt par sa banque pour nous contacter… C’est un engrenage qu’il faut enrayer.
Quand un agriculteur n’a plus d’argent, il commence par ne plus s’assurer et ne plus payer son comptable. Si cela n’empêche pas l’exploitation de tourner, ce sont deux erreurs. Car sans assurance le risque augmente encore, et sans comptable il n’y plus de bilan et des situations fiscales qui deviennent compliquées… Ensuite, l'exploitant ne peut plus payer les cotisations sociales, ni rembourser ses créances.
Pour une structure viable se trouvant dans une mauvaise passe, il y a des ficelles à tirer pour ne pas couler, reprendre pied et refaire surface.
Concrètement, quelles sont ces solutions ?
Il faut d’abord évaluer ses possibilités de négociation avec ses créanciers. Si ce n’est pas envisageable, il est intéressant de saisir le Tribunal de Grande Instance pour un Règlement Amiable Judiciaire. Cela a un coût, mais cela permet de construire des échéanciers de remboursement. Si le tribunal accepte la demande sur plusieurs créances, une procédure collective peut étaler les remboursements (jusqu’à quinze ans), et suspendre les pénalités (et intérêts).
Sachant que le temps de fixer ce cadre, la procédure collective donne souvent une année blanche. Ce qui permet de se refaire la cerise. Pour qu’une exploitation soit remise sur de bons rails, il faut au moins quatre à cinq années [NDLR : avant d’être formé en association, le noyau dur d’Âme Paysan Gascogne suivait depuis une dizaine d’années des dossiers de ce type].
Sur ces durées, le coup dur est économique, mais aussi mental…
Il faut un soutien psychologique pendant ces épreuves. Nous avons la chance d’avoir une psychiatre qui nous aide bénévolement. En fait, notre association fonctionne comme une gare de triage. Les gens en difficulté ont la tête dans le guidon. Il faut pouvoir leur indiquer les bonnes portes où frapper pour s’en sortir. Il en existe, mais il faut les connaître.
Et le fait d’être accompagné par des gens qui ont eux-mêmes connu des difficultés permet de les faire relativiser. Je suis une ancienne éleveuse passée par des difficultés économiques. J’ai le souvenir que lors de mon premier rendez-vous avec un mandataire, j’avais le sentiment d’avoir tué père et mère…
Agissant sur toute la Gironde, les membres suivants de l’association AME Paysan Gascogne peuvent être contactés :
Andrée Jollet : andrée.jollet@gmail.com ou 06 05 25 73 05
Marianic Dumigron : mapd@levautrait.fr ou 06 86 06 45 15