n long document de l’association Agri Patrimoine (voir encadré) critique les interventions de la SAFER hors droit de préemption, soit 95 à 98 % des interventions d’après ce texte…
Muriel Gozal : Je vous confirme que les acquisitions amiables demeurent la voie de droit commun utilisée par les Safer et la substitution le moyen principal. L’exercice du droit de préemption reste exceptionnel (moins de 10 % des opérations réalisées par les Safer, représentant moins de 1 % des ventes déclarées à la Safer).
L’association indique que le législateur a seulement encadré le droit de préemption et les rétrocessions, ce qui fait que les actions par substitution ou interpositions de la SAFER sont ceux d’un agent immobilier classique pour AgriPatrimoine. Qui ajoute que « les S.A.F.E.R. poussent aux opérations amiables, soi-disant pour s’éviter le tracas du droit de préemption. Et l’éviter au vendeur auquel il sert de repoussoir » avec l’idée que la SAFER n’est pas indispensable dans une transaction.
Le mécanisme de substitution et sa mise en œuvre sont prévus et encadrés par la loi. En effet, il s’agit d’un mécanisme d’ordre public, spécifique au droit rural, aux contours légalement définis (art. L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime). La promesse avec faculté de substitution a été introduite par la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole. Il s’agit d’une technique contractuelle amiable permettant à la Safer de renforcer sa présence sur le marché foncier rural afin de remplir l’ensemble de ses missions tout en réduisant le coût et les risques financiers (liés au stockage temporaire) de son intervention.
La substitution permet de transmettre un bien immobilier, quelle que soit sa vocation ou sa destination (agricole, forestière, environnementale ou rurale) en supprimant un deuxième acte de mutation. Plus précisément, la Safer se substitue à un attributaire pour réaliser la cession des droits et obligations conférés par une promesse de vente. La Safer dispose d’un délai légal de six mois pour se substituer le tiers choisi. Ce délai court à compter du jour où la promesse a acquis date certaine (pour cela, la Safer doit requérir la formalité de l'enregistrement afin de donner date certaine aux promesses de vente consenties à son bénéfice). En revanche, la procédure de choix de l’attributaire est rigoureusement la même (publicité, analyse de l’ensemble des candidatures, présentation en comité technique, validation des commissaires du gouvernement, publicité à la rétrocession…) que pour une procédure en acquisition.
Ce processus présente plusieurs avantages. Tout d'abord, il simplifie les transactions (une seule vente). Ensuite, il permet à l'attributaire de devenir propriétaire du bien, sans que celui-ci n'entre dans le stock foncier de la Safer. Enfin, il réduit les frais liés au stockage temporaire des biens et aux deux actes de vente, contribuant ainsi à alléger la charge financière des opérations. Le tout en préservant l’ensemble du processus de transparence et de démocratie de la Safer.
AgriPatrimoine va jusqu’à évoquer un abus de confiance avec ces actions en substitution, et même de détournements de fonds publics avec le recours à l’exonération des droits de timbre et d’enregistrement, ainsi que les taxes sur le chiffre d’affaires. L’association estime que les interventions par substitution sont illégales car l’association estime selon l’article 52 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 : "est frappée d'une nullité d'ordre public toute cession à titre onéreux des droits conférés par une promesse de vente portant sur un immeuble lorsque cette cession est consentie par un professionnel de l'immobilier."
En ce qui concerne les allégations d'abus de confiance ou de détournements de fonds publics, nous agissons dans le cadre de nos missions légales et nous sommes soumis à un contrôle rigoureux de nos tutelles. Les procédures de substitution sont réalisées conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
Le travail effectué par la Safer donne lieu à la perception de frais de rétrocession.
L’intervention de la Safer permet la transparence du marché, l’ouverture à tous les candidats recevables, l’analyse par le comité technique de toutes les candidatures, la mise en place d’un cahier des charges qui lie l’acquéreur pendant une période minimale de 10 ans et garantit l’avenir du bien rétrocédé. Elle apporte également la sécurité dans la transaction tant au vendeur qu’à l’acquéreur. Ce travail représente une charge significative.
