’après les données publiées par le ministère américain du Commerce, recueillies par S&P Global et analysées par Del Rey Analysts of Wine Markets, les Etats-Unis ont importé des vins d’une valeur d’environ 6,2 milliards € en 2024, les positionnant de loin devant le Royaume-Uni (4,6 milliards €) et l’Allemagne (2,5 milliards €). S’élevant entre 12 et 13 millions d’hectolitres, les importations représentent environ un tiers des 33 millions hl consommés par an aux Etats-Unis.
Import-export : un rapport de 6:1
Dans le même temps, les exportations américaines de vins se sont élevées en moyenne à 1,35 milliard $ sur les cinq dernières années, leur valeur étant affaiblie par le fait qu’il s’agit à 48% de vins en vrac principalement expédiés vers le Royaume-Uni pour y être mis en bouteille. A contrario, 71% des vins importés aux USA sont des produits conditionnés, d’où leurs valeurs élevées. C’est notamment le prix moyen des vins français exportés outre-Atlantique, qui atteint 14,20 $ le litre, qui pèse dans cette balance. De son côté, le positionnement prix des produits italiens s’avère beaucoup plus faible, à 6,46 $ le litre en moyenne. En revanche, les exportateurs italiens compensent cette moindre valorisation par des volumes conséquents, estimés à 3,5 millions d’hectolitres en 2024, plaçant l’Italie devant la France sur le plan des volumes. Si les USA importent des vins en provenance de plus de 70 pays, ces deux pays confondus détiennent une part de 72,6% des importations américaines de vins conditionnés en valeur, suivis de très, très loin par la Nouvelle-Zélande et l’Espagne (environ 6% chacune).
Les vins de l’UE difficilement remplaçables
Globalement, 82,5% des importations américaines de vins en bouteille en valeur proviennent de l’Union Européenne pour 72,3% en volume, le restant étant réparti entre la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Chili, l’Argentine et l’Afrique du Sud. Ce qui fait dire à Rafael del Rey que les importateurs américains « auraient des difficultés pour trouver des fournisseurs alternatifs. Etant donné le rôle dominant des vins européens sur le marché US, des mesures restrictives pour le commerce pourraient avoir des conséquences économiques et commerciales considérables ». En effet, l’impact sur l’inflation – que le Président Trump dit vouloir combattre – serait inévitable. De plus, la santé économique des opérateurs américains s’en trouverait largement diminuée, car les marges sont souvent plus élevées sur les vins européens, ce qui aurait des répercussions sur la commercialisation des vins américains et ceux d’autres origines.
Personne ne pavoise
D’ailleurs, l’ambiance au sein d’autres pays exportateurs ne semble pas à la fête actuellement. A commencer par l’Australie, dont l’aluminium et l’acier sont également frappés de droits de douane de 25% à l’entrée des USA. Les exportateurs australiens notent qu’un contexte commercial sous tension crée de l’incertitude et entraîne une baisse globale de la confiance des consommateurs. Dans la presse professionnelle australienne, Mitchell Taylor, directeur de Taylors Wines, s'est exprimé sur les effets secondaires d'une guerre commerciale. Il a expliqué que, « bien que le retrait des produits américains des rayons de la LCBO [en Ontario] puisse indirectement créer une opportunité pour les vins australiens, les incertitudes liées au marché mondial et à la chaîne de valeur fragilisent la confiance des acheteurs et des décideurs ». A l’intérieur même des Etats-Unis, le Wine Institute en Californie vient de réitérer son appel à écarter le vin des conflits commerciaux : « Le différend actuel n'a jamais porté sur le vin, et ces tarifs douaniers ne feront que nuire à l'ensemble du secteur viticole, y compris les agriculteurs, les vignerons, les distributeurs, les détaillants et les millions de personnes travaillant tout au long de la chaîne d'approvisionnement du vin ».
Demande de dérogation pour les produits à IG
La WSWA, qui regroupe les grossistes américains de vins et spiritueux, met en exergue la fragilité économique des entreprises : « Etant donné les défis auxquels le secteur des vins et spiritueux a déjà été confronté – l’année 2024 ayant notamment été l’une des années les plus difficiles depuis des décennies – les entreprises, qu’il s’agisse des fournisseurs, des grossistes ou des détaillants, ne sont absolument pas en mesure d’absorber des hausses de prix aussi drastiques », a insisté Francis Creighton, son président, dans un communiqué. Prédisant une moindre fréquentation des bars et des restaurants et donc un impact important pour le CHR américain, entre autres, la WSWA demande à l’administration américaine d’accorder une dérogation pour certains produits à indication géographique : « Contrairement aux voitures ou aux semi-conducteurs, des produits avec une indication géographique comme le Champagne, le whiskey irlandais, le whisky écossais, le Prosecco ou le Porto, pour ne citer qu’eux, ne peuvent pas être délocalisés pour être élaborés dans des installations américaines. Par conséquent, l’impact des coûts pour les entreprises et consommateurs américains serait inévitable ».