e millésime 2024 marque plus les esprits par l’excès d’eau, et de mildiou, que par les sécheresses des dernières vendanges…
Éric Pastorino : L’eau est un véritable sujet. Quand on regarde les vendanges en Provence, il y a une disparité entre ceux qui ont de l’eau et les autres. Je ne parle pas forcément d’irrigation, il y a aussi ceux qui ont reçu des pluies et les autres. Il faut envisager l’accès à l’eau pour les vignobles du Languedoc, du couloir rhodanien et de la Provence. Il faut de l’eau, c’est évident. Le Roussillon nous fait tous craindre que ce soit la disparition d’une région viticole. On ne peut pas effacer tous les vignobles. Et il n’y a pas de solutions miracles pour les autres cultures…
Aujourd’hui, les changements climatiques ont un fort impact. En rentrant dans cette crise nationale et internationale du vin, l’irrégularité de rendement fragilise nos entreprises. Même si toutes les appellations sont touchées par la crise commerciale, ce sont les irrégularités de rendement qui fragilisent nos entreprises. Nous avons besoin d’une vision à long terme et d’un accès à l’eau. Un accès qui ne sera pas sans contreparties. Sur le sujet, nous avons organisé des assises de l’eau du bassin méditerranéen ce 19 juin qui ont connu un franc succès.
Comment avance le projet d’expérimentation de l’irrigation raisonnée de la vigne en AOP ?
Ces assises de l’eau ont affirmé la volonté de pouvoir expérimenter. Un travail est mené, notamment par les Côtes de Provence et le Roussillon, pour se mettre en ordre et capitaliser sur les expérimentations. Je reste convaincu qu’il y aura un pilotage très précis de l’irrigation dans les dix ans à venir afin de consommer de façon raisonnée l’eau pour nos vignes.
Comment une irrigation des vignes AOP se traduirait-elle dans les cahiers des charges et dans les plans de contrôle ?
Nous ne pourrons le voir que le jour où cela sera à la portée de tous. Je suis le président de la commission durabilité de l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité), les AOC ont le devoir de se poser des questions sur leur développement durable. L’eau en fera partie.
Cette notion de durabilité rime avec celle de pérennité…
Il faut le dire clairement : si l’on ne veut pas donner de l’eau aux vignes, autant que l’État nous dise ce que l’on doit faire de nos terres et de nos paysages millénaires. Il nous faut de l’eau, des extensions de réseau, avec l’accompagnement pour préserver les ressources, les nappes phréatiques. Je défends les canalisations : je préfère une irrigation maîtrisée plutôt que chaque vigneron faisant son forage. Il y a des sujets tabous à affronter. Sans parler de bassines, dans chaque domaine que l’on visite en Australie, il y a des retenues.