eurtrières, les pluies orageuses de la matinée du mardi 20 mai sur le département du Var meurtrissent le vignoble de Provence. « Un épisode orageux stationnaire a été très violent vers le golfe de Saint-Tropez et Vidauban. Ce n’est pas généralisé, mais c’est tombé dru et fort, avec 250 mm en quelques heures sur certaines zones » brosse Éric Pastorino, le président de l’Organisme de Défense de Gestion (ODG) de l’AOC Côtes-de-Provence, rapportant que « les nuages n’ont pas bougé, il y a eu un afflux d’eau intense, avec selon les zones et les expositions d’importants ravinements, des débordements de cours d’eau, de la grêle, des parcelles inondées jusqu’au niveau des cordons... »


Très localisé, cet orage est un vrai déluge ravageant les paysages et parcelles. « On voit de tout : de l’érosion, des glissements de terrain, de nouvelles plantations emportées sur le passage de vagues d’eau, des vignes en vin de pays sont submergés jusqu’en haut du piquet. C’est du jamais vu à cette période » témoigne Pascal Étienne, président de la cave coopérative des vignerons de Grimaud (271 adhérents sur 1 000 hectares). Tombant en pleine floraison après un printemps très pluvieux, ces pluies ajoutent à une situation culturale déjà compliquée : « c’est mal barré. On regarde où intervenir et on prie pour que ça sèche le plus rapidement possible. Tout arrive en même temps : la floraison et la pression mildiou que l’on avait déjà » pointe le viticulteur provençal.
230 mm en 1 heure
S’ajoute à ce cocktail mildiou explosif l’impossibilité d’accéder aux vignes avec des chemins défoncés par les pluies. Ayant fait le tour des parcelles en quad, Mohamed Elghoul, le directeur du domaine des Campaux (34 hectares de vignes en bio) constate les importants dégâts causés par 230 mm d’eau tombés en 1 heure : « les chemins sont fracassés, avec des trous d’un mètre, on ne peut par rentrer dans les vignes touchées par la grêle et dont les sols sont totalement détrempés. On veut sauver la vigne pour sauver la récolte. Nous demandons une dérogation à la préfecture pour pouvoir traiter par drone ou hélicoptère les vignes menacées par le mildiou. On veut trouver des solutions rapidement. » Ce besoin d’une autorisation préfectorale pour les traitements phytos aériens est partagé par d’autres vignerons varois ne pouvant rentrer dans leurs parcelles.


Ayant déjà été touché par des inondations en octobre 2024 sur la zone du Cannet-des-Maures, Guillaume de Chevron Villette, à la tête des vignobles Chevron Villette (550 ha de vignes dans le Var), mobilise ses équipes pour redresser les ceps et piquets, nettoyer les parcelles recouvertes de détritus, allant du simple limon jusqu’à des arbres (à tronçonner). « Le problème est le défaut d’entretien des fossés, des rivières et des cours d’eau. Nous n’avons plus le droit de les entretenir, c’est un problème réglementaire très frustrant. On laisse la nature s’ensauvager » déclare le vigneron, rapportant de jeunes vignes arrachées, des glissements de terrain, des ravinements… « Le problème est que ça se répète de plus en plus… Nous n’avons plus que les yeux pour pleurer : personne n’en a rien à faire. Les dégâts sont énormes » pointe Guillaume de Chevron Villette, qui reste vigilant sur la pression mildiou : le risque en embuscade pour la suite de la saison.
En déplacement ce 21 mai dans le Sud-Ouest, auprès de maraîchers touchés par les intempéries à Bioule (Tarn-et-Garonne) et autrec (Tarn), la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, indique en point presse se saisir de l'enjeu du curage des fossés et rivières, annonçant que la prochaine Confèrence de l'eau seront l'occasion de remettre sur la table « la conciliation entre les impératifs agricoles et les impératifs environnementaux. Ce n'est bien sûr pas l'agriculture contre l'environnement. Mais c'est chercher la conciliation entre deux logiques qui ne devraient pas s'affronter. »
Rapportant que différents orages de grêle se succèdent depuis le 5 mai (sur les zones de Vidauban, Taradeau, les Arcs, Draguignan, Néoules, Plan d'Aups, Sainte Maxime...), la Chambre d'Agriculture du Var annonce réactiver sa cellule de crise agricole, avec un recensement des exploitations touchées et la proposition d'un conseil technique d'urgence post-grêle ou post-inondation. De premiers conseils sont disponibles en ligne.
Un aperçu des impressionnants dégâts. Cédric Cosset / Chevron Vilette