Il y a des décennies où rien ne se passe, et il y a des semaines où des décennies se produisent » aurait dit Lénine. Arrivant à point nommé avant l’ouverture du Salon International de l’Agriculture (SIA) ce samedi 22 février à Paris, l’adoption ce mercredi 19 février du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture (LOA) par le Sénat et l’Assemblée Nationale permet de valider le texte de compromis obtenu ce mardi 18 février en Commission Mixte Paritaire (CMP). Réclamé depuis des années par les syndicats agricoles, ce texte aboutit après le coup de pression des manifestations agricoles du début 2024 et des mois de flottements politiques (entre dissolution de l’Assemblée en juin et motion de censure du gouvernement en décembre) juste à temps pour les multiples visites politiques du SIA à la porte de Versailles. La filière viticole apparaît dans l’article 1 qui reconnaît l’agriculture comme « intérêt général majeur » et « intérêt fondamental de la Nation » avec comme activités agricoles « l’élevage, l’aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l’horticulture, l’apiculture et la sylviculture ».
Parmi les évolutions plus concrètes pour l’agriculture en général et le vignoble en particulier, la LOA affirme avec son article 14 quinquies que « les projets de construction et d’aménagement situés en limite d’un espace agricole intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés au sein de la zone urbaine ou à urbaniser, à la charge de l’aménageur. » Pour le dire clairement, « l’espace de transition végétalisé est situé en dehors des zones dévolues à l’agriculture » indique la LOA, indiquant qu’il peut y avoir dérogation « après avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers » (CDPENAF) afin d’exempter les petites communes n’ayant pas de Plan Local d’Urbanisme (PLU) selon le rapporteur du texte, le sénateur et agriculteur Laurent Duplomb (Haute-Loire, les Républicains).


« Le transfert de la charge des zones de transition du monde agricole à l’aménageur remet l’église centre du village » souligne Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, ayant milité pour cette évolution demandée de longue date par les filières agricoles. Pour le vigneron languedocien, « c’est remettre à sa place et en bon ordre les responsabilités de chacun Nos entreprises étaient victimes deux fois de l’urbanisation : une perte de capital par la réduction du foncier (à cause de la ZNT empiétant sur les parcelles voisines de projets urbains) et une complexification de l’activité (l’exploitation agricole impose des temps de travaux qui ne vont pas au rythme de vie de la société). Tous ces éléments nous paraissaient ubuesques depuis la mise en place des ZNT. C’est une véritable victoire politique et syndicale, un soulagement pour l’ensemble de viticulture qui s’appliquera au monde agricole. » Le président des Vignerons Indépendants pointe qu’il sera vigilance à la mise en place du dispositif, et notamment au cadre dérogatoire des avis de la CDPENAF
Pas d’interdiction nationale des phytos autorisés en Europe
A noter que sur le sujet stratégique des phytos, la LOA fixe également le principe du "pas d’interdiction sans solution" en stipulant qu’« à défaut de solutions » alternatives pour remplacer/réduire les phytos, les autorités françaises doivent s’abstenir « d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne ». Une promesse répétée par les gouvernements successifs, mais inappliquée comme l’a montrée l’interdiction française de l’herbicide Pledge (suspendue à un procédure judiciaire). « Les faits sont têtus » écrivait Lénine en 1917.