16 heures ce lundi 19 mai, tous les yeux se sont braqués sur la Haute-Garonne, l’un des huit départements du Sud-Ouest placés en vigilance orange par Météo France en prévision d’un « épisode pluvio-orageux marqué ». Entre Carbonne et Muret, au sud de Toulouse, des pluies diluviennes et des grêlons atteignant 7 centimètres ont détruit tout ou partie des récoltes de l’année. En plein cœur du couloir, 4 des 8 hectares du domaine La petite odysée à Savignargue ont été complètement vendangés. « Il ne reste plus rien de mes plantiers de bouysselet et de cinsault qui étaient magnifiques et devaient rentrer en production cette année et de ma plus vieille vigne d’abouriou, témoigne le vigneron Antoine Bernardin. Je fais de la traction animale sur ces parcelles, tout ce travail réalisé pour rien c’est rageant, mais je dois me satisfaire de voir que l’autre moitié de mon exploitation n’est "que" hachée et doit pouvoir encore donner quelque chose. »
Habitué aux aléas climatiques après avoir connu 100 % de pertes liées au gel en 2021, 40 % en 2024, et un mildiou qui ne lui a laissé que 30 hectolitres en 2023, Antoine Bernardin est heureux d’avoir anticipé un nouveau mauvais coup du sort en achetant deux ans de stock de raisin de qualité. « Comme je valorise bien mes vins et qu’ils gagnent avec l’âge, je devrais m’en sortir », espère-t-il. Le vigneron a pu réaccéder à ses parcelles dès ce mardi pour les protéger des maladies fongiques et va désormais s’atteler à des réparations matérielles. « Ma voiture est bien endommagée et le toit en fibrociment amianté de mon chai a été perforé de partout, c’est une vraie passoire. J’ai un peu de boulot devant moi. »
Un peu plus tard dans l’après-midi, la grêle a frappé dans le Gers. Des dégâts commencent à être recensés de manière localisée par la Chambre d’Agriculture dans l’IGP Côtes de Gascogne et l’Armagnac vers Eauze et Nogaro. « Il y a également de la casse vers le Houga, à la frontière avec les Landes, et au nord-ouest de Condom », liste la conseillère viticole Amélie Despax. Dans l’Aude, des grêlons de la taille de balle de golf se sont abattus sur le communes d’Alaigne, Donazac, et Loupia, à l’ouest de Limoux. « D’après les premières estimations, c’est du costaud. La vigne est détruite entre 60 et 70 % sur environ 700 hectares. Les feuilles, les rameaux, les grappes, tout est pris, comme l’année dernière à la même époque à Cépie, Pieusse, Pomas, Leuc, St Hilaire, et Verzeille », rapporte Giacomo Pinna, consultant pour l’Institut coopératif du vin (ICV). « Plus petit », un autre couloir a également touché des parcelles du Minervois, vers Trausse, la Livinière, et Siran. Quelques dégâts de grêles sont aussi signalés par le Bulletin de santé du végétal (BSV) du 20 mai dans les hauts coteaux héraultais, sur la commune de Caussiniojouls.
Les vignobles de Fronton et Gaillac ont été épargnés par la grêle, « mais les vents violents ont cassé de jeunes sarments dans certaines parcelles, notamment dans celles qui n’étaient pas encore relevées », indique Christophe Bou, co-président de l'interprofession des vins du Sud-Ouest (IVSO). Les 50 à 180 mm de pluie tombés sur la région Occitanie risquent par ailleurs de faire bondir la pression mildiou. « D’autant que beaucoup de vignerons ne pourront réaccéder à leurs parcelles qu’en fin de semaine. Impossible de resserrer la cadence des traitements alors qu’il doit repleuvoir aujourd’hui. Les années se suivent et se ressemblent », regrette Christophe Bou. « Pour l’instant il n’y a pas de gros gros symptômes malgré la pluviométrie élevée en avril et début mai, mais la situation mildiou et black-rot commence à être tendue et va s’empirer d’ici 15 jours, en particulier pour les bios chez lesquels le cuivre a été lessivé », anticipe Thierry Massol, conseiller viticole à la Chambre d’agriculture du Tarn.
Des grêlons gros comme des balles de golf dans l'Aude.