La substitution est soumise à la même procédure qu’une rétrocession ordinaire. La procédure de transmission d’un bien par substitution se réalise dans les mêmes conditions qu’une rétrocession précédée d’une acquisition, et notamment nécessite de respecter les étapes communes suivantes :
1. Avis d’appel à candidatures (formalités de publicité prévues à l’article R. 142-3 du CRPM)
Avant toute décision d'attribution, les Safer procèdent à la publication d'un appel de candidatures avec l'affichage à la mairie de la commune de la situation du bien, pendant un délai minimum de quinze jours, d'un avis comportant, notamment, la désignation sommaire du bien, sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un document d'urbanisme, s'il en existe.
Un avis de même contenu est également publié dans un journal diffusé dans l'ensemble du département, sur le site internet de la Safer ainsi que sur le site internet des préfectures de département et de région concernées.
2. Passage pour avis en comité technique départemental (prévu à l’article R. 141-5)
Toutes les candidatures sont recueillies et analysées. La liste des candidatures est transmise aux commissaires du Gouvernement quinze jours avant la date de la réunion du comité technique.
Le comité technique, auquel sont conviés le directeur départemental des territoires (DDT) et le directeur départemental des finances publiques, donne son avis sur les projets d'attribution par cession ou par substitution.
Le comité technique s’attache pour chaque dossier étudié à respecter, notamment, les orientations prises par le conseil d’administration et le projet d’entreprise contenu dans le programme pluriannuel d’activités de la Safer (PPAS). Il s’attache aussi à motiver ses avis au regard des critères d’attribution prévus à l’article R. 142-1 du code précité ainsi que des priorités légales et des politiques publiques et, notamment, selon le cas, des priorités du schéma directeur régional des structures agricoles (SDREA).
3. Demande d’autorisation auprès des commissaires du Gouvernement (prévue à l’article R. 141-11)
Les commissaires du Gouvernement sont rendus destinataires de l'intégralité des avis motivés émis par le comité technique. Tous les projets d'attribution par substitution sont soumis aux commissaires du Gouvernement, en vue de leur approbation, quelle qu’en soit la valeur.
4. Publicité de la décision de rétrocession (prévue à l’article R. 142-4)
La Safer est tenue de faire procéder, au plus tard dans le mois suivant la signature de l'acte authentique (à ce stade, le notaire est tenu de vérifier que l'acte qu’il rédige est conforme notamment à la poursuite de l’avantage fiscal résultant de l’article 1028 ter du CGI), à l’affichage à la mairie de la commune de la situation du bien des éléments de la vente (nom du cessionnaire, etc.), après l’attribution du bien.
Quant à l'article 52 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 évoqué par AgriPatrimoine, le 2° du III de l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime exclut expressément l’application de cette réglementation aux opérations de substitution menées par les Safer.
En effet, dans le cadre d’une substitution, la Safer n’a pas la qualité de vendeur professionnel.
En résumé, nos actions et procédures sont réalisées en stricte conformité avec les lois et règlements en vigueur. Elles revêtent une importance capitale pour garantir des transactions foncières transparentes, équitables et sécurisées, tout en contribuant à la gestion efficace et à la préservation du patrimoine agricole et rural.
Nous permettons à chacun d’être candidat à l’acquisition d’un bien pour pouvoir réaliser tout projet en milieu rural : agricole, économique, environnemental…
Le prétendu « gendarme du foncier » exerce sa nuisance presque sans contrôle légal et pour 95 % de ses activités en toute illégalité
Les S.A.F.E.R., colosses aux pieds d’argile, exercent leurs nuisances -constat sur lequel tout le monde s’accorde à l’exception de ceux qui en bénéficient- sur le fondement de textes qui en réalité ne leur accordent aucun pouvoir réel, ce pour 95 % de leurs interventions.
