euxième manche pour les amendements proposant de taxer davantage les boissons alcoolisées en général et les vins en particulier. Examiné ce jeudi 21 novembre par le Sénat, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS) a confirmé les débats de l’Assemblée Nationale du 4 novembre : pas de prix minimum ni de taxation supplémentaire pour les vins. « Nous sommes satisfaits que les sénateurs aient rejeté ces propositions qui ne rendent service à personne : ni à la santé publique, ni aux consommateurs modérés, ni à la filière » indique Vin & Société à Vitisphere, l'organisme le martelant : « nous le répétons : la fiscalité comportementale appliquée au vin est inefficace et injustifiée. Notre filière a besoin du soutien des pouvoirs publics et non d'être ciblée par des mesures néfastes et inefficaces. »
Si une majorité de parlementaires veut protéger la filière vitivinicole déjà en difficulté, une minorité continue de se mobiliser avec une vision résolument hygiéniste de la consommation de vin. Portant l’amendement n° 1 100 imposant un « prix minimum de vente au détail » qui « ne peut être inférieur à 0,60 euro par centilitre d'alcool pur » avec une amende de 7 500 € pour les contrevenants (« la récidive est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende »), la sénatrice Anne Souyris (Île de France, les Écologistes) défend une « mesure magique » avec laquelle « comme en Écosse, nous pourrions réduire de 13,4 % le nombre des décès directement attribuables à l'alcool » alors que « selon la Mildeca, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la mesure que nous proposons aura pour effet de réduire la mortalité par cancer attribuable à la consommation d'alcool de 22 % ».
La sénatrice parisienne ajoutant que « cette mesure affectera essentiellement les prix des alcools les moins chers, principalement les vins en vrac bas de gamme, achetés par des buveurs ayant une consommation excessive » et « une bouteille de vin à 12 degrés serait désormais vendue à 3,50 euros minimum, hors inflation. À l'inverse, les bouteilles dont le prix s'élève déjà à plus de 3,50 euros ne seront pas concernées. » Une vision partagée par la sénatrice Elisabeth Doineau (Mayenne, Union Centriste), la rapporteure validant « le fait qu'il est nécessaire de travailler sur un prix minimum par unité d'alcool. L'Écosse a expérimenté ce prix ; il est efficace », mais estimant qu’il est trop tôt « nous ne sommes pas encore prêts à instaurer ce prix minimum. Il nous faut au préalable travailler avec la filière, comme nous le préconisons dans notre rapport. Le temps est venu pour cela. » La commission des affaires sociales du Sénat ayant émis un avis défavorable.


« Cette mesure ne me paraît pas opportune pour atteindre un objectif de santé publique » tranche plus nettement Geneviève Darrieussecq, la ministre de la Santé, pour qui « on arrivera à une baisse relative de la taxation des alcools forts par une augmentation de celle des autres ». Emettant un avis défavorable, la ministre appelle à « retravailler cette question » car « sur le fond, je comprends votre proposition. La disposition que vous avancez est tout à fait intéressante, mais il nous faut travailler encore pour aboutir à une taxe comportementale optimale, dans les meilleures conditions. »
Des appels à mener une concertation ultérieure qui ne convainquent pas les porteurs de cette proposition. Comme le sénateur Bernard Jomier (Île de France, Parti Socialiste), pour qui il ne faut plus « attendre que tout le monde soit d'accord : il faut provoquer la réunion des organisations concernées, pour qu'elles puissent échanger et débattre. On ne peut pas repousser un amendement, puis nous dire d'attendre, point, alors que l'intérêt de la mesure est reconnu et que, par ailleurs, elle permettrait de rendre le système de taxation plus cohérent. » Notant que le débat se tient en pleine fête du beaujolais nouveau, sorti le troisième jeudi de novembre, le sénateur Thomas Dossus (Rhône, les Écologistes) ajoute qu’« avec cet amendement, je pense que nous avons trouvé une solution qui ne pénalise pas nos filières viticoles [NDLR : le prix minimum n’intervenant que sur les prix de vente inférieurs], lesquelles connaissent des fragilités dans certaines régions. » Ce qui ne convainc pas l’hémicycle, l'amendement étant rejeté.


Comme l’amendement n° 547 rectifié, porté par la sénatrice Anne Souyris afin que la cotisation de sécurité sociale s’impose à tous les alcools (et plus seulement ceux titrant plus de 18°.alc), une harmonisation car « cette absence de taxe est tout à fait frappante s'agissant du vin. Actuellement, un verre de vin standard à 12,5 degrés est taxé 0,4 centime, contre 10 centimes pour une bière à 4 degrés et 31 centimes pour un spiritueux à 40 degrés. Finissons-en avec le privilège fiscal du vin, que l'on doit à l'omniprésence du lobby viticole dans nos hémicycles, il faut bien le dire. C'est un véritable problème. Au lieu de se soucier de notre santé, ce lobby empêche toute évolution sur cette question ! »
N'étant pas soutenue par la commission des affaires sociales et le gouvernement, la proposition fait monter au créneau les sénateurs du vignoble. « Alors que la viticulture française souffre, entendre de tels propos de votre part, chère collègue, c'est de la provocation » bondit le sénateur Laurent Burgoa (Gard, Les Républicains), pour qui « il ne faut pas s'étonner ensuite que les agriculteurs manifestent. Je ne puis cautionner de tels propos ! »