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-28 % Ausone, -24 % Haut-Brion… Grands crus soldés dans l’indifférence du marché
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Bordeaux en primeur
-28 % Ausone, -24 % Haut-Brion… Grands crus soldés dans l’indifférence du marché

Difficile, la campagne de commercialisation des primeurs 2024 des vins de Bordeaux rappelle que pour bien vendre une belle bouteille, même avec une grande étiquette, il ne suffit pas de sortir un prix en baisse, il faut encore trouver un acheteur intéressé en face.
Par Alexandre Abellan Le 27 mai 2025
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-28 % Ausone, -24 % Haut-Brion… Grands crus soldés dans l’indifférence du marché
Malgré une offre tentant d’attirer par son rapport qualité-prix, les primeurs bordelais se heurtent ce printemps à l’aversion au risque de ses clients, à cause des incertitudes économiques mondiales et des stocks persistants. - crédit photo : Adobe Stock (Redzen)
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émarques même pas remarquées. Les semaines passent et se ressemblent dans cette campagne des primeurs 2024 : la place de Bordeaux casse les prix, mais pas l’apathie de ses acheteurs. Les baisses de prix notables se succèdent, tels les châteaux Palmer à -32 % en un an (162 € pour le millésime 2024 ex-négoce), Ausone à -28 % (à 312 €/flacon), Haut-Brion -24 % (à 240 €/col), Figeac à -26 % (96 €/bouteille) ou Cos d’Estournel à -29 % (84 €/col). Toujours avec l’objectif d’offrir des flacons à venir plus accessible que ceux livrables sur le marché. Mais ce dernier reste atone : « il ne suffit pas de baisser les prix pour vendre plus. Il n’y a plus qu’une trentaine d’étiquettes qui fonctionnent, et moins bien que l’an dernier » tranche avec fatalisme un intime de l’aristocratie du bouchon.

« Le joujou est cassé, personne ne presse pour acheter » lance un autre connaisseur du commerce bordelais, qui reproche une baisse trop faible et trop tardive : « même à 25 % moins cher que le 2023 et 50 % moins cher que le 2022, ça ne change pas le problème : 2024 reste beaucoup trop cher par rapport aux volumes disponibles sur le marché physique, avec de meilleures qualités et des prix qui vont continuer de baisser. Il faut être plus compétitif mais combien de propriétés le peuvent encore après avoir autant augmenté leurs investissements et coûts de production ? »

Les gens sont préoccupés par d’autres choses

Cadencée, la campagne des primeurs 2024 aura suivi un rythme assez lissé et il ne reste plus beaucoup de grands crus devant annoncer leurs prix (le dernier premier cru classé à sortie étant château Margaux, attendu début juin). Si l’impression de retrait du marché domine, on trouve certaines réussites, comme les châteaux les Carmes Haut-Brion (61 €, -21 %) et Mouton Rothschild (252 €, -23 %) rapporte l’agence Wine Lister. Qui se fait écho d’un marché mitigé dans l’ensemble. Ainsi, un négociant britannique estime que « les gens semblent tout simplement ne pas être intéressés, malgré la baisse des prix », tandis qu’un important négociant hongkongais juge que « les gens sont préoccupés par d’autres choses que Bordeaux en primeur » et qu’un expert britannique confirme : « le manque de rareté pour la plupart de ces sorties n’a pas aidé à susciter la demande, malgré des prix attractifs et des volumes réduits par endroits ».

« On est sur marché plus étroit qu’on ne l’imaginait malgré des baisses de prix substantielles ou importantes » constate Cédric Roureau, le président du Syndicat des Courtiers de Vins et Spiritueux de Bordeaux, de la Gironde et du Sud-Ouest. Précisant que « personne ne s’imaginait que ce serait l’euphorie avec une campagne aux volumes importants », cet expert du marché des grands crus pointe que les qualités du millésime 2024 (accessible gustativement et économiquement) se heurtent aux réalités d’un monde anxiogène (où les crises géopolitiques se succèdent) alors que les difficultés de financement empêchent les opérateurs de se projeter (nul opérateur ne voulant ni ne pouvant stocker : qu’il s’agisse des négociants, des distributeurs, des détaillants…).

Bordeaux essaie de se réadapter

Loin d’être finie, avec des sorties importantes à venir, cette campagne des primeurs 2024 va prendre du temps estime Cédric Roureau, qui veut garder espoir : « les prix sont très étudiés. Bordeaux essaie de se réadapter avec une offre que l’on espère pertinente. Mais il faut des gens en face alors que nous sommes très tributaires d’une ambiance qui nous dépasse. » La marche du monde étant non seulement ardue à suivre, mais aussi impossible à anticiper, comme en témoignent les annonces successives du président Donald Trump sur les droits douaniers américains (passant de 200 à 20 %, puis 10 et bientôt 50 % ?).

