menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Viticulture / "J'ai des vignes meurtries, j'ai perdu un bois... et des voisins me demandent de finir le travail des flammes", les vignerons encore sous le choc après les incendies
"J'ai des vignes meurtries, j'ai perdu un bois... et des voisins me demandent de finir le travail des flammes", les vignerons encore sous le choc après les incendies
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Languedoc
"J'ai des vignes meurtries, j'ai perdu un bois... et des voisins me demandent de finir le travail des flammes", les vignerons encore sous le choc après les incendies

Début juillet, les incendies survenus dans l’Aude et l’Hérault ont brûlé des pans entiers de vignes, touchant souvent les parcelles les plus importantes pour leurs exploitants. Un nouveau choc pour eux après les sécheresses à répétition.
Par Marion Bazireau et Bertrand Collard Le 25 juillet 2025
article payant Article réservé aux abonnés Je m'abonne
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Dégâts provoqués par les incendies au château Prat de Cest. Outre ses vignes, Guillaume Allien le propriétaire a perdu une benne à vendanger, toute la protection galvanisée de la clôture qu’il avait posée cette année contre les sangliers, un hectare de bois et ses 70 ha de garrigue. - crédit photo : Guillaume Allien
D

ébut juillet dans l’Aude, les feux de Lagrasse, Bizanet, Moux et Narbonne-Bages ont détruit plus de 3 000 ha de végétation en dix jours. Anne Lignères ne l’oubliera pas. Le 5 juillet, ces feux ont ravagé un tiers de son vignoble. « Sur 25 à 30 ha, nous ne récolterons rien, estime la propriétaire du Château La Baronne, 100 ha de vignes à Moux, dans l’Aude. Quand on va dans les vignes, ça fait mal. Autour de nous, il n’y a plus d’arbres. C’est la désolation. »

"Nous allons manquer de blancs"

Et le plus grave pour son activité : « Les parcelles touchées sont toutes des parcelles de blancs et ce sont celles qui portent le plus de raisins car elles sont sur des sols qui résistent très bien à la sécheresse. Nous allons manquer de blancs alors qu’on nous en demande et que nous avons encore des stocks de rouges. »

Déjà en 2021, ses vignes avaient brûlé. Après cela, elles ont subi trois années de sécheresse. « Cet incendie, c’est un nouveau choc », encaisse Anne Lignères qui, en plus d’avoir perdu sa récolte de blancs, va devoir arracher et replanter 5 ha trop meurtris.

Deux jours plus tard, à une vingtaine de kilomètres à l’est, Laure de Chevron Villette, copropriétaire de l’abbaye de Fontfroide, était aux premières loges du départ de l’incendie le plus dévastateur de cette série. « C’était lundi 7 juillet, vers 14 h 45, se souvient-elle. J’étais dans une vigne à 200 mètres de la garrigue qui s’est embrasée. J’ai immédiatement prévenu les pompiers et demandé au personnel de l’abbaye d’évacuer. J’avais encore en tête l’incendie majeur de 1986. Heureusement cette fois, ni l’exploitation, ni l’abbaye n’ont été touchées. »

"La sève a bouilli et les feuilles sont complètement brûlées"

Poussées par un fort vent du nord et détournées par les vignes d’un voisin, les flammes ont brûlé près de 300 ha de bois et de garrigue appartenant à l’abbaye puis ont pris la direction de Narbonne, en passant par le Domaine d’Aussières et en fonçant sur le Château Prat de Cest dont elles ont carbonisé 15 à 20 % des 16 ha.

« Les rameaux ont noirci sur 40 mètres sur toutes les bordures de parcelles. La sève a bouilli et les feuilles sont complètement brûlées comme si c’était l’automne, avec des dégâts très importants en contrebas des fossés perpendiculaires au vent », précise Guillaume Allien, le propriétaire du Château Prat de Cest. Selon le vigneron, tout cela ne serait pas arrivé il y a quelques années, « quand je pouvais entretenir par écobuage le ruisseau qui chemine sur mon exploitation et par lequel l’incendie s’est propagé jusqu’à atteindre les zones boisées et devenir impossible à contrôler. »

Heureusement, 50 mm de pluie sont tombés le 12 juillet. Six jours plus tard, ses vignes meurtries commençaient doucement à reverdir ça et là. « Les pousses distales sont mortes, mais on voit des entre-nœuds redémarrer, explique-t-il le 18 juillet de retour de ses vignes. 80 à 90 % des plants devraient reprendre. Cela va nous sauver la mise. »

