oup de pression ou de poker sur les négociations ? Attendue autant que crainte, la lettre du président américain, Donald Trump, à la présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, vient d’être communiquée ce 12 juillet, avec une nouvelle menace : « à partir du premier août 2025, nous imposerons un tarif de seulement 30 % sur les produits européens envoyés aux États-Unis, séparément de tous tarifs sectoriels ». Alors que les négociations entre Washington et Bruxelles semblaient prometteuses, avec la perspective de taxes nulles pour les spiritueux voire les vins, Donald Trump joue les éléments perturbateurs pour obtenir son deal. Dénonçant « l’un des plus importants déficits commerciaux » pour les États-Unis, il fait monter les enchères autant que les menaces : « si pour une quelconque raison, vous décidez d’augmenter vos tarifs en mesure de rétorsion, quel que soit le chiffre de l’augmentation il sera ajouté aux 30 % que nous imposerons ». Mais « si vous souhaitez ouvrir vos marchés jusque-là fermés aux États-Unis, et éliminer vos politiques et barrières tarifaires et non-tarifaires, nous considérons, peut-être, de faire un ajustement à cette lettre. Ces tarifs peuvent être modifiés, à la hausse ou à la baisse, selon nos relations. Vous ne serez jamais déçus par les États-Unis d’Amérique. »
En réaction, la Fédération des Exportateurs de Vins et Spiritueux (FEVS) tire la sonnette d’alarme pour sauver son premier marché (3,8 milliards € en 2024), voyant dans cette annonce « une attaque brutale à l’égard tant des exportateurs français et européens qu’envers leurs partenaires – importateurs et distributeurs – et les consommateurs américains ». Déjà mises à mal par les dernières annonces et voltefaces du président américain, les expéditions françaises de vins et spiritueux sont soumises à un droit additionnel de 10 % depuis avril qui n’est pas neutre sur le commerce, mais n’a pas l’impact de 30 % dès août. Cette hausse aurait un « impact extrêmement lourd sur le secteur des vins et spiritueux, avec une perte potentielle estimée dépassant largement le milliard d’euros » avance la FEVS.
De la crise à la crise
« Cette décision d’une violence inouïe nous laisse tous abasourdis » rapporte Gabriel Picard, le président de la FEVS, pointant qu’« avec un tel niveau de tarif, c’est le secteur tout entier qui est mis en danger et pas seulement ceux qui exportent vers les États-Unis ». Les volumes de vins et spiritueux ne trouvant plus de débouchés sur leur première destination devant être réorientée vers d’autres marchés, ce qui va accentuer l’effet masse des bouteilles en mal de commercialisation. Ce qui ne peut qu’avoir un effet délétère sur les valorisations, alors que la déconsommation alimente déjà une crise viticole d’ampleur. Pour le président de la FEVS, « il reste désormais, d’ici le premier août, une petite fenêtre de tir pour trouver une issue à cet affrontement catastrophique. Il appartient à la présidente de la Commission européenne et aux États membres de trouver la voie d’une sortie de crise. Nous appelons en particulier les 27, réunis en Conseil des ministres Commerce lundi [14 juillet] prochain, de se mobiliser pleinement pour éviter toute tentation d’escalade et garder leur sang-froid, comme ils ont su le faire jusqu’à présent ».
Sur Linkedin, Ignacio Sánchez Recarte, le secrétaire général du Comité Européen des Entreprises du Vin (CEEV) prend du recul dans l'analyse de la sommation de Donald Trump : cette lettre « ne doit pas marquer la fin des discussions. Je n’y vois pas une décision finale, mais un appel à poursuivre les négociations avec l’Europe. Comme la présidente Ursula von der Leyen l’a déclaré à juste titre, l’Union "reste prête à œuvrer en vue d’un accord d’ici le premier août". Il est temps de soutenir les négociateurs - l’intérêt économique commun doit prévaloir. »


Le sentiment est partagé de l’autre côté de l’Atlantique où les vins européens représentent 75 % des recettes des distributeurs américains. Réunis au sein de l’U.S. Wine Trade Alliance (USWTA), les distributeurs américains de vins s’inquiètent de la menace de leur président : « le vin ne fait pas partie du problème que le président Trump tente de résoudre. Au contraire, il s'agit de l'un des exemples les plus réussis du commerce transatlantique, qui soutient les emplois américains et contribue à un excédent économique remarquable » indique ce 12 juillet dans un courrier à ses adhérents Ben Aneff, le président de l’USWTA.
L’importation de 5,3 milliards de dollars de vins européens générant 23,96 milliards $ de recette aux États-Unis : « il en résulte un excédent économique de près de 19 milliards de dollars aux États-Unis, qui soutient des centaines de milliers d'emplois américains dans les 50 États, chez les importateurs, les distributeurs, les détaillants et les restaurateurs » (selon le système des trois tiers propre aux États-Unis). « La perte de ces recettes serait une blessure auto-infligée dévastatrice, qui saperait nos entreprises, notre main-d'œuvre et l'économie américaine dans son ensemble » alerte Ben Aneff.
Comme le CEEV, à l’USWTA « nous pensons que cette lettre, comme de nombreuses autres lettres similaires adressées à d'autres pays, est destinée à exercer une pression maximale sur l'Union Européenne pour qu'elle parvienne à un meilleur accord avec les États-Unis » indique Ben Aneff.
Alors, fort coup de semonce ou simple coup de bluff ?