Non seulement ce pouvoir qui leur est attribué sur le terrain est inexistant - « On ne peut pas faire sans la S.A.F.E.R. !» - mais encore il s’exerce par intoxication et ignorance. Et ce qui est beaucoup plus grave, il s’exerce sans le moindre contrôle légal, et le plus souvent en toute illégalité.
Seule la complaisance, ou l’aveuglement, ou la peur, ou l’intérêt comme on veut, font croire à un pouvoir qu’elles n’ont pas.
Si ce n’était pas si affligeant, ce serait captivant.
Le seul pouvoir réel s’exerce par les préemptions. Toutefois, il est soumis à contrôle juridictionnel, raison pour laquelle les S.A.F.E.R. se livrent à toutes sortes de manœuvres pour éviter d’avoir à l’exercer.
Les autres interventions ne le sont pas.
On peut du reste associer à ce lâche aveuglement la position (F.N.S.A.F.E.R./ Conseil Supérieur du Notariat) qui leur accorde sans la moindre base légale un droit de préemption sur les apports en société. En effet, un apport n’est pas une « cession à titre onéreux ». Et seules les cessions à titre onéreux sont soumises à préemption, le fait qu’un texte dérogatoire existe ne saurait valider un principe qui n’existe pas. On n’a du reste jamais vu une S.A.F.E.R. exercer son droit de préemption sur un apport en société, ce serait impossible.
Chapitre 1. Absence de contrôle sur environ 95 % des interventions des S.A.F.E.R.
§ 1 - Cette absence de contrôle résulte tout simplement des textes.
Il est acquis que 95 à 98 % des « interventions » ou des « interpositions » des S.A.F.E.R. se font hors préemption.
Celui-ci, dont la légitimité au regard de la Constitution Française est plus que contestable trouve son origine dans un texte de loi et est soumis au contrôle juridictionnel.
Toutes les autres opérations ne le sont pas, pour l’essentiel les « substitutions » et les interpositions à titre d’agent immobilier (« Professionnels de l’immobilier » comme les qualifient les juridictions »). Les « mandats de recherche » d’acquéreurs n’ont d’autre qualification juridique que celle du mandat d’agent immobilier.
Dans ces deux types d‘opérations, la S.A.F.E.R. n’est jamais propriétaire. Il n’y a donc pas « rétrocession ».
Or, seul le contrôle des rétrocessions est prévu par la loi. C’est évidemment la raison principale pour laquelle les S.A.F.E.R. poussent aux opérations amiables, soi-disant pour s’éviter le tracas du droit de préemption. Et l’éviter au vendeur auquel il sert de repoussoir…...les divers intervenants agricoles, agents immobiliers ou notaires ne cessant de clamer qu’on ne « peut se dispenser de passer par la S.A.F.E.R. », ce qui est totalement erroné, même légalement.
C’est également la raison pour laquelle il faut absolument obliger les S.A.F.E.R. à préempter : pour les contraindre à rester dans le cadre légal.
Une rétrocession est ainsi définie selon les juristes, parmi d’autres :
CNRTL :
1- Acte consistant, de la part de l’acquéreur d’un bien, à en transférer à nouveau la propriété à celui dont il l’avait acquis ;
2- Acte portant cession à un tiers d’un droit acquis.
Littré :
Céder, par un nouvel acte, quelque droit qu'on avait acquis par transport, et qu'on rend à celui de qui on l'avait reçu.
Wikisource :
Acte par lequel le cessionnaire transporte à son cédant ce que celui-ci lui avait cédé et transporté.
Dictionnaire des citations :
Acte par lequel on restitue à quelqu'un ce qu'il avait cédé.
Llf :
1- Acte consistant, de la part de l’acquéreur d’un bien, à en transférer à nouveau la propriété à celui dont il l’avait acquis ;
2- Acte portant cession à un tiers d’un droit acquis.
Même si on veut écarter le fait que la S.A.F.E.R. n’effectue pas une véritable « rétrocession » en cas de préemption puisqu’elle revend rarement à l’acquéreur qu’elle a évincé ( !), lors d’une intervention par substitution il ne peut exister de qualification juridique de rétrocession.
