lors que la ministre de l’agriculture Annie Genevard se rend demain à Saint-Laurent de la Cabrerisse constater les dégâts de l’incendie du 5 août dernier et rencontrer des représentants de filières agricole et viticole, l’ampleur du sinistre pour le vignoble des Corbières reste à affiner et ne sera pas disponible avant une dizaine de jours. Pour l’heure, le chiffre de 1 200 ha de vignes touchées à divers degrés (brûlure totale des pieds et perte de fonds, échaudage à divers degré des grappes et des feuilles) est évoqué après les premiers retours qu’a pu enregistrer la Chambre d’agriculture de l’Aude, mais d’aucuns s’attendent plutôt à une fourchette comprise entre 1 500 et 2 000 ha de vignes touchées. A cela, s’ajoutent les dégâts d’exploitants éleveurs, apiculteurs, maraîchers ou encore producteurs de PPAM (plantes à parfum, aromatiques et médicinales), ainsi que les bâtiments agricoles et matériels brûlés entre le 5 et le 10 août.
Côté raisins, « un zonage a été réalisé sur la base de la cartographie satellitaire de passage du nuage de fumée, avec une trentaine de prélèvements qui quadrillent le secteur, et des analyses menées les laboratoires Dubernet et ICV », précise le président de la chambre d’agriculture de l’Aude Ludovic Roux. Ces résultats permettront de définir plus précisément la surface de vignoble réellement touchée, certains parlant déjà de 2 000 ha possibles. Mais c’est surtout l’impact direct et indirect de ces dégâts sur une filière déjà en crise qui est au centre des griefs adressés par les représentants professionnels à la ministre. « Un fonds d’urgence doit venir apporter un soutien financier aux viticulteurs qui sont à la fois premières victimes de ce feu, mais aussi premiers acteurs de la limitation de propagation par l’effet coupe-feu de leurs parcelles », appuie le président des Vignerons indépendants de France Jean-Marie Fabre.


Les responsables professionnels attendent donc que tout l’arsenal d’accompagnement des sinistrés soit mis en œuvre via ce fonds, « année blanche bancaire, exonérations de cotisations fiscales et sociales, MSA, mais aussi simplification administrative pour faciliter l’achat de raisins et de moûts, ou encore la possibilité de vinifier à degrés plus bas pour atténuer les effets de goûts de fumée », liste pêle-mêle Ludovic Roux. Jean-Marie Fabre souligne en effet que si les pertes de fonds sont assurables, « les raisins perdus par échaudage ou goûts de fumée sont une perte sèche qui n’est pas assurée ». De même, le président du syndicat des Vignerons de l’Aude Damien Onorre rappelle les effets pas encore mesurables « à l’intérieur des caves où les fumées sont passées, avec des impacts sur les vins stockés ».
Mais au-delà de cet accompagnement financier rapide post-sinistre, c’est bien le fameux plan Marshall pour la résilience du vignoble méditerranéen qui est rappelé à la ministre de l’agriculture. Lors de la venue du Premier Ministre François Bayrou le 6 août, Jean-Marie Fabre avait d’ailleurs pris « comme un engagement, nous vous prenons au mot » l’annonce par François Bayrou « d’un plan d’ensemble dont les Corbières pourraient être le laboratoire ». Alors que même les pompiers ont rencontré des difficultés pour s’approvisionner en eau dans la zone pour lutter contre l’incendie, l'apport d'eau est au centre de tout ce plan. Jean-Marie Fabre rappelle donc « aux arbitrages économiques forts à trancher, car les investissements majeurs d’aujourd’hui seront les économies budgétaires de demain. Sinon, on laisse le climat imposer sa sentence, c’est la désertification qui gagne et les coûts pour l’Etat seront autrement plus importants face à la perte de l’économie principale d’un territoire entier ». Les pistes de financement sont multiples et Ludovic Roux met en avant « la reconnaissance de la zone méditerranéenne comme spécifique sur le plan climatique, avec l’introduction d’ICHC (indemnité de compensation pour handicap climatique) sur le modèle de l’ICHN, mais aussi le paiement pour services environnementaux, dont même les entreprises privées pourraient s’acquitter, comme le sociétés d’autoroute par exemple, en compensation de l’entretien des secteurs bordant les autoroutes ». Annie Genevard ne manque pas de propositions sur la table.