’hiver en Alsace, il n’est pas rare qu’il neige. Alors lorsqu’il taille ses vignes, Julien Boehler porte des gants en cuir conçus pour le froid signés Rostaing, une marque à laquelle il est fidèle depuis plusieurs années. Le jeune vigneron en convient : si ses mains sont au chaud, elles ne sont pas assez protégées contre le risque de coupure.
« J’ai déjà essayé de travailler avec un gant muni de coquilles de protection, mais c’est inconfortable », argumente le gérant du domaine Boehler, 9 ha à Molsheim. S’il ne s’est jamais blessé, Julien Boehler avoue n’être pas passé loin au moins une fois. « Le gant a été bien entaillé, mais par chance le sécateur n’est pas allé au-delà. »
Comme son collègue alsacien, Frédéric Le Cheviller a renoncé à utiliser un gant coqué, et pour la même raison. « Je choisis des gants ordinaires, avant toute chose souples et pas trop épais, pour le confort de travail », témoigne le chef de culture au Château Caze, 10,5 ha à Villaudric, dans le Frontonnais. Quand le temps devient plus doux, il les troque même pour « des petits gants en laine, d’un type ordinaire qu’on trouve facilement. » Et il touche du bois… de sarment. Grâce à son expérience, il ne s’est encore jamais cisaillé un doigt.
Au domaine du Champ Chapron, 65 ha à Divatte-sur-Loire, dans le pays nantais, les saisonniers portent le gant conducteur associé au sécateur F3020, d’Infaco. Grâce à ce système nommé DSES Wireless, dès que la tête de coupe entre en contact avec la main gantée, elle s’ouvre afin d’éviter l’accident. Outre le surcroît de sécurité par rapport à un gant classique, Jean-Louis Guiton, responsable vignes du domaine, a été convaincu par le confort que procure ce modèle.
« Les saisonniers l’ont testé et choisi. Il est top. On ne ressent aucune gêne, le gant est souple. Rien à voir avec un gant coqué. En encore moins avec un gant à cotte de mailles, dont le poids fatigue la main et favorise les tendinites ». Seule contrainte : « Le gant doit être bien ajusté à la main du porteur, de façon à assurer la bonne conduction. »
Toutefois, cette protection n’est pas 100 % infaillible. « Si le gant est mouillé, le système est moins performant », rapporte le responsable. Il se rappelle aussi avoir rencontré un cas très spécifique. « Une saisonnière qui venait de s’entailler un doigt m’a fait constater que la conduction électrique ne fonctionnait pas sur elle. Par chance, la coupure n’était pas profonde. »
Jean-Louis Guiton le souligne : « En une saison, un tailleur donne 300 000 coups de sécateur. Alors même avec un système performant, le risque de coupure existe. » Aussi rabâche-t-il à l’envi le même refrain à ses deux saisonniers : « At-ten-tion à vos mains ! » « Je consacre deux heures à accompagner chaque nouveau saisonnier afin qu’il acquière le réflexe de positionner sa main à l’extrémité des sarments à couper et non pas au ras du sécateur. Et je n’hésite pas à répéter la consigne tout au long de la saison de taille. Et d’avouer : Je peux me montrer très ch… ! »
Aux vignobles Mumm Perrier-Jouët, à Épernay, dans la Marne, la sécurité est tout autant une priorité. Jusqu’à cette année, cette maison, elle aussi, équipait ses salariés du système Wireless d’Infaco. Mais après un test plébiscité par les saisonniers, elle vient d’adopter le Contactless, dernier-né de la marque.
Ce système s’articule autour d’un capteur fixé sur le dessus de la main opposée, qui crée une zone de sécurité virtuelle, de sorte que si cette main s’approche trop près du sécateur, la lame s’ouvre. « Du point de vue de la sécurité, c’est super, apprécie Thierry Bidaut, responsable vignobles du domaine. L’autre atout, c’est qu’on peut choisir son gant : en Champagne, nous avons besoin d’un gant plus chaud que celui du Wireless. Avec le Contactless, on peut porter n’importe quel gant par-dessus le capteur. Chaque salarié s’équipera donc de la paire de son choix dans notre sélection : des gants fourrés pour le froid, des plus légers en fin de saison. »
Reste que même si le fabricant annonce ses gants comme étant étanches, ce paramètre reste à améliorer. Thierry Bidaut prévoyait « au minimum deux gants Wireless par saisonnier et par jour, en cas de pluie ». Jean-Louis Guiton déplore, quant à lui, de transpirer dans le même modèle. Julien Boehler convient également que malgré leur traitement hydrofuge, ses gants en cuir ne sont pas suffisamment étanches par temps de pluie. Auquel cas il doit régulièrement les « mettre à sécher à la mi-journée ». En revanche, ils sont robustes : pour 30 €, une paire lui dure la saison.
Pour sa part, Carlo La Rocca ne porte pas de gants. « Chez moi, il ne fait pas froid, lance le vigneron gardois du domaine de l’Agramante, 5,5 ha à Sabran. Et je garde la main opposée loin du sécateur. » Même pas peur.
Angélique Pierre, conseillère en prévention à la MSA des Charentes précise « Avec le sécateur électrique, le risque de coupure augmente considérablement. À partir de là, il est important que le viticulteur se protège. Deux types de solutions s’offrent à lui. Soit le gant coqué fabriqué par Peaucéros, soit les gants de sécurité des fabricants de sécateurs. Il est vrai que les coquilles ne sont pas très confortables, mais Peaucéros a travaillé à réduire les irritations dues au frottement contre les coques. Il faut aussi penser à entretenir ces gants en les graissant. Quant aux autres modèles, là encore, il faut les laver régulièrement et les remplacer dès qu’ils sont usés. Il faut faire preuve de discipline pour maintenir l’efficacité de ces dispositifs de sécurité. »