On réfléchit depuis une décennie à faire du blanc sur le château Giscours ou le château du Tertre. Compte tenu du changement climatique, il est désormais possible de produire des blancs avec de la personnalité. Il faut juste avoir une ouverture d’esprit dans les techniques ! » s’exclame Alexander van Beek, le directeur général des deux châteaux en question (tous deux grands crus classés en 1855 de Margaux). En lançant en mai prochain un vin de France blanc, le grand cru classé compte affirmer sa personnalité, et si son encépagement ne manque pas d’audace, l’initiative d’une cuvée de blanc s’inscrit dans une mode commerciale parcourant le Médoc.
Ayant déboisé 1,5 hectare de croupe (petite colline) en 2007, le château du Tertre y a planté en 2011 quatre cépages blancs à forte densité (9 200 pieds/ha). Aux côtés du classique sauvignon blanc ont été implantés du chardonnay, du gros manseng et du viognier. On ne peut plus inattendu dans le Médoc, cet encépagement bannit la cuvée de l’AOC Bordeaux et l’amène dans la catégorie des Vins de France. Audacieuse, cette sélection de cépages a été validée par le professeur Denis Dubourdieu, l’œnologue-conseil de la propriété. Il s’est basé à la fois sur les études pédologiques menées sur ce terrain sablo-graveleux et sur la demande du château du Tertre de jouer la carte de la modernité.
« En Médoc, certains beaux terroirs permettent de produire un certain style de blanc, avec les cépages bordelais. Sur les terroirs moins évidents, on peut se permettre sa propre histoire »
explique Alexander van Beek. Qui détaille avoir « souhaité des vins au style plus complexe et gras, d’où le chardonnay. On a été gâtés sur ce premier millésime récolté. 2015 nous a permis de ramasser à maturité, ce qui n’est pas forcément évident avec le gros manseng. » Ayant une dimension expérimentale, cette parcelle doit être étudiée sur le long terme, avant d’envisager de nouvelles plantations.
Le château du Tertre appartient depuis 1997 à l’investisseur néerlandais Eric Albada Jelgersma, qui gère également le château Giscours. Ce dernier produit déjà un rosé et envisage désormais la plantation de parcelles de blanc (jusqu’à une vingtaine d’hectares pourrait être concernées, selon les résultats des études pédologiques, retardées par les fortes pluies de cet hiver). Le premier coup d’essai en blanc a été réalisé sur son domaine toscan Caiarossa, qui a planté en 2004 une douzaine de cépages (en blanc chardonnay, petit manseng et viognier, en rouge cabernet franc, cabernet sauvignon, grenache, mourvèdre, sangiovese, syrah…)