riorité au premier arrivé. La perte d’emprise causée par l’obligation de Zone de Non-Traitement (ZNT) imposant l'absence de phytos entre des parcelles agricoles existantes et des projets d’urbanisme est transférée par les sénateurs à la charge des promoteurs immobiliers et plus des agriculteurs à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la souveraineté alimentaire et agricole (PLOA). « L’espace de transition végétalisé est situé en dehors des zones dévolues à l’agriculture » indique le texte voté ce 11 février en séance, précisant que « les projets de construction et d’aménagement situés en limite d’un espace agricole intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés au sein de la zone urbaine ou à urbaniser, à la charge de l’aménageur ». Débattue en commission et dans l’hémicycle, une dérogation existe « après avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers » (CDPENAF) pour que la ZNT soit prise sur le terrain agricole (dans le cas de petites communes).
Hors dérogation, ce transfert de charge des ZNT aux aménageurs et plus aux agriculteurs permet « d’inverser l’épée de Damoclès des ZNT et des bandes de transition entre mondes viticoles et urbanisation » salue Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui porte depuis deux années l’évolution du dispositif ZNT riverain. Le système actuel amenant des parcelles agricoles à assumer l’emprise de la zone de transition végétalisée face à des projets d’aménagement immobilier. Ce qui est vécu de manière injuste rappelle Jean-Marie Fabre : « l’agriculteur qui voit arriver l’urbanisation (avec des habitations, des Zones Artisanales ou Industrielles, etc…) doit abandonner une part de son capital et de sa production. Ce n’est pas normal que ce soit au monde agricole d’assumer la volonté du législateur d’assumer la perte d’emprise nécessaire à la ZNT. »
Demandes d’absence de dérogation
Soulignant une avancée attendue dans la PLOA, le vigneron languedocien espère que ce dispositif sera validé lors de la Commission Mixte Paritaire (CMP) attendue ce mardi 18 février (après le vote du Sénat). Glissant que si la dérogation ouverte à la CDPENAF pouvait disparaître à cette occasion, ce serait idéal. Une suppression portée en séance par trois amendements transpartisans (le socialiste Sébastien Pla, le républicain Daniel Laurent et le centriste Bernard Pillefer), qui ont été rejetés. « On ne saurait accepter que les agriculteurs subissent un recul par rapport aux aménageurs » plaide Sebastien Pla, pointant au demeurant que « l’obligation pour les constructeurs de prévoir dans leurs projets une zone de transition répondant aux caractéristiques des ZNT est une avancée significative pour la protection du foncier agricole et le maintien des continuités agricoles ». Il s’agit de « promouvoir, par nos amendements, le bien vivre ensemble ! » indique pour sa part Daniel Laurent, notant que « nous sommes confrontés là à un problème récurrent, cause d’importants conflits entre les élus, qui favorisent l’urbanisation, et les agriculteurs, qui veulent vivre tranquillement de leur métier ».


Rapporteur de la PLOA, le sénateur et agriculteur Laurent Duplomb (Haute-Loire, les Républicains) rejette ces demandes en répondant que « cela revient à vouloir le beurre, l’argent du beurre, la crémière et tout ce qui va avec ! Nous avons déjà énormément avancé, en commission, en inscrivant dans le texte l’obligation pour les lotisseurs de prendre en compte la ZNT. Il faut réserver cette obligation aux communes dotées d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU) et en exempter les petites communes, où se construisent peu de lotissements : l’idée n’est pas d’imposer ce genre de contraintes à chaque fois qu’une maison se construit quelque part ! »
« Désormais l’espace de transition ne sera plus à la charge des agriculteurs : dans les communes dotées d’un PLU » poursuit l’éleveur laitier, « mais non dans les communes sous Règlement National d’Urbanisme (RNU) ni même dans les communes couvertes par une carte communale, lesquelles ne voient tout de même pas beaucoup de lotissements se construire. »


Penchant plutôt pour conserver l’avis favorable, voté en commission, que conforme de la CDPENAF, finalement voté en séance, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, défend pour sa part que « les zones de transition de type parkings, parcs de jeux et autres lieux occasionnellement fréquentés par la population n’échappent » pas à l’obligation de ZNT prévu par le dispositif*. « Il me semble important de conserver cette protection des zones non résidentielles. Ces espaces se caractérisent certes par une moindre exposition aux risques sanitaires, mais ils restent du moins fréquentés, qu’il s’agisse d’un parking, d’un parc de jeux, d’un jardin » plaide la ministre pour réduire le risque d'exposition des populations aux phytos. « A-t-on besoin de zones de non-traitement dans des espaces non résidentiels et peu fréquentés ? » réplique Laurent Duplomb, qui défend le maintien de la « dérogation parkings », validée par les sénateurs.
Au final, « cette mesure de bon sens et simple à mettre en œuvre permet de ne pas imposer à l’agriculteur ou au viticulteur des contraintes liées à ce nouvel urbanisme. Elle permettra d’anticiper d’éventuels conflits de voisinage et en facilitera la résolution par les maires ruraux » salue la sénatrice Anne-Sophie Romagny (Marne, Union Centriste), qui avait déposé une proposition de loi similaire en novembre 2023. Ce texte « permettra à chaque vignerons de pouvoir exercer son métier sur ses terres en gardant son potentiel de production et son capital » confirme Jean-Marie Fabre, qui préférerait toujours qu’il n’y ait pas de risque de contournement.
* : Le texte veut exclure de l’obligation de ZNT « les zones non résidentielles qui, en raison de la faiblesse des risques sanitaires induits par la brièveté de leur fréquentation, peuvent être exemptées des obligations prévues. »