Durant la dernière campagne de distillation, je suis tombé sur une sulfateuse dans un chai à eau-de-vie… Ce n’est pas acceptable ! » déplore, encore effaré, Jean-Pierre Vidal, le responsable des distilleries Hennessy. « Un chai de vinification n’est pas un garage, une réserve de produits phytosanitaires, un atelier, une remise fourre-tout… » renchérit Sophie Gourbat, la responsable sécurité du premier négociant charentais. Sans préconiser une cave aseptique, les deux experts prêchent pour une meilleure hygiène à l’occasion du quatrième forum technique de la maison de cognacs, au domaine de la Bataille (Saint-Preuil). Se focalisant sur les leviers de la qualité, ces ateliers ont réuni du 16 au 18 mai plus d’un millier de viticulteurs (pour 1 500 apporteurs Hennessy).
À l’heure d’un engouement charentais pour la mise à jour des chais de vinification*, le premier négociant charentais y a trouvé une occasion de concrétiser ses appels à la rigueur qualitative (voir encadré). Selon ses techniciens, la cave doit donc être réservée à un seul usage : l’élaboration de vins apte à la distillation. Avec tout le matériel pour organiser un atelier de décantation et assurer la maîtrise des températures des moûts comme des vins et eaux-de-vie.
Pour un résultat optimal, « il faut disposer de surfaces et d’espaces suffisants. Sans hésiter à penser à son confort de travail, ou à celui de ses employés » précise Jean-Pierre Vidal, pour qui l’élément clé est d’opter pour « une organisation facilitant l’hygiène ». Soit la proximité de points d’eaux de lavage, et une surveillance de l’état des divers matériaux pour éviter les risques chimiques (comme les transferts de produits plastiques, éclats des recouvrements de peinture…).
Cette approche alimentaire, pour réduire les risques de contaminations, conseille également de « dégager les voies de circulation, veiller à la propreté en ne laissant pas de flaques, utiliser les rangements… » liste Sophie Gourbat. Pour qui la réussite de cette approche hygiénique est liée à la conception des bâtiments (ne serait-ce que pour un bon entretien des équipements).
Mais pour tout projet de mise à niveau de son outil de vinification, toute la question stratégique est de trancher entre un aménagement ou une construction ex nihilo. Pour Stéphane Bireau, du cabinet de maîtrise d’œuvre de la Chambre d’Agriculture de Charente, « l’aménagement a pour contrainte le bâti existant (souvent peu évolutif), la construction nécessite plus de temps et de financement (mais avec plus de possibilités d’aides) ».
En termes de coûts de construction, tout dépend des choix de matériaux et des obligations des Architectes des Bâtiments de France souligne l’architecte Olivier Gouedo (cabinet DPLG). Qui l’illustre avec des exemples de réalisations allant de 360 euros/mètres carrés pour une charpente métallique « simple », à 930 €/m2 pour un ouvrage en maçonnerie s’approchant « d’une grande maison ou ne manque que l’isolation et le chauffage ».
* : L’Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC) rapporte ainsi avoir monté 144 dossiers de demande de subventions FranceAgriMer, pour 4 millions d’euros d’aides.
Il y a deux ans, le développement durable était au cœur des rencontres techniques de la maison Hennessy. Qui s’est depuis concrétisé dans un programme d’engagement interprofessionnel. Depuis, le négociant assène dès que possible le message de la qualité à ses apporteurs (à l’occasion de ses vœux, de ses diverses rencontres…). Le forum 2017 témoigne de la volonté de mettre en pratique ces bonnes paroles, en accompagnant les viticulteurs et en se positionnant sur l’échiquier mondial des boissons alcoolisées.
« Il faut s’impliquer dans les processus de qualité car l’environnement est très concurrentiel dans l’univers des spiritueux (vodkas, whiskies, rhums…). C’est un sujet sur lequel nous devons être irréprochables » explique Renaud Fillioux, le nouveau maître assembleur de la maison. Suivant la tendance marketing de l’artisanat (ou « craft »), les cognacs Hennessy axent dorénavant leur communication sur l’exigence et la rigueur des modes de production. Un message qui se veut appliqué à tout le portefeuille de la maison, des flasques de VS vendues 10 € aux éditions ultra-limitées à 150 000 €.