vec 16 000 hectares calcinés et parcourus (chiffres de la préfecture de l’Aude à 15 heures ce 6 août) en l’espace de quelques heures sur 15 communes de l'Aude, c’est le plus important incendie de la saison en France qui s’est déclaré ce mardi 5 août à 16h15 sur la commune de Ribaute, dans les Corbières. Si le bilan humain est déjà funeste, avec une personne décédée et de multiples blessés, le vignoble et ses exploitants se retrouvent en première ligne des dégâts, que l’on devine déjà considérables alors que les vendanges du millésime 2025 se déclenchent dans la région.
Les dégâts sont déjà importants là où le feu est passé - Cellier des Demoiselles
« C’est déjà catastrophique pour la cave », s’inquiétait ce matin Anael Payrou, directeur du cellier des Demoiselles (la coopérative de Saint-Laurent de la Cabrerisse), qui a pu revenir dans la cave ce matin. « Les locaux ne sont pas endommagés, mais on s’inquiète déjà de l’odeur de fumée persistante à l’intérieur de la cave », détaille-t-il, « mais le pire reste à venir, car les retours font état de deux tiers des vignes de nos adhérents qui sont touchées à des degrés divers, de quelques rangs de bordure léchés et grillés par les flammes à des parcelles entièrement brûlées et sautées par l’incendie ». Des bâtiments, du matériel et des habitations d’exploitants sont également partis en fumée.


« L’incendie a suivi le couloir des trois communes où se trouvent l’essentiel de notre vignoble. Après tous les coups durs de ces cinq dernières années, nous sommes très inquiets pour l’avenir de la cave », s’inquiète Anael Payrou. Les pertes nettes de récolte risquent à nouveau d’être considérables pour une cave qui s’est pourtant distinguée par sa volonté d’innovation ces dernières années. « Sans parler de tous les raisins aspergés de retardant et les goûts de fumée qui vont probablement concerner la grande majorité de nos apports. Déjà que nous avions peu de récoltes et de stocks ces dernières années, si nous ne pouvons rien proposer à la vente pour la suite, on risque de perdre toute notre clientèle. Nous allons devoir compter sur leur solidarité », enchaîne-t-il.
Le matériel a subi les mêmes dégâts que la vigne - Cellier des Demoiselles
La solidarité est déjà à l’Å“uvre du côté du syndicat des Vignerons de l’Aude (SVA), qui ne cesse d’alerter les pouvoirs publics depuis de nombreuses années sur le sujet des incendies et du rôle de coupe-feu du vignoble. « Ce n’est plus possible de persister dans le non-accompagnement du vignoble dans ce rôle coupe-feu. Nous en parlons depuis si longtemps et rien ne vient pour financer ce rôle essentiel du vignoble », tempête la vice-président du SVA Franck Saillan. « Et encore, les effets de l’arrachage massif en cours ne se sont pas fait sentir, mais lorsque ces vignes arrachées seront à leur tour des friches, la progression sera encore plus facilitée », appuie encore Franck Saillan.
Les sapeurs-pompiers indiquent en effet que ce feu est le plus rapide et le plus violent du 21ème siècle, où seul celui de Vidauban en 2003, dont la progression avoisinait les 4,4 km/h, enregistrait les mêmes ordres d’avancée. Une vitesse de progression de 5 km/h est même évoquée, l’agro-météorologue Serge Zaka indiquant en parallèle sur son compte X (ex-twitter) ne retrouver « aucun feu depuis 1950 avec un vitesse et une violence similaire ».
A 7h30 ce matin, la préfecture de l’Aude indiquait que le front de l’incendie attaquait déjà le secteur de Roquefort-des-Corbières, donc aux abords de la zone littorale et des zones touchées par le dernier incendie. Le département se remettait en effet à peine du dernier incendie du 26 juillet aux alentours de Sigean où des vignes de coopérateurs adhérents des Celliers du Soleil et de quelques caves particulières avaient été touchés (recensement encore en cours par les services de la chambre d’agriculture de l’Aude), et celui du 7 juillet autour de Narbonne. Un dispositif colossal de plus de 1800 pompiers et plus de 500 engins au sol est déployé. Le Premier ministre, François Bayrou, et le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, se sont rendus sur place en milieu d'après-midi.
Face au Premier ministre et capté par le direct de BFM TV, le maire de Saint-Laurent de la Cabrerisse Xavier de Volontat (vigneron au château Les Palais et ancien président des Vignerons indépendants de France) a rappelé la funeste destinée des « 600 ha de vignes qui ont joué leur rôle de coupe-feu, mais dont tous les raisins devront être jetés, alors qu’à un mois des vendanges, les vignerons du secteur voyaient enfin la perspective d’une bonne récolte après 3 années difficiles. C’est une perte totale de récolte ». Déplorant la catastrophe, le vigneron des Corbières a confronté François Bayrou au spectre de l'après. « Vous avez le choix aujourd’hui, de laisser un désert à la place des vignes. Sans la viticulture, le tourisme ici ne marche pas », a asséné Xavier de Volontat.
Les bâtiments agricoles n'ont pas été épargnés - Cellier des Demoiselles
« Il y aura des pertes de fonds dans les vignes, qui heureusement sont indemnisées, mais pour tout le reste, les vignerons se retrouvent sans rien. Pour les retardant, le Service départemental d'incendie et de secours (Sdis) nous a fait savoir qu’il faut prouver qu’ils se sont trompés de parcelle dans l’application du retardant pour qu’ils indemnisent. Mais qui a envie de se retourner contre les pompiers alors qu’ils font tout pour nous protéger ? Et pour les goûts de fumée, certaines assurances nous indiquent que ce pourrait être indemnisable selon le type de contrat engagé, et si ce goût est bien la conséquence indirecte d’un dégât direct, l’incendie. Mais ça reste flou pour nous », appuie Franck Saillan.
Le syndicat des Vignerons de l’Aude annonce donc déjà la réactivation de l’association des agriculteurs sinistrés de l’Aude, qui avait permis de récolter des fonds et venir en aide aux exploitants touchés par les fortes inondations du département en 1999 et 2018.