Outre ses vignes, Guillaume Allien a perdu une benne à vendanger, toute la protection galvanisée de la clôture qu’il avait posée cette année contre les sangliers, un hectare de bois et ses 70 ha de garrigue. Pour couronner le tout, des voisins lui demandent de finir le travail des flammes. Le bois qui a brûlé se trouve en bordure d’habitations, de même que des haies qui délimitent ses vignes. « Les voisins veulent que je coupe tout ce qui reste, rapporte-t-il dépité. Je leur explique que je n’ai pas le temps, que s’ils ont 600 m2 ou 1 000 m2 de jardin, j’ai 1 300 000 m2 à gérer. Certains comprennent. »

Averses bienvenues

Anne Lignères a bénéficié de la même averse bienvenue. Le 18 juillet, elle n’avait encore vu aucune de ses vignes reverdir. « C’est une forte pluie qui est tombée et qui a embarqué toutes les cendres, rapporte-t-elle. Nous avons des retenues collinaires que nous avons formées pour laisser à l’eau le temps de s’infiltrer dans le sol. Elles sont pleines d’une eau toute noire. »

Dans l’Hérault, plus de 400 ha de végétation ont été détruits entre Fabrègues et Mireval. Même bilan entre Castelnau-de-Guers et Montagnac. Productrice de Picpoul de Pinet au Domaine La Croix Gratiot, 38 ha de vignes à Montagnac, Anaïs Ricome compte un peu plus de 4 ha touchés dont 3 tellement roussis qu’ils ne produiront rien cette année. Or, ces vignes sont essentielles pour elle. « Ce sont des parcelles que nous revendiquons en Picpoul de Pinet et en Languedoc blanc et dont nous mettons les vins en bouteille, détaille-t-elle. Ce sont nos haut de gamme et nous allons en manquer alors que nous avons des stocks de rouges. »

Outre les pertes directes de récolte, ces vignerons s’inquiètent des goûts de fumée qu’ont peut-être absorbés les raisins pendant les incendies et lors de la forte pluie du 12 juillet qui a remis ces odeurs en suspension. Laure de Chevron Villette prévoit de faire des analyses à la veille des vendanges pour en avoir le cœur net. « Ce n’est pas la peine d’en faire maintenant. On verra après le 15 août », indique-t-elle. Elle s’intéressera particulièrement à sa parcelle la plus touchée, celle qui donne son meilleur vin et où quelques souches ont brûlé.

Guillaume Allien, lui, ne sait pas trop comment aborder la question. « D’après ce que j’entends, les goûts de fumée, c’est la loterie. Certaines parcelles peuvent être marquées alors qu’elles ont été peu enfumées et inversement. » Pour l’instant, il prévoit de faire des macérations courtes en vue d’obtenir des vins sur le fruit. En attendant, il est sûr d’une chose : « C’est un dégât que l’assurance ne prend pas en compte. » Tout juste espère-t-il une bonne prise en charge de ses pertes de récolte et affûte ses arguments pour l’obtenir. 

Un patrimoine disparu

Copropriétaire de l’abbaye de Fontfroide, Laure de Chevron Vilette se souvient qu’après l’incendie de 1986, qui a presque détruit la totalité des 800 ha de bois et de garrigue de l’abbaye, l’ONF a cofinancé la replantation de 15 000 arbres. Une intervention qui a contribué à faire reverdir le paysage. Elle doute qu’il en sera de même cette année, étant donné les finances de l’État. Or, si l’incendie a fait assez peu de dégâts dans ses vignes, il a ravagé près de 300 ha de pins, de cèdres, de cyprès et de garrigue qui constituaient un magnifique patrimoine paysager. Dans un contexte de réchauffement climatique, elle s’inquiète aussi de voir les vignes arrachées devenir des champs d’herbes sèches. « Les étés à venir vont être de plus en plus favorables aux incendies. J’aurais aimé que les primes à l’arrachage soient assorties d’une obligation de mise en culture des parcelles », indique-t-elle. Un vœu pieux !

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Soyez le premier à commenter
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous

Pas encore de commentaire à cet article.
vitijob.com, emploi vigne et vin
Hérault - CDI Les Grands Chais de France
Bouches-du-Rhône - CDD COOP VINIC LES VIGNERONS DU MONT SAINTE VICTOIRE
Ain / Allier / Ardèche ... - CDI SAS CHATEAU DE GAURE
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Viticulture
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé