e tous les départements, le Tarn, le Lot et le Lot-et-Garonne sont ceux qui arrachent le plus en proportion de la superficie de leurs vignobles : plus de 15 %. « La vigne ne paie plus ; les gens jettent l’éponge, analyse Gilbert Bonnet, président de la fédération des vins agenais et Côtes du Marmandais, dans le Lot-et-Garonne. Des coopérateurs touchent moins de 3 000 €/ha de produit brut, alors qu’il en faudrait au minimum 6 000. »
Dans ces trois départements, les sorties de chai sont en chute libre, en recul de 20 à 25 % en cinq ans. Pour Romain Gérard, président de l’interprofession des vins de Gaillac, les appellations du Sud-Ouest souffrent d’une mauvaise image dans l’esprit des consommateurs. « On a fait des vins pas glamours, à un certain moment, remarque-t-il. Maintenant, on fait des vins gourmands. Mais les gens ont toujours l’image de nos vins d’il y a vingt-cinq ou trente ans. »
À Cahors, dans le Lot, la succession de gels printaniers depuis 2017 – particulièrement en 2024, où le rendement de l’appellation devrait plafonner à 15 hl/ha – aggrave encore la situation. Beaucoup de candidats à l’arrachage sont « des déplacés climatiques », glisse le président de l’appellation, Nicolas Fournié. « Je vais moi-même arracher 12 ha dans une zone gélive, ajoute-t-il. Je vais passer de 38 ha à 32 ha, car je récupère 6 ha sur le plateau. »
Dans ce contexte, l’arrachage définitif est apparu aux responsables professionnels comme une opportunité d’assainir la situation. Les ODG ont aidé leurs membres à monter leur dossier. « Nous avons accompagné jusqu’au bout les vignerons qui voulaient arracher, pour qu’ils n’aient pas peur de dire : je n’y arrive plus », indique Louis de Faramond, président de l’AOC Gaillac.
Même implication à Cahors. « Nous avons ouvert une cellule arrachage du 15 octobre au 13 novembre, destinée à renseigner les vignerons. Si beaucoup ont su se débrouiller, d’autres avaient besoin d’être confortés dans leurs décisions. Nous les avons aidés à trouver leurs codes FranceAgriMer. Nous les avons encouragés à prendre contact avec les propriétaires de leurs fermages afin d’obtenir leur accord pour arracher. Nous avons sensibilisé les personnes qui allaient prendre leur retraite. Cela a été un travail de titan. »
Pour tous, cet arrachage doit permettre de reconstruire un vignoble plus adapté à la demande. « On sait que 40 millions d’euros sur les 150 que l’ancien ministre de l’agriculture avait promis n’ont pas été distribués, insiste Nicolas Fournié. Maintenant, il s’agit d’en récupérer une partie pour construire la suite. » Le responsable estime qu’à l’issue de cette purge, la baisse de production ne sera « pas si énorme » car ce sont les vignes les moins productives qui disparaîtront.
Jacques Tranier, directeur de Vinovalie, première coopérative du sud-ouest productrice de Fronton, de Cahors et de Gaillac, relativise l’hémorragie. « Nous avions étudié un scénario avec une perte de 25 % des surfaces. Selon les premiers chiffres dont nous avons eu connaissance, notre surface, qui était de 3 850 ha, ne devrait baisser que de 15 à 20 %. Sur le Tarn, la perte de superficie devrait même être entièrement compensée par la fusion-absorption qui se profile avec la cave de Labastide-de-Lévis. Nous produisons en moyenne 230 000 hl/ha. Cela ne devrait pas changer. Nos marques ne sont pas en danger. »
-17 % dans le Tarn (Gaillac, Côtes du Tarn), qui arrache 1 036 ha sur 6 180 ha en production en 2023. -16 % dans le Lot (Cahors, Coteaux du Quercy), qui arrache 748 ha sur 4 694 ha. -16 % dans le Lot-et-Garonne (Côtes du Marmandais, Buzet, Duras, IGP Agenais), qui arrache 933 ha sur 6 009 ha. Source : FranceAgriMer (surface arrachée), douanes (surface en production).