ans le débat sur la gestion nationale des futures autorisations de plantation, les chiffres perdent parfois leurs valeurs mathématiques pour prendre une tournure frisant l'idéologie. Preuve en est donnée ce début de semaine avec un jeu de dupes entre l'Union des Maisons et des Marques de Vin (UMVIN) et la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC). La nouvelle manche de poker menteur a commencé lundi, l'UMVIN estimant dans un communiqué que « la réduction de surface du vignoble français est de l’ordre de 1,4 % par an. Aussi, une hausse des plantations de 1 % n’assurera pas la croissance du potentiel mais seulement une moindre décroissance ». Le compte n'y est pas pour le président de la CNAOC, Bernard Farges, déclarant à Vitisphere que le « ces données ne sont pas stabilisées et nous demandons d'ailleurs à les avoir au plus vite ». Nul doute que le dernier conseil spécialisé vin de l'année, qui se tient aujourd'hui au siège parisien FranceAgriMer, devrait être l'occasion pour la production et le négoce d'échanger vivement sur ce sujet chiffré.
Mais si les représentants de la filière s'absentaient de la salle ébène pour monter à l'étage des services d'études statistiques, ils pourraient trouver un juge de paix dans les « Eléments de bilan de la récolte de vins, jus et moûts de 2004 à 2013 » parus en juin dernier. Se penchant d'abord sur l'évolution de la production de vins français cette dernière décennie, cette étude détaille également la baisse des surfaces viticoles nationales. A partir des déclarations recueillies par la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI), le document estime que la superficie hexagonale a baissé de 1,1 %en moyenne chaque année, de 2004 à 2013. En refaisant les calculs, cette baisse annuelle moyenne sur la décennie s'élève plus précisément à -1,13 %. Si ce taux de décroissance moyen est monté jusqu'à -1,36 % sur la période 2006-2013, il n'a pas atteint les 1,4 % annoncés par l'UMVIN, et ce malgré les importants programmes européens d'arrachage.
Au final, négoce et production sont donc mis dos à dos, le premier ayant avancé un chiffre surestimé (et en omettant de préciser la durée pour le calcul moyen), quand le second estime que de tels chiffres ne sont pas disponibles.
Balle au centre, le match continue !
NB : Pour le plaisir du calcul, il est à noter que si l'on avait accru dès 2013 le potentiel viticole français de 1 % par an (en partant donc de la dernière surface déclarée, soit 755 000 ha, stable par rapport à 2012), il faudrait attendre 2025 pour retrouver et dépasser la superficie de 2004 (847 000 ha).
[Illustration : Evolution de la surface viticole française par segments ces dix dernières années, d'après les données de la DGDDI ; Elaboration FranceAgriMer]