eu de pays producteurs auront été épargnés, les droits de douane annoncés par Donald Trump sur le marché américain s'étalant de 10 % pour plusieurs pays producteurs de l'Hémisphère sud jusqu'à 30 % pour l'Afrique du Sud et même 34 % pour la Chine. Au-delà de ces niveaux différenciés, l'exposition des pays exportateurs diffère sensiblement, certains étant exposés par les volumes expédiés, d'autres par la valeur des marchandises.
Un "pacte" entre acheteurs américains et opérateurs italiensSi la France estime à 800 millions d'euros la perte potentielle générée par les droits additionnels sur ses vins et spiritueux, la filière italienne évalue son manque à gagner pour ses seuls vins à 323 millions ? par an, un chiffre moindre mais qui aurait un large impact sur le secteur. En effet, 24% des exportations totales de vins italiens sont dirigées vers les Etats-Unis. Pis encore, estime l'Unione Italiana Vini, 80% des 460 millions de flacons italiens vendus outre-Atlantique sont concentrés dans les gammes « populaires » avec un prix de départ autour des 4? le litre, pour seulement 2% positionnés dans la catégorie des vins « de luxe ». Les Moscato d'Asti, pinot grigio et Chianti Classico seraient les plus exposés. D'où la nécessité, selon le président de l'UIV Lamberto Frescobaldi, de conclure un « pacte » avec les acheteurs américains « pour partager le fardeau et défendre le positionnement du vin italien ». Disant craindre un « jeu d'escalade véritablement mortel entre les administrations européenne et américaine », Lamberto Frescobaldi insiste sur la nécessité de « maintenir les structures de prix actuelles » sur les linéaires américains. « Nous l'avons déjà vécu et nous savons combien cela peut coûter », déplore de son côté la présidente de Federvini, Micaela Pallini. « Par le passé, ces mesures nous ont fait perdre jusqu'à 50% de nos exportations vers les Etats-Unis. Nous risquons maintenant de revivre ce traumatisme économique ».
Des entreprises espagnoles vulnérables
Naturellement, ces craintes sont partagées par la filière vitivinicole espagnole. Dans un communiqué, la Fédération espagnole du Vin (FEV) pointe la mise en danger de ses exportations d'une valeur de près de 400 millions ? vers les USA. L'Espagne est le quatrième pays fournisseur de vins aux États-Unis en valeur et le septième en volume. Selon l'Organisation Interprofessionnelle du Vin d'Espagne (OIVE), les États-Unis représentent le deuxième marché le plus important pour le vin espagnol hors UE, et le premier pour ses vins effervescents. « Le marché des Etats-Unis est fondamental pour la pérennité économique du secteur vitivinicole de l'UE et il n'existe aucun marché vitivinicole alternatif qui puisse compenser cette perte », martèle José Luis Benitez, directeur de la FEV, qui rappelle que 99 % des caves espagnoles sont des PME et donc particulièrement vulnérables à des perturbations économiques.
Attentisme en Afrique du Sud
Se disant « profondément inquiète » suite à l'annonce de 30 % de droits de douane imposés sur ses produits, la filière vitivinicole sud-africaine privilégie une approche attentiste pour le moment. « Nous considérons qu'il serait prématuré de faire des annonces ou déclarations concrètes à ce stade, car nous ne pouvons que spéculer sur la tournure que risque de prendre cette situation », précise un porte-parole de South Africa Wine à Vitisphere. Qualifié de marché « à forte valeur ajoutée » pour les vins sud-africains, les Etats-Unis « offrent un gros potentiel de croissance et des positionnements prix premium » explique South Africa Wine. Déplorant la perte de compétitivité et de rentrées en devises que pourraient engendrer les surtaxes, l'organisme générique estime toutefois qu'il faut attendre d'avoir « des précisions sur les droits de douane appliqués aux différents produits, qui sont des informations cruciales pour pouvoir planifier et s'adapter au nouveau contexte commercial ».
Le marché canadien fermé aux produits américains
Enfin, les professionnels américains eux-mêmes sont également concernés par l'imposition de droits de douane et de mesures de rétorsion. « Les producteurs de vins à travers tout le pays continuent de subir des préjudices économiques liés à l'interdiction totale de vendre des vins américains au Canada », déplore le président du Wine Institute Robert P. Koch dans un communiqué. Dès le début du mois de mars, les vins, bières et spiritueux « sont les seuls produits américains dont l'importation et la commercialisation sont totalement interdites sur le marché canadien ». Avant l'instauration de ces mesures de rétorsion, 35% des exportations américaines de vins étaient destinées au Canada pour une valeur au stade du détail supérieur à 1,1 milliard $. Pour sa part, l'association des grossistes américains en vins et spiritueux appelle « nos partenaires internationaux à encourager leurs gouvernements à s'asseoir à la table des négociations. En œuvrant à la réduction des barrières commerciales, les États-Unis pourront prendre des mesures réciproques, conformément aux engagements pris par le président Trump. Notre objectif commun doit être de rétablir un environnement commercial stable et équilibré pour les vins et spiritueux, tel qu'il existait auparavant ».