edébattue au niveau européen suite à la demande de l’Allemagne de novembre 2024, l’introduction des phosphonates de potassium dans le cahier des charges bio semble avoir pris du plomb dans l’aile. « Pour la troisième fois après 2014 et 2020, il semblerait que la plénière du 4 juin de l'EGTOP [NDLR : groupe d'experts pour le conseil technique sur la production biologique] ait rendu un avis négatif sur la question, rapporte Jérôme Cinel, directeur d’Interbio Nouvelle-Aquitaine mobilisé depuis des mois sur le dossier aux côtés des membres de France Vin Bio. Cet avis a été largement soutenu lors du vote en plénière qui a suivi. Le temps de la rédaction et de la traduction dans toutes les langues de l’Union Européenne, tout cela devrait être officiel d’ici quelques jours », explique-t-il.
Confiant dans le fait que la Commission européenne suive l’avis de l’EGTOP, « comme elle le fait toujours », Jérôme Cinel a tout de même tenu à enfoncer le clou auprès du commissaire européen à l’agriculture lui envoyant dès le 5 juin un courrier cosigné par 17 organisations bios de 8 pays membres (France, Espagne, Italie, Portugal, Bulgarie, Roumanie, Slovénie, et Croatie) représentant 480 000 hectares de vignes soit 91,6% du vignoble bio européen. Dans ce courrier, les 17 encouragent Christophe Hansen à suivre l’avis de l’EGTOP en rappelant l’origine de synthèse des phosphonates, leur action systémique, et leur transformation dans les vins en acide phosphonique, résidu pouvant aussi provenir fosétyl d’aluminium, antimildiou interdit en bio, rendant impossible la détection d'éventuelles fraudes.
A côté de ces questions de principe, elles insistent sur le fait que les phosphonates doivent toujours être associés à du cuivre, que leur efficacité n'a pas été démontrée pour des pressions mildiou élevées, et que ce fongicide est peu compatible avec une utilisation d’urgence. Elles alertent aussi le commissaire sur le risque que l’autorisation des phosphonates ferait peser sur les marchés, puisque « 40 % des vins français, espagnols et italiens sont exportés vers les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, et la Chine, où la molécule n’est pas autorisée en bio en pourrait menacer les accords d'équivalence. »


« A ce stade, sachant en plus que seule l’Autriche soutient l’Allemagne, que la Hongrie est neutre et que la Grèce ne s’est pas prononcée, malgré le contexte politique de renoncement aux enjeux environnementaux, je vois mal comment la Commission européenne pourrait soumettre une modification de la réglementation aux pays membres », reprend Jérôme Cinel. La question devrait être tranchée mi-juillet. En attendant, le directeur d’Interbio Nouvelle-Aquitaine entend maintenir le contact avec les représentants allemands de la viticulture bio. « Je les ai invités à Bordeaux début juillet. Chacun a défendu avec légitimité de sa position sur les phosphonates. Nous sommes en démocratie et une majorité doit l’emporter mais cela n’empêche pas de continuer à discuter de la façon dont nous pouvons mutuellement nous aider.»