Elle n’a en effet jamais été propriétaire contrairement à la préemption qui est un acte translatif de propriété.
De surcroît au moment où elle prend la décision de choisir un « attributaire » elle n’a aucun droit sur le bien au cause……Les promesses qui lui sont consenties prennent des formes diverses -unilatérales le plus souvent avec levée d’option du vendeur ou d’elle-même, synallagmatique- pour pouvoir lui permettre de naviguer à vue selon l’évolution de la situation.
Il n’y a donc pas rétrocession si la S.A.F.E.R. n’a pas acquis le bien préalablement.
On imagine que c’est en se référant à la notion de « cession à un tiers d’un droit acquis » que les S.A.F.E.R. se sont mises il y a quelques années à faire signer par le vendeur une promesse de vente qu’elles-mêmes n’accepteront que le jour où elles « rétrocèderont ». Elles tentent de jouer sur cette ambiguïté, peut-on supposer.
§ 2- La différence, et donc le point de bascule, se situe entre rétrocession et attribution.
Ces termes sont du reste alternativement utilisés dans les appels à candidature et par toutes les juridictions jusqu’en Cour de Cassation, souvent sur une même affaire. Tant le droit est confus, et tant les S.A.F.E.R. en profitent. Il semble que le problème n’ait jamais été posé.
Cette ambiguïté sert le débat dans ce qu’il a de moins constructif : ainsi le même cabinet d’avocat (Mandeville - Drouot Avocats) soutient :
* en Gironde, qu’il n’y a aucun moyen de contester une décision de la S.A.F.E.R. qui intervient dans le cadre d’un mandat amiable.
* dans le Loir et Cher, dans une opération juridiquement similaire, qu’il contestera la décision d’attribution par la S.A.F.E.R. et « ira jusqu’au bout ».
Chapitre 2. Illégalité des « substitutions » : nullité d’ordre public.
Encore plus gravement, les interventions des S.A.F.E.R. par substitution sont totalement illégales.
En effet, à peine de nullité la substitution doit être gratuite……ce qui implique l’illégalité totale de toutes les rémunérations prises par les S.A.F.E.R. sur les substitutions et l’illégalité de leur intervention elle-même.
Article 52 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 :
« Est frappée d'une nullité d'ordre public toute cession à titre onéreux des droits conférés par une promesse de vente portant sur un immeuble lorsque cette cession est consentie par un professionnel de l'immobilier. »
A défaut, il s’agirait d’une cession de créance et cette même S.A.F.E.R. ne détient aucune créance ni sur le vendeur ni sur l’acquéreur final. Et en cas de « substitution », les formalités exigées des cessions de créance (Article 1690 du Code Civil) ne sont du reste pas requises.
En résumé les S.A.F.E.R., en pratique et pour plus de 90 % de leurs opérations, interviennent dans le cadre pénal de l’abus de confiance tel qu’il est prévu et réprimé par les articles L. 314-1 à L. 314-4 du Code Pénal.
Chapitre 3. Les S.A.F.E.R. n’existent que par le droit de préemption et la vente d’exonérations fiscales. En d’autres termes « la carotte et le bâton ».
§ 1- Objectifs.
Les S.A.F.E.R. ont été créées avec un objectif d’intérêt public par la Loi d’Orientation Agricole du 5 août 1960, notamment : « Des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, au capital social desquelles toutes les collectivités publiques peuvent participer, peuvent être constituées en vue d'acquérir des terres ou des exploitations agricoles ou forestières librement mises en vente par leurs propriétaires, ainsi que des terres incultes, destinées à être rétrocédées après aménagement éventuel.