Effet domino

Sachant qu’au-delà des incertitudes sur l’accès douanier au marché américain (également perturbé par la faiblesse du dollar), « l’effet Trump, c’est une réaction en chaîne généralisée sur le commerce international » note une négociant bordelais : « l’impact se fait également ressentir sur le reste de la demande internationale, car les autres pays sont eux aussi confrontés à de fortes interrogations quant à leur capacité à commercer avec les États-Unis. Cela risque de réduire les profits générés par les entrepreneurs du monde entier, et limite indirectement l’envie d’acheter du vin, d’autant plus des primeurs d’un millésime non exceptionnel. »

Tensions de trésorerie

La campagne des primeurs est-elle tombée au mauvais moment, en pleines négociations commerciales sur les taxes Trump captant toutes les attentions, et craintes ? « Dans un contexte où il y a un manque de visibilité extraordinaire, c’est difficile de se positionner sur un millésime de qualité plus moyenne » poursuit ce négociant, qui note que faute d’achat des distributeurs et clients finaux, « il sera difficile pour les négociants, déjà en proie à des tensions de trésorerie, d’acheter l’ensemble des crus. Donc il y aura des choix. Les quelques opérateurs internationaux qui achètent se concentreront et feront eux aussi des choix. Il en résultera une polarisation sur les incontournables et qu’un grand nombre de vins ne trouveront pas preneur. Et la propriété devra les financer elle-même. »

Ce qui fragilisera les grands crus, gagnant beaucoup dans les périodes fastes, et perdant énormément les années de vaches maigres, surtout après des années d’investissements techniques. Connaissant désormais les déséquilibres entre offre (croissante par la premiumisation) et la demande (affectée par la déconsommation et les incertitudes), les propriétés classées affrontent des temps incertains. Alors que certains châteaux « subissent la pression de vendre leurs surstocks pour faire tourner les entreprises, il va donc y avoir une reconfiguration profonde de l’offre comme de la commercialisation ces prochaines années » prédit ce négociant.

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Tous les commentaires (4)
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Jerome Le 29 mai 2025 à 08:12:44
Vague de procédures de sauvegarde à prévoir. Étant fournisseur de certains grands crus, j'ai déjà des difficultés à me faire payer.
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DARIUS Le 28 mai 2025 à 10:43:26
La vieille génération des propriétaires de crus classés avait deux lignes rouges. La première il ne fallait pas que le stock des négociants augmente trop. Dans ce cas ils baissaient le prix primeur des millésimes suivants. La deuxième: il fallait que le négociant et le particulier soient toujours gagnants en achetant en primeur. Et quand ce n'était pas le cas le château compensait en offrant des caisses gratuites aux acheteurs primeur. Cela a encore été pratiqué dans les années 90 avec le millésime 92. Mais la sagesse des vieux a été oubliée par leurs enfants, ce qui place les crus classés dans la situation difficile que l'on connait.
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Chasselas Le 27 mai 2025 à 19:02:53
Certains bordelais ont été trop loin dans leur prix, même les grandes fortunes qui achetaient ces vins sont sur la retenue! Les responsables? les hauts dirigeants des pays qui préfèrent soutenir financièrement des guerres que de gérer et soutenir les intérêts de leurs peuples. Seul moyen de relancer une économie?. C'est la guerre. Malheureusement triste réalité!
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augustin Le 27 mai 2025 à 18:34:57
Étonnant de constater à quel point l omerta imposée depuis longtemps par certains grands crus bordelais perdure encore à ce point.Certains opérateurs viticoles ont vendu trop cher trop de flacons et trop tôt. Aller systématiquement chercher l œuf dans le c. de la poule à ses avantages mais aussi ses inconvénients. Les importateurs cavistes sommeliers ont très longtemps joué le jeu ... jusqu au jour où ils n ont plus ni la trésorerie pour acheter ni les entrepôts pour stocker une bouteille de plus. Toujours dans le vocabulaire de la ferme , on ne fait pas boire un âne qui n a plus soif. Donc il faut donc arrêter d embêter les gallinaces , d insister auprès des équidés et voir les choses en face : cette course folle aux allocations primeurs à certes fait la fortune de quelques domaines prestigieux ...mais à simultanément creuse la tombe du reste de la filière. Le civb va prochainement élire un nouveau président : celui ci sera t il celui du maintien d une certaine omerta spéculative ... ou bien d un revirement vers des vins distributifs ? les paris sont ouverts mais beaucoup, à Bordeaux négoce tout comme à la fgvb déplorent la fragiisation croissante de la trésorerie de leurs adhérents. Et personne n est réellement inquiet pour la survie des domaines qui actuellement se prennent le râteau des primeurs 2024 : les 20 dernières années leur ont permis de mettre un peu de foin de côté ! Leurs petits voisins producteurs par contre ont besoin de l aide de tous , et cela peut venir des courtiers des negociants , des clients amateurs de vins prets a boire et de bon rapport qualité prix . Cela devient urgent mais cela reste encore possible .Bordeaux vin saura t il se réinventer avant la fin 2025 ? La clé de sa cellule ... se trouve sous son oreiller ! :*)
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