ux mêmes maux les mêmes remèdes : face à la crise viticole, le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) martèle que l’arrachage n’est pas une solution et que seule une meilleure rémunération permettra à la filière de se relever. Portée depuis deux années, la demande est réitérée avec force en conférence de presse ce vendredi 17 octobre à la Chambre d’Agriculture de Nîmes (Gard) : « notre position est claire, au vu de la récolte historiquement basse, au vu des conséquences économiques et écologiques directes des plans d'arrachage, il ne doit plus s'arracher un hectare de vigne en France et en Languedoc-Roussillon » pose Xavier Fabre, le président du Modef Gard. Regrettant que « la seule solution qui soit proposée par de nombreuses organisations syndicales en réponse à la crise que connaît le monde du vin, c'est l'arrachage », le vigneron de Domazan constate que les 25 000 ha d’arrachage définitif de 2024-2025 « ne pèsent absolument pas. Ça ne résout pas les problèmes de surproduction. Bien souvent, ce sont des vignes qui sont peu productives et ce sont des arrachages d'opportunités qui ont été faits ».
« Proposer l'arrachage aujourd'hui avec des primes d'arrachage de 4 000 euros/hectare, c'est tuer la viticulture » poursuit Xavier Fabre, estimant que « quand on arrache un hectare aujourd’hui, on ne sauve pas les 10 hectares qui sont autour. Non, demain on arrachera l'hectare qui est à côté » alors que restent en suspens les questions : « Qu'est-ce qu'on fait à la place ? On ne peut faire quasiment que de la vigne dans le pourtour méditerranéen (pour des questions d'accès à l'eau, de pratiques culturales…). Et qu'est-ce qu'on fait des femmes et des hommes qui cultivaient les parcelles ? Parce qu'avec 4 000 €/ha, il ne reste plus rien quand on a payé les frais de dossier, l'entrepreneur qui vient arracher et que l’on a remboursé les quatre dettes qu'on avait. » D’où « notre position est ferme et forte : on ne doit plus arracher un hectare de vigne. Et au contraire, on doit se battre pour faire en sorte que les gens replantent et continuent d'entretenir » le vignoble.


Une position à contre-courant des instances de la filière, l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV) demandant depuis l’été un nouveau plan d’arrachage primé, sur fonds européens et nationaux, alors que l’impatience monte dans le vignoble, où la mauvaise surprise des petits rendements du millésime 2025 semble accentuer le désir d’arrachage pour réduire les surfaces déficitaires ou quitter le métier. « Les viticulteurs qui vont demander l’arrachage sont pris à la gorge parce qu’on n’offre pas d’autre solution » réplique Didier Gadea, le président de la commission nationale viticole du MODEF. « L’arrachage ne fera qu’accentuer la crise. En Languedoc nous étions à 240 000 ha, nous sommes tombés à 80 000 ha : ça prouve par A+B que ça ne fonctionne pas » assure le viticulteur de Montagnac (Hérault), qui appelle à une juste rémunération des vins et une meilleure répartition des marges.
Sur ce dernier point, pour Nicolas Olive, le président du MODEF Vaucluse, « ce sont les négociants qui ne jouent pas le jeu. Ils nous mettent [les prix d’achat] à ras des pâquerettes et eux ne réduisent pas leurs marges, parce que le vin dans le commerce n’a pas baissé [de prix de vente]. Par contre, nous ça n’augmente pas [et] il faut toujours qu'on baisse, sinon ils n’achètent pas dans les coopératives. » Appelant à cadrer les marges (y compris les coefficients multiplicateurs en restauration), Didier Gadea milite pour des prix planchers garantis par l’État, le cadre d’Egalim ou des prix d’orientation étant jugés trop incitatifs et pas assez contraignants : « on veut que l’État intervienne pour qu’il ne soit pas possible d’acheter en dessous du prix ». Car « tant que ça, ça ne sera pas réglé, eh bien on aura des friches, on aura des vignerons qui se pendent à la grange, etc. » prévient Didier Gadea.


Confiant dans l’attractivité du vin pour les jeunes consommateurs, Xavier Fabre souligne que s’il y a une « déconsommation sur certains vins », l’enjeu est avant tout une « adaptation de l’offre de vin » car « il y a des choses qui marchent aujourd'hui : tout le monde réclame du blanc et des bulles, il y a une mode des vins désalcoolisés… Il faut être capable de produire les choses qui marchent plutôt que dire non, on arrache et on laisse faire à d’autres ce qui marche. La viticulture s’est toujours adaptée » alors que « si l’on arrache une vigne, le viticulteur quitte le métier et ne revient plus ». Si la rémunération est un levier, le MODEF « pose volontairement la question de dire est-ce qu'on a besoin d'une Organisation Commune du Marché spécialisée (OCM vin) ? Est-ce qu'il faut ou pas revenir avec des aides à l'hectare directe dans le fonctionnement de la Politique Agricole Commune (PAC) classique » pose Xavier Fabre, évoquant aussi des outils comme l’Indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) « pour compenser les contraintes écologiques et climatiques ».


Au final, « il faut donner revenus et trésorerie aux vignerons pour qu’ils continuent à faire leur métier » répète Didier Gadea, qui alerte sur une crise viticole aussi forte en 2025 qu’en 1907, à l’époque du Midi rouge et de Marcelin Albert. « Ça me rappelle la phrase d'un homme politique : la steppe est sèche, une étincelle et tout s'embrase. Là, elle est plus que sèche. Donc nous redoutons l'étincelle. Nous, nous ne voulons pas qu'elle arrive, nous préférons travailler en amont avec des propositions pour ne pas en arriver là » déclare Didier Gadea. « C’est historique que ça pète dans le Midi. Vu la situation, il n’y a pas de raison : ça va forcément péter » prévient Xavier Fabre, rapportant le sentiment d’impuissance de délitement qui frappe la filière : « quand les gens voient le travail d’une année et leur héritage bradé à moins de 2 balles en grande distribution, ce sont des provocations qui ne peuvent pas passer. Ça va bouger, dans le monde du vin. Maintenant qu'on a rangé les machines à vendanger, les sécateurs, que tout va être terminé dans les vinifications, on va reprendre la route des pavés et des actions. Il ne peut pas en être autrement. »
« Il n’est pas normal qu’il y ait un achat à prix de misère au vigneron et que le consommateur se fasse dégommer quand il achète une bouteille au restaurant » prévient Didier Gadea. Photo : MODEF.