Elles ont pour but, notamment, d'accroître la superficie de certaines exploitations agricoles ou forestières, de faciliter la mise en culture du sol et l'installation ou le maintien d'agriculteurs à la terre et de réaliser des améliorations parcellaires. »
Et, « Toutes les acquisitions effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural et celles de leurs cessions qui, ayant pour objet le maintien, la création ou l'agrandissement d'exploitations agricoles, sont assorties d'un engagement de l'acquéreur pris pour lui et ses ayants cause de conserver la destination des immeubles acquis pendant un délai de dix ans à compter du transfert de propriété, sont exonérées des droits de timbre et d'enregistrement et des taxes sur le chiffre d'affaires. …/…
Lorsque l'engagement prévu au premier alinéa n'est pas respecté, l'acquéreur ou ses ayants cause est tenu d'acquitter, à première réquisition, les droits et taxes dont l'acte d'acquisition avait été exonéré et, en outre, un droit supplémentaire de 6 p. 100. »
Dans les cas visés, il n’y a ni acquisition ni cession.
Seulement une intervention en qualité d’agent immobilier ou de cessionnaire d’une promesse dans les conditions classiques du Code Civil.
Plusieurs lois et décrets plus tard, c’est devenu -à partir de Noël 2021 : « 1° Elles œuvrent prioritairement à la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers. Leurs interventions visent à favoriser l'installation, le maintien et la consolidation d'exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles ainsi que l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations. Ces interventions concourent à la diversité des systèmes de production, notamment ceux permettant de combiner les performances économique, sociale et environnementale et ceux relevant de l'agriculture biologique au sens de l'article L. 641-13 ;
« 2° Elles concourent à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique ;
Et, « III.-1° Le choix de l'attributaire se fait au regard des missions mentionnées au I. L'attributaire peut être tenu au respect d'un cahier des charges.
En cas de substitution, le cahier des charges mentionné à l'alinéa précédent comporte l'engagement du maintien pendant un délai minimal de dix ans de l'usage agricole ou forestier des biens attribués et soumet, pendant ce même délai, toute opération de cession à titre onéreux en propriété ou en jouissance du bien attribué à l'accord préalable de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural. En cas de non-respect de ces engagements pris dans le cadre d'un cahier des charges, l'attributaire est tenu de délaisser le bien, si la société d'aménagement foncier et d'établissement rural le demande, au prix fixé par le cahier des charges ou, à défaut, par le juge de l'expropriation ; »
Aucune modalité juridique ou judiciaire n’est prévue pour le respect de cet engagement ! Et on n’a du reste jamais vu une telle clause s’appliquer…..
§ 2- Les textes
Une « attribution » dans le cadre d’une substitution n’est pas une « acquisition à l’amiable » puisque la S.A.F.E.R. ne devient jamais propriétaire.
Contrairement bien sûr à la procédure de préemption puisque la déclaration de préemption opère un transfert de propriété, que l’acte authentique subséquent soit passé ou non.
Selon le Code Rural,
Le droit de préemption transfère dès notification la propriété à la S.A.F.E.R. Il s’agit donc d’une vente « forcée » comme pour tous les droits de préemption.
Il est encadré par des dispositions légales et son contentieux est organisé. (Articles L.143-1 et suivants du Code Rural).
Quelle que soit l’opposition de principe que l’on puisse avoir à l’exercice d’un droit de préemption accordé aux S.A.F.E.R. -seul exemple mondial à ce qu’il semble du détournement d’une prérogative de puissance publique en faveur d’une structure privée capitalistique- il reste qu’il est encadré par un contrôle légal et juridictionnel.
Ce n’est pas le cas pour les substitutions, et encore moins naturellement pour les hypothèses -nombreuses- où les S.A.F.E.R. agissent comme de simples agents immobiliers, avec beaucoup moins de compétence que ces derniers, il convient de de le souligner. Et occasionnant la plupart du temps une pagaille ingérable dans des affaires qui se seraient déroulées paisiblement si elles ne s’en étaient pas mêlées.
Si l’avis du Commissaire de Gouvernement est prévu en cas de substitution, (Article R.141-11 du Code Rural) son défaut n’est assorti d’aucune sanction.
