e 1er octobre 2019, le groupe Pernod Ricard, qui emploie 20 000 salariés, s’est fixé pour objectif de ne plus avoir un seul accident conduisant à un arrêt de travail en 2025. « Nous avons la sincère volonté de prendre soin les uns des autres en nous assurant que chacun rentre chez soi en bonne santé à la fin de la journée de travail », a annoncé Alexandre Ricard, le président-directeur général, lors de la présentation de ce plan.
Pour tenir cet objectif, chez Martell, à Cognac, le responsable du vignoble Julien Chadutaud organise trois réunions par an, une avant chaque grande étape de travail : la taille, la période des traitements puis les vendanges. Chaque poste est passé en revue sur le plan de la sécurité. Un point hebdomadaire est également réalisé pour que les informations circulent entre les trois sites viticoles qui emploient 35 salariés.
Le but est de réduire la fréquence des accidents et, bien sûr, leur gravité en écoutant les équipes. « Un salarié nous a remonté que la roue d’une remorque avait été mal vissée chez le concessionnaire et qu’elle risquait de se détacher, relate Julien Chadutaud. Nous avons alors décidé de vérifier toutes les roues une fois par semaine pendant les vendanges. Nous avons également identifié que les sacs de semences étaient trop lourds et avons demandé à notre fournisseur de nous préparer des sacs de 15 kg plutôt que de 25. »
Cette politique est plutôt bien acceptée par les salariés. « L’objectif n’est pas de compliquer leurs tâches, poursuit Julien Chadutaud. Ils ont compris que c’était fait pour eux. Cela améliore la relation au sein de l’entreprise et cela nous aide également, en complément de notre politique environnementale, à recruter et à fidéliser les employés. »
En 2023, Martell a déploré un arrêt de quelques jours à la suite d’une cheville foulée. Cette année, à la mi-octobre, aucun accident n’est survenu.
En Champagne, chez Mumm Perrier-Jouët, les 90 salariés du vignoble sont eux aussi mobilisés. Les multiples certifications, obtenues depuis 2016, ont déjà instauré la culture de la sécurité, des moments d’échange au sein des équipes et des audits.
François Klein (en jaune), responsable du service sécurité environnement et Thierry Bidaud, responsable des vignobles de Mumm Perrier-Jouët (photo A. Lutun).
Pour mettre fin aux coupures pendant la taille – la dernière remonte à six ans — Mumm Perrier-Jouët a monté un groupe de travail avec d’autres maisons de négoce champenois. En 2022 et 2023, ces entreprises ont planché avec Infaco à la mise au point d’un sécateur adapté à la taille champenoise. Cela a abouti à la commercialisation du F3020 et sa sécurité Contactless. Et pour parer au risque de coupure lors des vendanges, Mumm Perrier-Jouët impose depuis cinq ans le port de gant anticoupures à tous ses cueilleurs.
L’accessibilité aux enjambeurs est un autre point. « Le marchepied des enjambeurs n’est pas aussi sécurisé que celui des tracteurs, précise Thierry Bidaud, responsable des vignobles de Mumm Perrier-Jouët. Nous échangeons avec les constructeurs sur ce sujet. »
Même si les salariés sont impliqués dans la démarche, il arrive que certains équipements soient moins bien acceptés que d’autres. C’est le cas des EPI ou des vêtements jaunes de haute visibilité. « Il est obligatoire, pour les débardeurs et ceux qui manient des engins dangereux en présence d’autres salariés, de porter ces vêtements de haute visibilité depuis 2015, souligne Thierry Bidaud. Certains trouvaient que ce n’était pas beau. Il a fallu quelques années pour cela soit bien accepté. La publicité avec Karl Lagerfeld sur les gilets jaunes nous a bien aidés ! »
Les visites managériales de sécurité permettent également d’avoir les remontées du terrain. Une fois par mois, les managers rencontrent pendant quinze minutes un salarié au travail afin qu’il leur montre comment il travaille et ce qu’il fait pour se protéger. Mises bout à bout, toutes ces mesures portent leurs fruits. À la mi-octobre 2024, le dernier accident impliquant un arrêt datait du 10 septembre 2023 : une entorse survenue en montant une marche dans un vendangeoir.
« C’est en sensibilisant les équipes de manière régulière que l’on parvient à un bon niveau de maturité, souligne Julien Chadutaud. Être sensibilisé à la sécurité se traduit par le fait d’adopter une phase d’observation d’une à deux secondes quand on arrive sur une parcelle ou dans un hangar. On prend le temps d’ouvrir l’Å“il et d’analyser rapidement la situation. Est-ce qu’il y a un engin à proximité ? Le sol est-il glissant ? On fait attention à soi et aux autres. »
Pierre-François Klein, responsable du service sécurité environnement chez Mumm Perrier-Jouët « Nous travaillons avec nos équipes pour que les règles soient comprises et appliquées par tous. Tous les salariés doivent identifier au moins trois situations dangereuses par an et nous les faire remonter sur une application, si possible avec une photo. L’an dernier, nous avons totalisé 1 300 situations dangereuses. Et nous trouvons des solutions. Pour éviter qu’un salarié soit blessé par un caillou projeté par une débroussailleuse, nous avons mis en place un périmètre de sécurité de 15 mètres autour de celui qui débroussaille. En revanche, pour éviter de se fouler la cheville dans un trou de lapin, nous n’avons pas d’autre solution que d’inciter à la vigilance. Nous travaillons dans un esprit où chacun fait attention à l’autre. »