D’octobre 2013 à mars 2017, le négoce Raphaël Michel a acheté 460 000 hectolitres de Côtes-du-Rhône, mais en a vendu 745 000 hl. Ce qui représente une production frauduleuse de 290 000 hl. Auxquels s’ajoutent encore 18 100 hl de Côtes-du-Rhône Villages » chiffre Philippe Pellaton, le président du Syndicat Général des Côtes-du-Rhône. S’étant constitué partie civile la semaine dernière dans l’enquête visant le négociant assembleur, l’Organisme de Défense et de Gestion a d’abord été stupéfait par la lecture des pièces constituant l’enquête. La surprise cède désormais la place à la colère, face à l’ampleur de la fraude à l’AOC qui se confirme. « Le dossier d’enquête est très à charge » glisse Philippe Pellaton. Ce que conteste fermement l'avocat du négociant (voir encadré).


Faisant état de préjudices économiques et d’image pour les vins du Rhône, Philippe Pellaton souhaite que le syndicat viticole ne soit pas une partie civile passive dans la procédure qui s’engage. « 300 000 hl usurpés, ce n’est pas rien ! La fraude est massive, mais il faut la relativiser son effet déstabilisant sur la durée » souligne le viticulteur gardois. De l’ordre de 80 000 hl par an, la tromperie se serait donc faite au fil de l’eau. Ponctuelle, elle représenterait l’équivalent 3 à 4 % de la production annuelle de l’appellation régionale, ce qui expliquerait que la fraude soit passée sous les radars des professionnels estime Philippe Pellaton. « Les contrôles de l’administration ont fonctionné et ont arrêté la mécanique de fraude » rassure-t-il, soulignant que la situation est désormais sous contrôle.
Ayant connu un aussi rapide qu’impressionnant développement, le négoce Raphaël Michel ne devrait pas mettre en danger le marché rhodanien avec cette affaire espère le syndicat viticole. « Ce n’est pas un mastodonte de notre appellation qui est mis en cause. Il réalisait moins de 10 % de son activité en Côtes-Du-Rhône » commente Philippe Pellaton. La majorité des achats de vins du négoce se faisaient en IGP et VSIG sur le bassin méditerranéen, ce qui aurait alimenté la fraude à l’AOC.
Quatre chefs d’inculpation péserait aujourd’hui contre le négoce d’achat de vin* : escroquerie en bande organisée, tromperie sur la nature, l’origine, la qualité et la quantité des marchandises, altération frauduleuse de documents administratifs, faux et usages de faux.
* : Dolia, la structure d’achat de raisins ne serait pas concernée par l’enquête.
« Mon client conteste l'ensemble des infractions qui lui sont reproché » pose d'emblée maître Olivier Morice, défendant le négoce Raphaël Michel. L'avocat parisien tacle les annonces du syndicat des Côtes-du-Rhône, jugeant qu'« il est imprudent et irresponsable de communiquer ainsi à l'encontre du principe de précaution. On jette en pâture une réputation à la réputation établie, qui continue son activité » commente le ténor du barreau. Annonçant que « l'information judiciaire sera longue et complexe. Elle prendra plusieurs années. »