Article L.143-14 du Code Rural : « Sont également irrecevables les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural ainsi que les décisions de préemption s’il s’agit de la mise en cause du respect des objectifs définis à l’article L.143-2 intentées au-delà d’un délai de six mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été rendues publiques. »
Article R. 142-4 du Code Rural (Décret du 10 juillet 2000) : « Lorsque la société d’aménagement foncier et d’établissement rural a attribué un bien acquis à l’amiable, elle est tenue de faire procéder, au plus tard dans le mois suivant la signature de l’acte authentique, à l’affichage, pendant un délai de quinze jours, à la mairie de la commune de la situation de ce bien, d’un avis comportant la désignation sommaire du bien avec notamment la superficie totale, le nom de la commune, celui du lieu-dit ou la référence cadastrale, le nom et la qualité du cessionnaire ainsi que les conditions financières de l’opération.
« Dans le délai d’un mois à compter du premier jour de cet affichage, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural informe les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix.
« Lorsque le choix est motivé par un refus d’approbation du projet d’attribution mentionné à l’article R.141-11, elle adresse au candidat concerné copie du refus motivé du commissaire de gouvernement.
« L’affichage en mairie fait courir le délai de recours prévu à l’article L.143-14. »
Le problème est que cet article L.143-14 du Code Rural, cité plus haut, ne s’applique absolument pas aux opérations amiables.
Et l’acte notarié qui suivra ne peut pas être remis en cause par un tiers à l’acte.
Selon le Code Civil,
A défaut de dispositions dans le Code Rural, il convient de s’en remettre au Code Civil.
Il s’agit de ventes « volontaires ». ll convient donc de revoir les conditions de recevabilité et les conditions de fond des actions en annulation : vice du consentement (ou dol, manœuvres frauduleuses), vice caché, non-respect de l'obligation de délivrance, lésion.
Toutes les conditions d’annulation d’une vente en droit civil sont donc inexistantes.
§ 3 - Applications.
Le recours n’est donc en fait ouvert que contre les préemptions et rétrocessions mais pas contre les substitutions ni de manière générale les « intermédiations amiables ».
Pourquoi les juridictions, et particulièrement la Cour de Cassation, n’appliquent-elles pas cette analyse ?
On ne peut douter ni de leur compétence ni de leur accès à toute la documentation nécessaire, en particulier pour la Cour de Cassation.
Pourtant elles valident bien les recours contre les décisions « d’attribution » en les qualifiant de « rétrocession ». Sans doute car si elles en restent à la qualification d’attribution qui est bien employée par la S.A.F.E.R., aucun recours n’est recevable.
Il en résulte qu’une S.A.F.E.R. possiblement concernée par cette opération « attribution-rétrocession » se moque bien clairement des décisions de justice.
On en trouve un exemple particulièrement éclairant avec le comportement de la S.A.F.E.R. de Normandie dans un dossier Levionnois.
1°- La Cour de Cassation retient :
« ….la S.A.F.E.R. a informé Monsieur Levionnois qu‘elle n’avait pas retenu sa candidature à la rétrocession des parcelles…..et qu’elle les avait attribuées…
« …le bénéficiaire de la rétrocession… »
« Qu’en statuant ainsi alors que la décision de rétrocession… »
(Arrêt Cour de Cassation 3ème du 28 mars 2019 n°17-27.183, pièce jointe n°5)
2°- Sur renvoi, la Cour d’Appel de Rouen :
« L’acte authentique de cession reçu le 31 janvier 2012 par Maître Sylvie Germain, notaire à Granville, a été régularisé directement entre les vendeurs, Madame Quichaud divorcée Mazeaud et Monsieur Mazeaud, et les époux Lefranc, par substitution à la S.A.F.E.R. titulaire de la promesse de vente ci-dessus évoquée.
« La décision de rétrocession a été notifiée à Monsieur Levionnois par lettre du 13 février 2012 conformément aux dispositions de l’article R.142-4 du Code Rural, en lui précisant la motivation de cette décision.
« L’affichage de la décision de rétrocession… »
…/…
« Par ces Motifs :
…/….
