Lorsqu’on prononce le nom de Trimbach, une petite lumière s’allume » observe Pauline Trimbach, qui commercialise les vins de la maison familiale en France et au Bénélux. Ce n’est pas le cas de toute l’Alsace. Pourquoi ? Parce que la maison de Ribeauvillé (Haut-Rhin) fondée en 1626, n’a jamais cessé de produire des vins dont on reconnait le style basé sur l’équilibre, en dépit de la variété des millésimes. Mais aussi et sans doute surtout parce que Hubert Trimbach a consacré toute sa vie à la promotion aux quatre coins de la planète et que la douzième et la treizième génération continuent de faire pareil. Résultat, plus de cent clients, agents et importateurs venus des Etats-Unis, de Corée, du Canada, du Japon et d’Europe, se sont pressés pour déguster le Clos Sainte Hune – 1,67 ha sur le grand cru Rosacker de Hunawihr.
Chez F.E. Trimbach, le million de bouteilles commercialisé par année (propriété et achat de raisins, tout certifié bio depuis 2023) se vend bien : 85 % en volume à l’export, mais la France reste une vitrine privilégiée pour les plus grandes cuvées avec un tiers du chiffre d’affaires. Au niveau régional, la situation est moins rose : l’export est à 27 %, en hausse modérée de 2,4 % sur 5 ans. Certes la valeur totale progresse de 12 %, mais principalement grâce aux 33 % de crémants (+ 50 % en volume, + 55%). « L’Alsace a fait des efforts de qualité, il y a plus de vins secs, mais demeure le problème du prix. On voit des vins à 3,50 € le litre et des grands crus à 6 ou 7 € en GD » regrette Anne Trimbach, une des responsables commerciales de la famille « alors que l’image passa aussi par le prix ».
Les grands crus ne décollent pas
Parmi les clients majeurs de Trimbach, Paolo Boucanova est acheteur des cavistes Le Repaire de Bacchus : « J’ai les Rolls de l’Alsace au catalogue, je joue le jeu avec 18 cuvées des meilleurs signatures. Le mystère demeure, l’Alsace, tout le monde adore et personne n’en boit ». Jean Trimbach qui arpente le monde regrette aussi que « les sommeliers sont enthousiastes quand ils visitent mais ne concrétisent pas vraiment, il reviennent toujours au trio Bordeaux-Bourgogne-Loire ». Une des premières choses à faire serait de mieux valoriser les terroirs : « Si les grands crus montaient, le reste suivrait. Dans le Jura, des domaines comme Ganevat, devenus mythiques, ont tiré vers le haut ».


L’association ACT Alsace Crus et Terroirs, créée il y a dix ans pour dorer l’image de l’Alsace vient d’organiser sa première vente aux enchères, avec une formule originale regroupant dans chaque lot un grand cru alsacien et un cru fameux de Bourgogne, de Bandol ou de Bordeaux. Résultat, 12 000 euros ont été récoltés, soit une moyenne de 343 € pour deux flacons. Chez IdealWine, les ventes aux enchères d’Alsace ne représentent que 1,1 % des volumes échangés. Si l’intérêt est là, il se concentre sur une poignée de noms comme Trimbach, Deiss ou Faller. « Nos acheteurs sont pointus, ils voient le talent du vigneron avant la région » explique Angélique de Lencquesaing, directrice. L’alsacien meilleur sommelier de France 2012 Ivan Iltis, directeur vin des établissements Lalique, résume peut-être la situation : « Le problème, on n’arrive pas à conquérir Paris ».