À Bordeaux, dans le cadre des travaux de la chaire Alexis Millardet (fonds ISVV de la Fondation Bordeaux Université), des chercheurs ont mis au point une méthode de quantification de l’ADN du mildiou présent dans le sol. Un outil qui permet d’évaluer le stock d’oospores, ces œufs à l’origine des contaminations primaires au printemps. Les chercheurs s’en sont servis pour étudier la distribution spatiale des oospores dans une parcelle de merlot infestée de mildiou, au domaine de la Grande Ferrade, à Bordeaux.
Et là, surprise : ils ont découvert cinq fois plus d’oospores sous les rangs que dans les interrangs. L’explication de cette distribution tient au mode de conduite des vignes. Au domaine de la Grande Ferrade, les rangs sont travaillés. Dans cette situation, « le travail du sol par buttage favorise l’accumulation des feuilles [dans lesquelles se sont formées les oospores, ndlr] au niveau des rangs », explique François Delmotte, directeur de recherche à l’Inrae, qui coordonne les travaux de la chaire. Le travail du sol par buttage sous le rang favorise-t-il donc les contaminations primaires de mildiou au printemps ? Les chercheurs se posent la question, et réfléchissent à un nouveau protocole visant à tester cette hypothèse. Autre résultat inexpliqué à ce jour : il existe, par endroits, des poches de mildiou.
Les oospores se forment dans les feuilles atteintes de mildiou mosaïque, en octobre et novembre, à la suite de la rencontre de deux individus de type sexuel opposé (P1 ou P2). Peut-on limiter les épidémies de mildiou en réduisant l’inoculum contenu dans les feuilles infectées en fin de saison ? C’est ce que semblent montrer les premiers tests menés par les chercheurs. En 2023 et 2024, à l’automne, ils ont retiré les feuilles des ceps sur une partie d’une parcelle de merlot du domaine de la Grande Ferrade, conduite en bio et peu traitée.
Verdict : ils ont noté nettement moins d’oospores dans le sol là où les feuilles ont été retirées. Cela montre bien que l’on peut réduire la quantité d’inoculum de mildiou dans une parcelle. Surtout en 2024, où une attaque très précoce a eu lieu – dès avril –, les chercheurs ont noté une diminution de 50 % des symptômes sur feuilles et sur grappe là où ils ont retiré des feuilles. « Cela a retardé le début de l’épidémie, de quoi donner assez de répit pour intervenir, précise François Delmotte. De combien de jours ? Cela reste à étudier. »
Quid de l’impact du retrait des feuilles sur les réserves de la vigne ? Tout dépend de la manière dont on procède. « Si on les supprime directement sur les ceps, alors on peut s’attendre à ce qu’il y ait un impact, et des études sont en cours sur ce point », explique le chercheur. Si on les retire une fois tombées au sol, il n’y a pas d’impact sur la mise en réserve mais une perte de matière organique, qui peut ensuite être compensée.
Si les résultats se confirment, il restera à voir comment mécaniser le retrait. C’est d’ailleurs l’un des enjeux du programme Savoir, financé dans le cadre du plan Parsada. Car pour démontrer le concept, les chercheurs utilisent un souffleur-aspirateur afin de retirer les feuilles, ce qui n’est pas envisageable à grande échelle.
À Bordeaux toujours, dans le cadre du projet Vitae (financement France 2030), Corinne Vacher, directrice de recherche à l’Inrae, travaille sur le microbiote. Son équipe a ainsi caractérisé l’ensemble des communautés fongiques et bactériennes présentes dans le sol et sur le feuillage, dans des paires de parcelles – l’une sensible au mildiou et l’autre moins.
Dans les parcelles moins sensibles à la maladie, les levures basidiomycètes se sont avérées plus nombreuses à la surface des feuilles en début de saison. Et certaines bactéries du genre Arthrobacer et Bacillus étaient notablement plus abondantes dans les sols. Certaines d’entre elles seraient-elles antagonistes du mildiou ? Les recherches se poursuivent, dans l’espoir d’isoler des agents et de développer des biosolutions.
De l’autre côté des Alpes, des chercheurs italiens de la fondation Edmund Mach, près de Trente, et de l’université de Milan travaillent au développement de biopesticides à base de peptides dérivés de Trichoderma, une famille de champignons. Les premiers tests au champ sont prometteurs. Une autre équipe de chercheurs de l’université de Milan travaille sur des biopesticides à base d’ARN interférents qui désactiverait un gène de la vigne responsable de la sensibilité au mildiou. On le voit, les pistes de recherche ne manquent pas !
Ne parlez plus de variétés résistantes au mildiou, mais de variétés tolérantes. L’an passé, dans le Gard, quelques parcelles plantées d’artaban et de cabernet volos ont subi de grosses pertes de récolte due au mildiou, dans un contexte de pression exceptionnelle de la maladie. Que s’est-il passé ? Le verdict est tombé : ces attaques sont bien liées au contournement de plusieurs gènes de résistance – les gènes Rpv1 et Rpv 3.1 chez l’artaban, et le gène Rpv12 chez le cabernet volos. « Mais la fréquence des souches qui ont contourné la résistance est très faible, affirme Laurent Delière, ingénieur de recherche à l’Inrae de Bordeaux, qui anime l’observatoire national du déploiement des cépages résistants (Oscar). Le phénomène reste cantonné à quelques parcelles et ne s’est pas propagé. » Cela appuie toutefois la nécessité de protéger les cépages résistants en maîtrisant la prophylaxie, et en réalisant deux voire trois traitements selon la pression. De plus, insiste Laurent Delière, « dans les quelques parcelles où des souches de mildiou ont contourné la résistance, il faut traiter comme si elles étaient plantées avec des cépages sensibles ». L’objectif étant d’éradiquer ces quelques souches problématiques avant que le mildiou ne se propage.