nstallée à Montlouis, en Touraine, la Cuma du Chenin œuvre depuis plus de vingt ans. « Elle a beaucoup contribué à l’installation de néovignerons », relate en souriant Anthony Rassin, le président de la Cuma et vigneron sur 7,5 ha à Saint-Martin-le-Beau. Et pour cause, cette Cuma possède tout ce qu’il faut pour cultiver des vignes. Mais son originalité est ailleurs : elle propose à ses membres d’effectuer tous leurs traitements bio. « Et que des traitements bio. C’est notre engagement », précise Anthony Rassin.
Cette Cuma compte vingt membres et réalise les traitements de seize d’entre eux. « Cela représente 93 ha et 140 parcelles sur les trois communes de l’AOC », souligne Isaac Goulu, l’un des deux salariés permanents. Le jeune homme le reconnaît : « L’organisation des plannings, c’est compliqué. » Heureusement, il n’est pas seul à s’investir dans cette tâche cruciale qui incombe à l’atelier phyto.
« Nous sommes quatre à participer à cet atelier : trois vignerons et Isaac, explique Anthony Rassin. Nous nous réunissons régulièrement pour décider s’il faut ou non traiter selon la pression des maladies, les données de nos stations météo – un de nos membres est météorologue de formation –, la sensibilité aux maladies des différents secteurs… On pèse le pour et le contre au cours de nombreux échanges. Puis on décide d’une date de traitement, des produits qu’on va utiliser et à quelle dose. On informe nos collègues qui ont confié leurs traitements à la Cuma par l’appli WhatsApp. Ils nous donnent ou non leur accord. En général, 90 % disent oui et nous lançons le traitement. » Un vigneron peut refuser l’intervention s’il la juge inutile. Mais il devra alors attendre le prochain passage.
Les traitements sont identiques pour tous et appliqués avec les produits achetés par la Cuma. « Mais on ne se décharge pas entièrement sur la Cuma pour traiter. Nous préparons les bouillies à tour de rôle dans son local », souligne Laura David, qui a intégré la coopérative dès son installation à Lussault il y a sept ans.
La Cuma possède deux pulvérisateurs à jets portés Grégoire récents et un camion pour les ravitailler à la parcelle. « On traite les 93 ha en deux jours, en passant le soir ou la nuit s’il le faut », confie Isaac Goulu. « Avec la Cuma, je bénéficie de ce qui se fait de mieux en matière de pulvé et d’une bonne réactivité avec des salariés investis », apprécie Jean-Christophe Rault, vigneron sur 5,5 ha à Lussault et membre depuis 2009.
Ces deux dernières années, la férocité du mildiou a demandé une lutte sans répit rendue compliquée à cause de pluies incessantes. « En 2024, les fenêtres de traitements n’étaient pas toujours optimales en raison de la météo. Malgré cela, comme ces quinze dernières années, je n’ai pas eu de grosse attaque de mildiou, déclare le vigneron. On essaie constamment d’améliorer la lutte. Outre les deux salariés à temps plein et des saisonniers, trois vignerons de la Cuma vont se former à la pulvé pour traiter en 3 x 8 si besoin. »
En 2024, les vignes traitées par la Cuma ont reçu 4,5 kg de cuivre métal/ha, dévoile Anthony Rassin : « Et des vignerons ont pu récolter 35 hl/ha. » Une bonne performance au regard du rendement moyen de l’appellation qui s’est élevé à 29 hl/ha l’an dernier.
Laura David est ravie de confier la protection de ses vignes à la Cuma. « Ça fonctionne bien. Les membres de l’atelier phyto maîtrisent leur sujet. C’est rassurant de ne pas avoir à gérer seul les traitements », commente cette vigneronne qui cultive 9 ha.
Elle utilise aussi les services de la Cuma pour le rognage, le prétaillage et l’effeuillage de ses vignes. D’autres vignerons lui délèguent l’entretien de leurs sols. « Certains n’ont même pas un tracteur. D’autres sont en conventionnel : on n’est pas fermé », relève Anthony Rassin.
La Cuma permet-elle de faire des économies ? « Ce n’est pas moins cher qu’un prestataire, mais mes vignes sont traitées en temps et en heure et je dégage du temps pour d’autres tâches », apprécie Jean-Christophe Rault. Et comme dans toutes les Cuma, l’adhésion implique d’acheter des parts sociales, de s’engager à rembourser les emprunts de la Cuma et de payer une cotisation annuelle dont le prix dépend du nombre d’interventions effectuées.
« Mais on ne la règle que l’année suivante, précise Anthony Rassin. Et grâce à la Cuma, on échange aussi sur nos vins et le commerce. On s’entraide. » Pour Laura David, tout le monde devrait être en Cuma car « c’est un système vertueux, fondé sur le partage, l’échange et l’inclusion ».
La Cuma du Chenin est organisée en trois ateliers : un pour les traitements, un pour les éoliennes contre le gel et pour l’entretien du sol et les travaux en vert. Chacun de ces ateliers est géré par des responsables qui se réunissent une fois par semaine afin de coordonner les interventions de la Cuma. « Il y a parfois des désaccords, on n’est pas dans le monde des Bisounours, relate Anthony Rassin. Mais on donne du temps à la Cuma qui n’est pas un prestataire. »