lors que le flou sur l’accord commercial signé ce 27 juillet entre les États-Unis et l’Union Européenne laisse la filière des vins français dans l’expectative faute de précision sur leur intégration ou non à la liste des produits exemptés de droits de douane (comme l’aéronautique, la pharmaceutique… et peut-être les spiritueux), la filière italienne annonce son mécontentement dans un communiqué publié ce 28 juillet. Estimant que l’application de 15 % de droits de douane américains dès ce premier août coûterait 317 millions d’euros à sa filière sur les 12 mois à venir (voire 460 millions € si la dévaluation du dollar se maintient face à l’euro), l’Union Italienne des Vins (UIV) voit clairement le verre à moitié vide en s’attendant à une perte de compétitivité et d’attractivité de ses flacons. « Au début de l'année, la bouteille italienne qui quittait la cave à 5 € était vendue en linéaire à 11,5 $ (+123 %). Aujourd'hui, entre les droits de douane et la dévaluation du dollar, le prix de la même bouteille avoisinerait 15 dollars (+186 %) » indique l’UIV (estimant que le prix en restaurant grimperait à 60 $).
« Nous demandons dès à présent au gouvernement italien et à l'Union européenne d'envisager des mesures appropriées pour sauvegarder un secteur qui s'est tant développé grâce au marché américain » déclare Lamberto Frescobaldi, le président de l’UIV. Reconnaissant que l’accord transatlantique met un terme au risque de 30 % de droits de douane dès ce premier août, Lamberto Frescobaldi pointe que « nous sommes au moins sortis d'une incertitude qui bloquait le marché. Il faudra maintenant assumer le manque à gagner tout au long de la chaîne d'approvisionnement afin de le minimiser ».
Demande de soutiens
Ce qui passe par des aides d’Etat et de l’Union Européenne pour la filière italienne, comme ce que l’on entend déjà en France en cas de taxes à 15 % : « la Commission devrait dégager des volumes conséquents de la réserve de crise pour ses budgets 2025 et 2026, afin que la France bénéficie d’au moins 200 millions € pour mener rapidement les mesures conjoncturelles et structurelles demandées (arrachage, distillation…). Le Commission devrait également soutenir la promotion des vins pour développer des parts de marché et tamponner les effets d’augmentations de taxes américaines » déclare, au conditionnel, Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, pour qui « si des avantages avaient été négociés pour l’aéronautique et que le secteur vin avait été sacrifié, ce serait un camouflet. Une fois de plus, le secteur aurait été la variable d’ajustement de relations internationales. » Du moins si les vins ne sont pas ajoutés à la liste des produits européens exemptés de droits de douane par les États-Unis.
« On a l’impression que la Commission européenne a été battue à plate couture. Elle ne peut pas faire semblant d’avoir signé un bon accord en mettant à genou ses vignobles, si le taux de 15 % nous est appliqué, ce qui ne serait pas un bon accord pour les vins » confirme Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs, qui souligne que les vins français restent dans le flou : « on n’est pas plus avancé. On est toujours en attente d’avoir quelque chose de sûr et de table. Je ne sais pas si c’est possible avec Trump… » Avec 15 %, ce serait un nouveau coup dur pointe le viticulteur gascon, pour qui ce niveau n’est pas une bonne affaire par rapport à une menace de 30 %, mais une régression par rapport aux faibles tarifs actuels : « on ne doit pas faire partie de ce jeu-là. On n’en peut plus d’être toujours soumis aux diktats. Il faut les taux les plus proches possible de zéro. Sinon, ce sera une nouvelle entrave à nos capacités à commercer. Que l’on soit acteur du marché américain ou pas, les vins allant moins aux États-Unis repartant sur d’autres marchés et donnant des claques aux copains. »


Alors que l’UIV « attend le texte final pour procéder à une évaluation globale de l'accord », son secrétaire général, Paolo Castelletti indique qu’en l’état, « nous ne pouvons pas nous satisfaire de cet accord », car si « un droit de 15 % est certes inférieur à l'hypothèse de 30 %, il est tout aussi vrai que ce droit est énormément plus élevé que le taux presque nul qui prévalait avant l'entrée en vigueur de ce droit. » Ce 28 juillet lors d’une conférence de presse, le commissaire européen au Commerce, Maro? ?efčovič, rétorque que « si certains pensent que l’on peut revenir à la situation d’avant avril [NDLR : et l’imposition unilatérale de 10 % de tarifs américains], je les renvoie aux lettres qui annoncent différents droits de douane à partir du premier août. »
C’est mieux que si c’était pire
Actant le nouvel ordre commercial imposé par Donald Trump, Maro? ?efčovič pointe que « pour l’heure, même si je sais que pour certains les résultats sont insuffisants, ils ne savent pas l’impact [de l’accord obtenu] pour tous secteurs. » Indiquant avoir les chiffres validant la négociation (« le meilleur accord que l’on puisse obtenir dans des conditions très difficiles »), le commissaire défend qu’un accord commercial est préférable à une guerre commerciale : des droits douanes de 30 % auraient bloqué les échanges commerciaux alors que « les entreprises avaient un message unanime : éviter l’escalade. » En l’état, Maro? ?efčovič répète que la liste des marchandises européennes bénéficiant de 0 droit de douane « reste ouverte aux ajouts ».
Pour l’UIV, les vins italiens sont particulièrement exposés aux taxes Trump, alors 24 % de leur valeur export se faisant aux États-Unis (contre 20 % pour la France et 11 % pour l’Espagne) et majoritairement sur les prix de moyen de gamme très exposés à la compétition tarifaire (80 % des expéditions sur les prix départ cave 4,2 €/litre).