artant du constat que « deux personnes sur trois en Australie méridionale ne sont pas suffisamment sensibilisées au fait que l’alcool constitue un facteur de risque important dans le développement du cancer », le Cancer Council SA a lancé une nouvelle campagne qui s’appuie sur un verre de vin rouge pour marteler son message. Image provocatrice s’il en est dans le principal Etat producteur de vin en Australie, elle n’a pas manqué de susciter émotion et colère chez les professionnels. « Ne devrait-on pas plutôt se focaliser de manière honnête sur le rôle que jouent le sucre, l’obésité, le diabète, les modes de vie et le régime alimentaire dans ce tableau complexe, au lieu de faire porter tout le blâme sur un verre de vin ? » s’interroge Fabiano Minchella, vigneron dans le McLaren Vale, sur LinkedIn. « Un tramway traverse Adélaïde portant une image de vin rouge renversé sur des organes en carton, alertant sur le fait qu’un simple verre de vin peut déclencher un cancer », détaille Matt Deller MW. « C’est un message qui interpelle et qui reflète un discours grandissant : il n’y a aucun niveau de consommation sûr. Le vin, autrefois un élément central de dialogues positifs autour de la santé, l’alimentation et le mode de vie, est désormais assimilé au tabac et à l’amiante ».
Un secteur atomisé et vulnérable face à l’offensive
Alors que les effets bénéfiques d’une consommation modérée d’alcool sont de plus en plus remis en question dans des cercles toujours plus larges, et que le nombre de cancers associés à l’alcool ne cesse de s’élargir, un fil rouge se dessine dans la communication anti-alcool au niveau international. L’un de ses objectifs : justifier l’apposition de messages sanitaires sur les bouteilles. Le vin rouge, longtemps mis en avant pour ses vertus sanitaires, devient ainsi une cible privilégiée. Qualifiant le vin de « visible culturellement mais vulnérable politiquement », Matt Deller MW souligne que l’atomisation de la filière constitue son talon d’Achille : « Plus de 80% des caves dans le monde sont de petites entreprises familiales qui élaborent moins de 100 000 bouteilles par an. Contrairement à la bière et aux spiritueux, le vin ne bénéficie pas de puissants lobbies internationaux pour le défendre ».
Des données scientifiques toujours aussi positives
Pourtant, la science continue de confirmer les bienfaits d’une consommation modérée de vin sur la santé. Dernier exemple en date : une étude publiée fin juin dans le « Journal of Epidemiology and Public Health » par trois chercheurs dont le Français, le Dr Pierre-Louis Teissedre. Selon eux, « les résultats de multiples études prospectives internationales mettent clairement en évidence le fait qu’une consommation modérée d’alcool – soit 5-15g/jour pour les femmes et 5-30 g/jour pour les hommes – fait partie des cinq (ou plus) facteurs d’un mode de vie sain associés à une espérance de vie plus longue, une meilleure santé physique et mentale et une réduction des maladies chroniques ». Ils ajoutent même qu’il « semble exister suffisamment de preuves cliniques pour suggérer que les consommateurs modérés de vins présentent un risque plus faible de développer un cancer que ceux qui consomment d’autres types d’alcool ». En réalité, affirment-ils, « l’ensemble des données scientifiques accumulées au cours des quatre dernières décennies, y compris celles publiées au cours des six dernières années [NDLR : depuis la parution en 2018 d’un article dans The Lancet affirmant qu’il n’y a aucun niveau de consommation d’alcool sûr] continuent de valider la courbe en J qui illustre le lien entre alcool et santé ».