ls sont réutilisables, ne consomment pas d’énergie et leur efficacité est désormais prouvée après plusieurs années d’essais (lire encadré). Les voiles, filets ou bâches d’hivernage protègent les bourgeons des gels printaniers mais ont un gros inconvénient : leur installation longue et fastidieuse qui peut aller jusqu’à 47 heures l’hectare pour une personne seule selon la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire.
Anthony Blescher, régisseur au domaine Laroche à Chablis (Yonne), en sait quelque chose. L’an dernier, il a testé le filet Gel Protect d’Alphatex. S’il est satisfait de la protection qu’il a apportée à ses vignes, il lui a fallu du temps pour le poser : « Nous l’avons déployé sur cinq ares. Nous étions trois personnes de mon équipe, novices en la matière, avec deux techniciens d’Alphatex, et il nous a fallu trois heures pour l’installer. La pose est totalement manuelle et un peu compliquée. Mais avec de l’expérience, on gagne du temps. »
Pose d'un voile Alphatex (Crédit photo Alphatex)
Alors que le fabricant conseille d’enrouler le filet au-dessus du fil de tête en position d’attente pour le déployer en cas d’alerte, Anthony Blescher l’a laissé au-dessus de ses vignes durant toute la période à risque. De ce fait, il a dû décaler le premier traitement antimildiou, ce qui a eu un impact négatif pour ses vignes sous Gel Protect.
D’après Xavier Macle, responsable de ce produit chez Alphatex, avec un peu d’expérience, la pose est plus rapide. « Notre filet s’installe en six heures par hectare, avec quatre personnes : deux personnes qui le déroulent et deux autres qui le fixent sur les piquets et le fil de tête. En vue de réduire le temps de pose, nous avons placé des boutonnières en bas des filets et des accroches par sandows. »
Concernant l’efficacité de sa solution, Xavier Macle ajoute : « Nous avons conçu Gel Protect avec la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire, qui nous a accompagnés pour nos tests. Notre filet couvre un ou plusieurs rangs à la fois tout en restant ouvert sur tous les côtés, comme une sorte de couverture. Il maintient la chaleur émise par le sol. Et lorsque le jour se lève, la température remonte lentement sous le filet, sans effet de serre. » Ce filet, ouvert en bas et en bout de rang, coûte entre 10 000 et 15 000 €/ha.
À la tête de l’entreprise Scylla, Arnaud Cheront propose pour sa part le Vinotex, une bâche en géosynthétique qui couvre un rang à la fois. Elle se fixe avec des cavaliers métalliques qui prennent place sur le fil supérieur de palissage. « On l’installe en 3 h 30 par hectare à trois personnes, avec un dérouleur à l’arrière d’un enjambeur que nous avons conçu avec Boisselet, explique-t-il. Et on ramasse ce filet avec le même dérouleur qu’on place à l’avant de l’enjambeur. »
Pose d'un voile Vinotex par la société Scylla (Crédit photo Scylla)
Un système testé au domaine Remoissenet Père & Fils, à Beaune, que dirige Stéphane Zechinni. « La mise en place de Vinotex est effectivement rapide : à deux, il faut moins de 4 h/ha, assure-t-il. Cela fait vraiment gagner du temps par rapport à la pose de centaines de bougies qui, en outre, ne peuvent être laissées dans les vignes en cas de pluie. » En revanche, Stéphane Zechinni n’a pas pu éprouver l’efficacité du Vinotex en conditions de gel. Il ne s’exprime donc pas au sujet de son efficacité.
« Nos toiles absorbent la chaleur durant le jour pour la restituer la nuit, détaille Arnaud Cheront. Nous en proposons deux. Avec celle de base, on gagne au moins 1,5 °C sous abri et au moins 2 °C avec notre modèle Freeze Plus, renforcé d’un film ajouré en bas. »
L’investissement est conséquent. Selon les chiffres fournis par l’entreprise, pour couvrir 1 ha planté à 1 m d’écartement, comme c’est le cas en Côte-d’Or, il faut compter 52 900 € de toile et de cavaliers pour éviter qu’elles s’envolent. À cela s’ajoutent 12 500 € pour l’enrouleuse. La durée de vie des toiles étant au minimum de huit ans, le prix de revient par nuit de protection pour une nuit par an revient à 8 170 € et à 2 725 € pour trois nuits par an. « Après les huit ans d’amortissement, le prix tombe entre 900 et 1 500 €/ha, avance Arnaud Cheront. À titre de comparaison, les bougies coûtent de 5 500 à 6 500 €/ha pour une nuit de protection. »
IdMat travaille lui aussi à simplifier la pose de son filet. En décembre, ce fournisseur a présenté en avant-première la dérouleuse-enrouleuse qu’il a conçue pour sa toile Ektar, une machine pourvue d’un bras qui s’attelle à l’arrière d’un tracteur interligne afin de dérouler la toile au-dessus des rangs.
« Ça fonctionne très bien et ça permet de gagner du temps, en particulier pour enrouler les voiles, commente Dominique Sirot, cogérant du domaine du Fief Noir à Saint-Lambert-du-Lattay (Maine-et-Loire) où la démonstration a eu lieu. À trois ou quatre personnes, on peut couvrir jusqu’à 2 ha en une journée, en ayant préparé le palissage à l’avance, avec deux fils supplémentaires en haut du palissage maintenus par des écarteurs en bout de rang et sur lesquels la toile vient se poser. Ensuite, on fixe le voile avec des pinces sur le fil de tête. Pour notre domaine, l’investissement est de 10 000 €/ha tout compris. »
MDB Texinov se lance également dans ce créneau. Ce fabricant connu pour ses filets antigrêle va mener des essais dans des propriétés bordelaises, dans le cadre d’un projet européen. Vivelys, filiale du groupe Œneo, est pour sa part entrée au capital de Bienesis, une start-up qui développe une toile contre le gel et autres aléas climatiques qui se déploie automatiquement au-dessus des vignes en cas d’alerte donnée par des capteurs. Les voiles, des dispositifs antigel qui ont le vent en poupe.
Les essais menés durant plusieurs années par la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire montrent un gain de température de 1,5 °C en moyenne à l’abri des voiles d’hivernage et de 4 °C au maximum. En Indre-et-Loire, des gains de 3 à 4 °C ont été enregistrés avec ces mêmes protections. Grâce à cela, la mortalité des bourgeons sous voile est nettement inférieure à celle observée à l’air libre. De 2021 à 2024, dans les essais conduits en Maine-et-Loire, le gel a détruit en moyenne 7 % des bourgeons sous les voiles, contre 68 % dans les rangs témoins. « Lorsque le voile est bien posé, son efficacité est proche de 100 %. Ce fut le cas en 2021 », relate Dominique Sirot, du domaine du Fief Noir (Maine-et-Loire). Même constat à Chablis au domaine Laroche : « L’an dernier, nous n’avons pas eu de dégâts sous le filet, tandis que nos vignes non couvertes ont été complètement grillées », déclare Anthony Blescher, le régisseur. Alors que la température était tombée jusqu’à — 2,5 °C dans les rangs témoins de ce vignoble, elle affichait + 1,5 °C sous le voile protecteur. Outre les voiles, Viti-Tunnel, le dispositif initialement conçu pour réduire les attaques de mildiou en abritant les vignes des pluies, s’avère lui aussi efficace en cas de gel. En 2021, l’IFV a observé presque aucun dégât (7 % de ceps atteints) sous le dispositif, alors que plus de 70 % des ceps témoins avaient au moins un bourgeon touché.