ressant le bilan d'un millésime placé sous les vols de drosophiles, l'Agroscope de Changins estimait en décembre « qu’un peu moins de 10% de la récolte de raisins suisses a été détruite par la pourriture acide ». Rapidement devenue le ravageur n°1 du vignoble, la Drosophila suzukii a conduit à l'autorisation exceptionnelle de produits de traitements : acetamiprid, kaolinite, pyrèthre et spinosad. Le bilan de ces deux derniers insecticides est mitigé, souligne le chercheur suisse Christian Linder (Agroscope Changins) : « le spinosad et le pyrèthre ont une bonne efficacité sur l'oviposition des drosophiles (la dynamique des taux de ponte diminuant de 60 à 70 %). Mais leur durée de persistance est courte (période allant de 5 à 7 jours) et il n'y a pas d'effets spectaculaires sur le taux de pourriture acide ». L'expert a tiré deux enseignements de ces résultats de lutte directe :
- l'insecte joue certainement un rôle dans l'expression de la pourriture acide, mais ce n'en est peut-être pas le ravageur de premier ordre (« il y a tellement de facteurs qu'il est difficile de placer curseur des responsabilités ») ;
- la stratégie curative n'est pas à préconiser, mieux vaut miser sur des mesures préventives. L'Agroscope conseille d'adapter ses pratiques culturales afin d'augmenter la luminosité et réduire l'humidité au niveau de la grappe (effeuiller pour aérer, piloter les rendements...).
Afin de peaufiner ses conseils, l'Agroscope se lance dans un cycle de travaux de recherche pour tester l'efficacité de la chaux, de poudres de roche et de talc. Testés en 2014, ces produits ont donné des résultats contrastés (alors que des essais en Italie du Nord semblent prometteurs), Christian Linder n'excluant pas pour les expliquer que « les applications ont pu être trop tardives ». Il souhaite également déterminer l'influence des « emplâtres » sur la maturation des raisins, voire les vinifications (la chaux ayant un pouvoir désacidifiant). Ses équipes devraient également se pencher sur l'étude des filets anti-grêles, des pièges massifs, ainsi que des guêpes parasitoïdes (des antagonistes naturels aux drosophiles indigènes).
Mais encore faut-il que les conditions du millésime 2015 permettent d'observer les drosophiles et la pourriture acide. C'est une autre incertitude agronomique pour Christian Linder : « s'il n'y a pas de retour de grands froids en février, il devrait y avoir un bon taux de survie hivernal (on voit encore des vols de suzukii), mais pour le reste du cycle cela dépendra de l'offre en nectar... Il n'est pas sûr que l'on parle de Drosophila suzukii en 2015 ! »
[Photo de D. suzuki : Agroscope de Changins]