« Prononce la nullité de la décision de rétrocession du 29 novembre 2011…..attribuées aux époux Lefranc par la S.A.F.E.R. de Normandie. »
(1ère Chambre C.A. Rouen, 15 janvier 2020, pièce jointe n°6)
On y constate au passage un amalgame entre rétrocession et attribution. Plus exactement les juridictions comme certaines S.A.F.E.R. semblent indiquer que celles-ci « attribuent par rétrocession », l’attribution serait pour elle le choix effectué et la rétrocession l’acte juridique.
C’est confus, pour le moins, et pas de nature à éclairer les conditions d’exercice par les S.A.F.E.R. de leurs pouvoirs exorbitants et l’information des parties concernées.
Et la S.A.F.E.R. de Normandie se flatte de s’en moquer en reprochant en plus (!) au candidat évincé d’avoir obtenu l’annulation d’une décision d’attribution mais de ne pas avoir demandé l’annulation de la vente qui a suivi :
« Vous évoquez …..la décision de la Cour d’Appel de Rouen en date du 15/01/2020.
« S’il est vrai que celle-ci annule la décision de rétrocession S.A.F.E.R. au profit de Monsieur et Madame Lefranc, elle ne va cependant pas conduire à la remise en vente des terres par la S.A.F.E.R.
« En effet, Monsieur Levionnois a été informé de longue date de l’attribution au profit de Monsieur et Madame Lefranc et pour des raisons qui lui appartiennent n’a pas assigné ces derniers dans le cadre des procédures contentieuses.
« En outre, il n’a pas non plus, via ses conseils, demandé la nullité des actes subséquents à la décision de rétrocession S.A.F.E.R. à savoir l’acte authentique régularisé (titre de propriété). »
On assiste là encore à un amalgame rétrocession/attribution.
(Lettre du Directeur de la S.A.F.E.R. de Normandie à Monsieur Stéphane Travert du 05 mars 2020, pièce jointe n°7)
Or, il n’avait aucun moyen de le faire. En effet l’annulation de la décision d’attribution n’a pour résultat que de mettre la situation dans celle d’un défaut de pouvoir du vendeur : or, l’acquéreur évincé est irrecevable à soulever le défaut de pouvoir du vendeur.
(Arrêt Cour de Cassation 3ème du 28 mars 2019 n°17-27.183 parmi de nombreuses autres, pièce jointe n°8)
La S.A.F.E.R. retoquée se moque donc éperdument des décisions de justice dans ce cas…
De toute façon, un tel recours est marqué du sceau de l’inutilité puisque personne ne peut obliger la S.A.F.E.R. si « l’attribution-rétrocession » est annulée à choisir ensuite le requérant qui a gagné la procédure….
La situation est d’autant plus périlleuse que les S.A.F.E.R. considèrent maintenant, au terme d’un dérapage progressif et patient cautionné par les pouvoirs publics, que tout le foncier rural doit passer par elles.
Dès le rapport d’orientation de la FNSafer pour son congrès 2006 intitulé « Nouveaux acquéreurs de l’espace rural, Nouvelles politiques territoriales : Les Safer accompagnent les évolutions du territoire agricole et rural », les S.A.F.E.R. affichent leurs prétentions : ne plus se limiter à l’objectif de leur création, soit contrôler et sécuriser l’accès au foncier des agriculteurs, mais gérer l’intégralité de l’espace rural, agricole ou non.
Le grignotage s’est fait comme le relate le même rapport : « D’opérateurs exclusivement agricoles, elles sont devenues progressivement des acteurs reconnus du développement local.
« Ces évolutions se sont naturellement accompagnées d’un élargissement des conseils d’administration des S.A.F.E.R. aux collectivités territoriales, régions et départements qui occupent désormais le tiers des sièges. »
Et, « L’intervention de la S.A.F.E.R. n’est donc pas liée aux bénéficiaires des opérations mais aux projets locaux que ceux-ci souhaitent développer et à la concordance de ces projets avec les orientations d’aménagement et de développement local clairement définis. »
Cette aspiration fait bon marché des intérêts des agriculteurs.
