n Occitanie en 2024, ce sont 2 287 ventes de vignes qui ont été recensées pour 5 739 hectares de vignes et 54 millions d’euros de chiffre d’affaires par la Société d'Aménagement Foncier et d'Établissement Rural (SAFER Occitanie). S’il y a une certaine stabilité en volume par rapport à 2023, -1 % pour le nombre d’opération et -3 % pour les surfaces, les valeurs enregistrées chutent très brutalement : -48 %. Si le maintien des surfaces échangées « s’explique par des échanges parcellaires et des restructurations d’exploitations viticoles, la baisse de valeur s’explique par la quasi absence de vente de domaines viticoles dans leur intégralité. Il y a un effondrement qui ne s’explique pas par le manque d’offre, mais par un manque de demande » analyse Thomas Roumagnac, le directeur opérationnel de la Safer Occitanie, lors d’une conférence de presse ce 4 juin.
« Le chiffre est blessant. De 2019 à 2024, on a le même nombre d’hectares [échangés] et le prix des vignes a diminué par deux » réagit Dominique Granier, le président de la SAFER Occitanie, soulignant que si l’Occitanie « avait le foncier le moins cher d’Europe, certes il est pas cher, mais il est trop cher par rapport à ce qu’il rapporte ». Alors que « les chiffres sont durs à avaler », ils suscitent « des interrogations » pour le vigneron d’Aspères (Gard) après deux campagnes de distillation (« et même une troisième avec le gel de 2021 ») et une vague d’arrachage définitif primé (17 000 ha en Occitanie pour 4 000 €/ha sans pilotage*) : « malgré ça, le vin ne remonte pas » dans ses cours et la SAFER « interpelle le monde viticole pour trouver des solutions ».


Pointant que des appellations fonctionnent toujours bien (comme les AOP Limoux, Pic Saint-Loup, Picpoul de Pinet ou Terrasses du Larzac) mais sur de petits volumes (« Picpoul c’est 100 000 hl, l’Occitanie c’est 12 millions hl »), Dominique Granier appelle au sursaut stratégique face au « changement brutal » de la consommation dans le monde : « on n’est pas au bout de la crise viticole. Ce n’est plus une crise, c’est une mutation. On en a connu des crises, mais pas comme celle-ci » qui touche aussi Bordeaux, Cognac, le Rhône, l’Alsace…
Constatant que la production de vin rouge est plus en danger que celle de vin blanc, le président de la SAFER prévient qu’il « va falloir réajuster l’offre par rapport à la demande » et se poser la question de vignobles dédiés à la production de vins effervescents alors que le Prosecco s’est implanté dans la consommation apéritive. « Il faut produire ce que l’on sait vendre et ce que le consommateur demande » résume Dominique Granier, faisant le constat que la filière vin ne fait plus face à « une crise », mais à « une mutation » dont le foncier viticole est le thermomètre qui s’emballe. Et impose de changer de système en créant de nouvelles productions, qu’elles soient viticoles (vins de base mousseux ou raisin de table) ou autres (comme les cerises).


« Notre rôle est d’être précurseur sur la souveraineté alimentaire, la production locale et de saison comme nous détenons le pouvoir de la terre. Nous devons être des semeurs d’avenir » plaide Dominique Granier, pour qui « l’erreur n’est pas de se tromper, mais de ne pas rectifier. Il faut avoir l’audace et le courage de changer, mais sans se flageller : parce que l’on a fait de bonnes choses. Il faut créer et se projeter, pas attendre »
* : L’an passé, Dominique Granier alertait sur la nécessité de flécher les arrachages définitifs sur les parcelles les moins qualitatives et les plus sensibles au changement climatique. Ça ne s’est pas fait faute de temps pour créer un outil collectif regrette Dominique Granier, rapportant l’arrachage de « propriétés entières, ayant du potentiel ou non. Des vignes de blanc ont été arrachées et on a gardé des rouges ».