irecteur des autorisations de mise sur le marché (AMM) à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), Bertrand Bitaud lance ce 17 avril le webinaire anniversaire de La Vigne et Vitisphere en présentant aux auditeurs les modalités d’autorisations des phytos. En réponse à l’idée reçue que la France a tendance à sur-transposer la législation européenne, il indique qu’elle autorise actuellement 299 substances actives, moins que l’Espagne (325), mais plus que l’Italie (298), le Portugal (286), ou l’Allemagne (282). « Finalement, la France n’est pas si mal lotie en matière de protection des cultures », juge-t-il. En viticulture, 375 produits peuvent être utilisés auxquels s’ajoutent 312 permis pour des produits achetés à l’étranger. « 257 produits sont des produits de biocontrôle, à faible risque, ou utilisables en agriculture biologique », précise le directeur de AMM.
« Attention, ce n’est pas parce qu’en théorie les viticulteurs ont des solutions qu’ils sont tranquilles au quotidien, réplique Tristan des Ordons, conseiller viticole chez Phloème, pour qui le nombre de produits autorisés ne veut pas dire grand chose. D’abord parce qu’un produit homologué n’est pas forcément efficace, ensuite parce que certains sont aussi très difficiles voire quasi impossibles à utiliser, comme quand ils ne peuvent pas être mélangés, qu’ils ne peuvent pas être pulvérisés à des périodes cruciales comme certains fongicides à la floraison, ou qu’ils sont soumis à des distances riverains très importantes », liste-t-il.


Tristan des Ordons rappelle que de nombreuses substances actives ont disparu ces dernières années sans être remplacées par de nouvelles homologations. « Nous ne sommes pas encore face à des impasses techniques mais parfois à des impasses économiques », témoigne-t-il, prenant l’exemple du passage au désherbage mécanique compliqué à mettre en œuvre et très coûteux pour les propriétés déjà en proie aux difficultés financières. Si le folpel a été réhomologué pour 15 ans, Tristan des Ordons déplore la diminution du nombre de solutions peu ou pas classées utilisables contre le mildiou. « Aujourd’hui il n’y a pas d’impasse mais la situation deviendra catastrophique pour les bios comme les conventionnels si le cuivre, qui est soumis à substitution, voit ses doses diminuer ou s’il disparaît. Idem pour le black-rot. Il y aura un vrai risque de voir la viticulture disparaître sur la façade atlantique. » En matière d’insecticides, il craint pour les viticulteurs conventionnels le retrait de l’emactectine, « seule solution efficace et simple à utiliser contre les vers de la grappe », et celui de l’etofenprox, « qui est également soumis à substitution et donc le profil écotoxicologique n’est pas terrible du tout. »
Tristan des Ordons termine en soulignant le risque d’impasse à très court terme pour les viticulteurs souhaitant mettre en œuvre des programmes sans CMR. « Beaucoup des produits qui été utilisés dans ces programmes il y a trois ou quatre ans sont désormais classés, explique-t-il. Or, en ne permettant plus d’utiliser que le cuivre ou des produits unisites, on augmente considérablement le risque de résistances des maladies. »
Vigneron à Rions, dans le bordelais, Olivier Metzinger ne peut qu’aller dans son sens. « En 2023, nous avons perdu plus de 50% de la récolte en n’utilisant pas de CMR pour rester dans les clous de la certification HVE. En 2024, nous avons donc décidé de démarrer la saison de façon plus musclée avec du folpel avant la floraison. » Olivier Metzinger regrette le retrait de molécules comme le métirame ou le mancozèbe. « Il aurait été plus judicieux de les autoriser en début de saison à des doses très faibles pour retarder les contaminations et pourvoir utiliser du cuivre de manière bien plus espacée par la suite », estime-t-il. D’autant qu’aujourd’hui, avec la réduction du reste de la pharmacopée, 4 kg/ha de cuivre ne suffisent pas. « Lors d’années à forte pression il faut le double ! » Pour l’avenir, le vigneron espère un assouplissement des conditions d’utilisation des variétés à fin d’adaptation (VIFA) en appellation d’origine contrôlée et de vraies avancées grâce aux nouvelles techniques génomiques (NGT).