Ce glissement progressif nécessitait, de l’avis même de la FNSafer, une grande prudence car « la nouveauté du fondement de ces actions, qui s’éloigne du champ agricole, introduit un risque non négligeable de contestation devant les tribunaux et un risque de réaction négative chez certains agriculteurs. »
C’est la FNSafer qui le dit dès 2006 !
Il est intéressant que les Sénateurs dès leur rapport n°316 du 24 juillet 1962.
« Observations de la Commission.
« Instituées par l'article 15 de la loi d'orientation agricole du 5 août 1950, les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (S.A.F.E.R.) interviennent sur le marché foncier en l'état actuel de la législation, comme des acquéreurs ordinaires.
« Le Gouvernement a estimé qu'elles ne seraient en mesure de remplir pleinement leur rôle, qui est de créer de nouvelles exploitations équilibrées et d'agrandir les exploitations existantes non viables, que si elles disposaient d'un droit de préemption sur les terres mises en vente dans leur zone d'action.
« L'Assemblée Nationale a sensiblement modifié cet article, en particulier en étendant le nombre des cas dans lesquels le droit de préemption ne pourra jouer.
« Le texte finalement adopté résulte d'un amendement déposé par le Gouvernement à la suite d'une discussion assez confuse, et tend à réaliser un compromis entre les différentes thèses en présence.
« Votre Commission a approuvé les idées essentielles du texte adopté par l'Assemblée Nationale, idées qui se retrouvent déjà dans le texte proposé par la Commission spéciale :
1° Limitation du droit de préemption aux secteurs où la structure foncière justifie l'intervention des S.A.F.E.R. afin d'éviter que ne s'instaure au profit de celles-ci un véritable monopole de transactions;
Abandonner toute la gestion de l’espace rural au syndicalisme agricole dit « majoritaire » aurait mérité à tout le moins un débat.
Chapitre 4. Détournement de fonds.
Les substitutions, non seulement en pratique totalement libres mais illégales, bénéficient de l’exonération fiscale prévue à toutes opérations effectuées par les S.A.F.E.R.
On lit dans les deux textes cités plus haut que les exonérations fiscales sont conditionnées au respect d’un « cahier des charges » prévu à l’acte de rétrocession. Et pourtant dans le texte de 1960, il n’existait pas encore de « substitution » on y lit :
« Toutes les acquisitions effectuées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural et celles de leurs cessions, ayant pour objet le maintien, la création ou l'agrandissement d'exploitations agricoles, sont assorties d'un engagement de l'acquéreur pris pour lui et ses ayants cause de conserver la destination des immeubles acquis pendant un délai de dix ans à compter du transfert de propriété, sont exonérées des droits de timbre et d'enregistrement et des taxes sur le chiffre d'affaires… »
Mais dans le texte actuellement en vigueur, subrepticement :
« L'attributaire peut être tenu au respect d'un cahier des charges.
En cas de substitution, le cahier des charges mentionné à l'alinéa précédent comporte l'engagement du maintien pendant un délai minimal de dix ans de l'usage agricole….. »
Il n’est plus mentionné ni le respect d’objectifs ni le versement de droits assortis de pénalités contrairement à 1960.
Les deux cas de figure se confondent et se mélangent le plus souvent, dans des opérations obscures où on ne sait plus qui fait quoi et qui ne peuvent naturellement qu’engendrer mécomptes et litiges.
Or, on rappelle que 95 % des opérations réalisées dans ces conditions par les S.A.F.E.R. leur permettent de détourner des fonds publics à hauteur de plus de 5 % des montants sur lesquels portent les opérations.
Ce détournement de fonds publics au bénéfice d’intérêts privés est leur principal argument commercial pour s’immiscer dans des opérations où elles n’ont absolument rien à faire.
Fait à Compiègne, le 18 mars 2023
Sylviane Jaccoux d’Eyssautier, présidente d’AgriPatrimoine