n connaissait la cave à vin, voici la lave à vin : celle revendiquée par le label international "Origine volcanique" (ou "Volcanic Origin") dont les premiers certifiés vont être dévoilés par l’association auvergnate Vinora lors de son premier forum sur les terroirs volcaniques, ce mardi 24 juin au parc Vulcania (à Saint-Ours-les-Roches, Puy-de-Dôme). Cette première certification de vins « atteste officiellement l’influence volcanique de leurs terroirs » indiquent les fondateurs de cette « garantie d’origine pour les consommateurs et les professionnels après quatre années d'études scientifiques, de dégustations comparatives, de concertations professionnelles et de mises au point techniques ». Le tout chapeauté par un comité scientifique et ouvert aux vignobles volcaniques du monde entier.
Lancée en 2019 à Clermont-Ferrand par des vignerons de l’appellation Côtes d’Auvergne, la démarche de Vinora veut tout simplement « démontrer et valoriser la typicité des influences volcaniques à travers une approche rigoureuse et scientifique » qui ait valeur de certification et ne puisse être taxé de coup de communication. « On a voulu étayer scientifiquement ce que l’on racontait, que ce soit fondé sérieusement : ce n’est pas du vent » explique Jean-Baptiste Deroche, le président de Vinora (36 adhérents de France, d'Italie, Grèce...). Le vigneron auvergnat reconnait que le terme "volcanique" a tendance à être galvaudé dans le monde des vins et spiritueux.


« On a été surpris par l'utilisation du mot volcanique et son ambiguité dans le nom de la Loire Volcanique » reconnaît Jean-Baptiste Deroche (voir encadré), « en faisant notre premier salon international des vins volcaniques en 2020, on a trouvé notre famille. » Avec l’établissement d’une généalogie géologique évitant toutes pièces rapportées : la famille "Volcanic Origin" est ouverte sur le monde, mais fermée aux domaines et cuvées qui ne sont pas 100 % volcaniques. Représentant 1 à 2 % du vignoble mondial, ces terroirs sont français (Alsace, Auvergne, Beaujolais, Languedoc-Roussillon, Loire, Provence et la Réunion), mais aussi américains (Californie et Oregon), allemands (Kaiserstuhl), autrichiens (Vulkanland Steiermark), arméniens (mont Ararat), chiliens (cordillère des Andes), espagnols (Canaries, Castilla la Mancha et Majorque), grecs (Santorin)…
Géologique de différenciation
Sous toutes les latitudes, le terme volcanique « permet une mise en lumière pour devenir un vignoble exotique » pose Pierre Desprat, le vice-président de Vinora, ayant fondé l'association. Un vin volcanique « présente un intérêt pour le consommateur, c’est à part. Ce n’est pas forcément meilleur, ni moins cher, mais c’est à part » plaide le négociant auvergnat. D’où le dépôt de la marque "Volcanic Origin" dès mai 2023, la mise en place d’un cahier des charges en 2024 et de premiers labélisés en 2025. Certificat d’origine fonctionnant par domaine se trouvant obligatoirement sur des terroirs volcaniques (« riches en basalte, pouzzolane, pépérites, pierre ponce, trachyte, andésite... sur les pentes ou au pied d’un volcan, sur ses projections ou formations érosives ») et par cuvée (issue de parcelles à 100 % volcanique), le label assure aussi une typicité rapporte Jean-Baptiste Deroche : « nos études comparatives permettent de trouver des dénominateurs communs. En France, que l’on soit en Alsace, en Côtes-du-Forez, en Ardèche, en Auvergne ou à Pézenas, les vins blancs sont sur la minéralité (salinité, fraîcheur, goût de caillou…) et les vins rouges sont plus fumés ».
En pratique, l’adhésion à Vinora coûte 300 € par domaine (prenant en charge le contrôle par le bureau Veritas pour vérifier la traçabilité entre parcelles et raisins) à laquelle s’ajoute une cotisation forfaitaire par bouteille labellisée (5 cts/col jusqu’à 20 000 bouteilles, 3 cts au-delà). Pour éviter des adhésions opportunistes, les domaines candidats doivent voir leurs terroirs validés scientifiquement et géologiquement comme étant d’origine volcanique par un comité dédié. Le cahier des charges stipule « zéro intrant géologique ou volcanique ajouté au sol ou en cave ». Car lors de salons de Vinora, des fournisseurs ont proposé des morceaux pouzzolane et de basalte pour vinifier « de manière volcanique » et des vignerons ont partagé le projet d’ajouter des pierres volcaniques sur des parcelles. « Nous serons vigilants à ce qu’aucune personne ayant modifié la structure de ses sols ne puisse adhérer » indique Jean-Baptiste Deroche.


Ancrée en AOC Côtes d’Auvergne, la certification de Vinora mise sur la fédération de vignobles volcaniques dans le monde pour assoir l’identité de ces vignobles d’altitude en plein développement. « Tous les vignobles avec lesquels nous échangeons nous poussent et nous nourrissent : il faut y aller ensemble » ressent Pierre Desprat, pour qui « on n’est pas là pour rivaliser : l’union fait la force, surtout dans des périodes où le vin est malmené. Aujourd’hui, nous avons une vraie chance d’avoir des terroirs volcaniques, mais il ne faut surtout pas s’imaginer que l’on peut s’endormir et que c’est gagné. Il faut prouver leur qualité et ne pas cesser de s’améliorer. C’est une spécificité que l’on va cultiver. » Et désormais labéliser.
Président de l’association Loire Volcanique, le vigneron Stéphane Sérol (Côte Roannaise, Loire) le pose d’emblée : son association (fondée en 2019) et Vinora (créée en 2019) n’ont pas du tout le même objectif. « Vinora a construit un label volcanique et travaille sur les vins issus de sols volcaniques. Ce n’est pas du tout ce que nous faisons. Nous assurons la promotion des vignobles entre Loire et volcans, ceux au début de la Loire » explique Stéphane Sérol. Pour promouvoir et situer les vignobles des Côtes-du-Forez, de la Côte Roannaise, de Saint-Pourçain et des Côtes d’Auvergne, l’association positionne géographiquement son offre dans le bassin des vins de Loire. En témoignent l’accroche « ici commence la Loire » et le terme de Loire Volcanique : le tout voulant se positionner comme une sous-région des vins de Loire, au même titre que l’Anjou ou le pays nantais.
Entre les deux démarches, « on vise autre chose » opine Jean-Baptiste Deroche, indiquant que Vinora cible une labellisation et l’international pour « proposer un lien entre le terroir et le gustatif ». Il ne faut pas que l’usage du terme volcanique devienne la foire du temple pose Pierre Desprat, pour qui « volcanique est un mot magique qui résonne dans l’esprit du consommateur. Il faut faire attention entre raconter son histoire géologique et des histoires pour arranger à sa sauce des territoires ou l’on aurait trouvé un morceau de pouzzolane. »
Avec 50 adhérents, l’association Loire Volcanique représente aujourd’hui 380 hectares de vignes pour une production annuelle de 15 000 hectolitres.
Photo : Vinora.