vni, pour ObserVatoire des insectes Nuisibles ou Invasifs du vignoble. Depuis 2022, Lionel Delbac, chercheur à l’Inrae de Bordeaux (UMR Save), coordonne ce programme avec l’IFV. « C’est un réseau participatif qui concerne l’ensemble du vignoble français et qui monte en puissance », a-t-il expliqué le 21 janvier, lors d’un webinaire consacré aux ravageurs émergents en viticulture, organisé par l’IFV et l’Itab.
En 2024, 45 partenaires ont suivi 102 parcelles aux conduites et paysages variés. Dans chaque parcelle, les observateurs installent deux pièges à trois périodes (nouaison ; fermeture/véraison et maturité) pour capturer des insectes durant sept jours. Puis ils envoient les pièges à l’Inrae pour identification.
C’est dans le cadre de cet observatoire que la cicadelle africaine Jacobiasca lybica a été identifiée en Corse. « En 2023, nous avions mis des pièges sur deux parcelles à l’est et à l’ouest de l’île, qui ont capturé plus de 500 insectes lors de la maturation du raisin. Ce nombre très élevé nous a mis la puce à l’oreille. En y regardant de près, nous avons découvert un nouveau ravageur : Jacobiasca lybica. » Par la suite, les techniciens locaux se sont rendu compte que l’insecte avait déjà colonisé tout le vignoble corse.
La cicadelle africaine a un cycle qui se rapproche de celui de la cicadelle des grillures, mais qui est décalé dans le temps car elle apparaît plus tardivement. « Ce qui la caractérise, c’est le nombre très élevé de larves par feuille : de 5 à 10 (contre 3 à 5 au maximum pour la cicadelle verte; ndlr). Elle est favorisée par la canicule et la sécheresse. Elle entraîne des grillures sévères du feuillage, une déformation des feuilles, des entrecœurs rabougris, avec, à terme, une défoliation des ceps et une diminution du degré. Cette cicadelle a un impact dès 0,5 à 1 larve par feuille observée en juillet », a détaillé Lionel Delbac.
En 2024, la cicadelle africaine a également été détectée dans les Pyrénées-Orientales et dans le Var. « La vigilance s’impose pour suivre l’apparition de nouveaux foyers de cette espèce », a insisté Lionel Delbac.
L’an dernier, toujours, les observateurs du réseau Ovni ont identifié une nouvelle drosophile, dans une parcelle des Landes : Zaprionus tuberculatus. Une espèce afrotropicale. Selon l'EPPO (Organisation Européenne et Méditerranéenne pour la Protection des Plantes), elle peut s’attaquer à une cinquantaine de fruits tropicaux dès lors qu’ils sont blessés ou tombés au sol. Mais elle n’est pas connue pour s’attaquer au raisin. « Son statut comme ravageur des fruits reste incertain. Elle peut être associée à d’autres drosophiles, dont Drosophila suzukii », précise Lionel Delbac. Désormais elle est sous surveillance du réseau Ovni.
Autre constat : « Le phylloxéra est toujours bien présent en France. On capture sa forme ailée dans 50 à 60 % des parcelles depuis la mise en place de l’observatoire. »
Ovni va se poursuivre sous le nom de Safegrape de 2025 à 2027, grâce à un financement du PNDV. Espérons qu’il ne mettra pas en évidence de nouvelles plaies…
Face à l’explosion de la cicadelle africaine en Corse, les viticulteurs bio ont testé l’argile kaolinite calcinée et l’huile essentielle d’orange douce, des produits couramment utilisés contre la cicadelle verte. « Les résultats sont très décevants », a rapporté Nicolas Constant, référent viticulture bio à l’IFV lors du webinaire. Selon cet expert, l’huile de neem et une chrysope (Chrysoperla carnea) ont donné des résultats intéressants au laboratoire. Deux pistes à creuser, donc. En viticulture conventionnelle, les choses ne se présentent pas vraiment mieux : les insecticides de synthèse actuellement autorisés ont une efficacité insuffisante contre la nouvelle cicadelle.