odel a développé le Viti-tunnel, une couverture amovible qui se déploie au-dessus des vignes en cas de pluie. Protégée des averses, celles-ci sont donc à l’abri du mildiou qui a besoin d’eau pour se développer. Est-ce suffisant pour réduire la pression et les traitements ?
Le château Montrose (grand cru classé en 1855 à Saint-Estèphe) en quête de solutions pour réduire l’usage du cuivre a tout de suite été séduit par le concept. Dès 2019, il a testé le prototype sur trois rangs de merlot, un cépage très sensible au mildiou. Il a pu en mesurer les bienfaits dès la première année, 2018 ayant été marqué par une très forte pression du parasite.
« Dans notre témoin non traité, 95 % des feuilles et des grappes ont été détruites. Et sous le Vititunnel, rien. En 2021, même chose. 100 % de feuilles détruites et 20 % de dégâts sur grappes sur le TNT mais aucun symptôme sous le Vititunnel. En 2023, nous n’avons pas non plus de dégâts alors qu’on a eu 47 % de pertes de récolte sur le reste du domaine. Le seul inconvénient du Vititunnel, est qu’il est en plastique, donc pas très esthétique. On n’aime pas trop dans nos terroirs », note Vincent Decup, le directeur technique.
Il n’empêche en 2024, le château étend le dispositif et couvre 15 rangs de merlot. "Nous allons voir comment combiner cela avec la lutte antioïdium, les travaux en vert…et évaluer les coûts de production », rapporte le directeur technique.
A l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) aussi, on confirme l’efficacité du Vititunnel sur le mildiou. Pendant cinq ans de 2019 à 2023 l’Institut a suivi les essais mis en place dans une dizaine de châteaux bordelais. « On a suivi des prototypes installés sur trois rangs. La bâche se déployait automatiquement dès les premières gouttes de pluie et se repliait dès qu’elle s’arrêtait. On a noté les symptômes de maladie sur le rang du milieu protégé par la bâche et sur les rangs situés de part et d’autre de ceux protégés par Vititunnel qui étaient traités classiquement par le domaine", détaille Nicolas Aveline, ingénieur à l'IFV. Verdict ?
Contre le mildiou, « Vititunnel est aussi efficace que la protection phytosanitaire classique. Et parfois même supérieur, notamment lorsque la protection classique, basée sur du cuivre, a été mise en défaut. Sous le Vititunnel, on a quand même noté quelques symptômes de mildiou surtout en fin de saison sur les feuilles du haut en raison de l’humectation. Mais le rendement est similaire à la partie traitée. En 2023, année de très forte pression de la maladie, on a eu moins de 10 % de destruction sur grappes sous Vititunnel, soit autant que dans les rangs traités et ce quel que soit le programme phytosanitaire réalisé. En 2024, nous n’avons pas fait de suivi, le programme d’essais étant terminé. Mais cette année, nous allons suivre quatre propriétés qui ont acquis et installé Vititunnel sur de plus grandes surfaces : 15 à 20 rangs, dans le cadre d'un nouveau projet Dephy Expé 3 appelé Couv'Innov ».
Si Vititunnel protège du mildiou. Il n’en est pas de même de l’oïdium qui n’a pas besoin d’eau libre pour se développer. « Il faut quand même réaliser des traitements antioïdium sous le Vititunnel avec des doses de soufre faibles mais régulières. On arrive à contrôler la maladie avec moins de 4 kg /ha de soufre et nous allons travailler sur d’autres produits de biocontrôle », précise Nicolas Aveline. En collaboration avec l’Inrae, l’Institut va également mesurer l’impact sur le black-rot. Un autre paramètre à prendre en compte pour apprécier pleinement l’utilité de cette solution.
Mo.del a lancé la commercialisation du Viti-Tunnel fin 2024. Et la gamme se décline en deux modèles : Smart Protect et Essentiel Protect. Le premier est équipé de capteurs météo et alimenté par des panneaux solaires. Il se déploie seul dès qu’un risque est annoncé. Son prix est de 59 € le mètre linéaire. Un modèle dédié aux vignes situées proches des habitations, écoles et autres zones sensibles (DSPPR) selon Mo.del. Avec Essentiel Protect, la bâche se déploie à l’aide d’un outil électroportatif. Le prix descend à 39 € le m linéaire. « Ce sont les tarifs livrés, installés, mis en service par nos soins. Le tarif réel du dispositif est plutôt autour de 50 et 30 € le mètre linéaire. Certains viticulteurs pouvant contribuer à l’installation sur leurs parcelles », précise Mo.del. « A ce jour, nous avons effectué plus d’une vingtaine d’installations en viticulture et dans d’autres secteurs (petits fruits rouges et instituts de recherches) ». Mo.del commercialise aussi le TNT Protect, un tronçon de 6 m destiné à isoler les témoins non traités.